Quand le trompettiste Ibrahim Maalouf réécrit l’histoire de la musique classique… venue d’Afrique !

Ibrahim Maalouf

Si vous ne connaissez pas Ibrahim Maalouf, c'est dommage. Pour deux raisons : d'abord parce que c'est un excellent trompettiste, originaire du Liban, aussi à l'aise avec le jazz qu'avec la musique orientale, et parfaitement capable de mêler les deux, comme en témoigne « Beirut », une de ses dernières compositions. Ensuite, parce que c'est un bon client du monde contemporain, jamais en retard d'une assertion politiquement correcte. Prenez son récent entretien à France Culture, par exemple.

Ibrahim Maalouf considère, dans un long extrait qui ne marche pas trop mal sur les réseaux sociaux, que la musique classique (européenne) doit beaucoup à la musique africaine. Des preuves ? Eh bien... Maalouf hésite... Eh bien, les percussions, le marimba dans les orchestres... Voilà voilà... D'autres précisions seraient superflues, l'extrait ne dure que 57 secondes, mais on a bien compris.

Sans verser dans la cuistrerie et n'étant pas musicologue, je croyais que la musique occidentale était inspirée par les modes grecs, par les polyphonies païennes. Je croyais que les instruments de musique occidentaux venaient, eh bien ma foi, d'Occident, tandis que les instruments orientaux venaient... d'Orient. Il me semblait également que les écarts entre les notes dans les musiques traditionnelles de chaque pays étaient suffisamment singuliers pour qu'on ne les confonde pas : gammes pentatoniques en Asie, quarts de ton en Orient, gamme tempérée en Occident.

Par ailleurs, je ne vois pas bien en quoi les instruments de musique africains ont inspiré les orchestres philharmoniques d'aujourd'hui ni comment les compositions africaines ont permis l'essor des arts musicaux de l'Occident. Ibrahim Maalouf aurait pu parler du jazz, une de ses spécialités, et il aurait alors eu raison : sans musique africaine, pas de blues, pas de rencontre entre musique traditionnelle américaine et rythmes des anciens esclaves. C'est cela qui donne son génie au jazz. Mais le classique, vraiment, c'est un peu tiré par les cheveux.

À ce propos, savez-vous qu'Ibrahim Maalouf s'est fait faire une trompette qui joue les quarts de ton, comme dans les mélodies arabes ? Ne s'agit-il pas, pourtant, d'un instrument européen, donc inspiré par l'Afrique ? Ces notes ne devraient-elles pas déjà s'y trouver ? Allez, n'en parlons plus : il suffira qu'Ibrahim Maalouf consacre une interview, ou un podcast, à nous expliquer l'histoire de la musique africaine, à nous dire comment Mozart a tout piqué à un griot malien inconnu ou comment on a oublié que Beethoven était noir. Il nous dira comment le clavecin fut inventé en Ouganda, pourquoi l'on trouve des tombes communes d'orchestres symphoniques du Monomotapa, avec tambours et violoncelles, 5.000 ans avant notre ère. Ca ne devrait pas être difficile.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

28 commentaires

  1. Je suppose que le journaliste de « France culture » n’a rien dit de ces propos et les a mêmes trouvés normaux. Il faut virer tous ces incapables et leur opposer des personnes cultivées inspirées de notre héritage. Même si beaucoup de compositeurs, notamment français ont mis dans leur musique une part d’orient, ils n’ont jamais adopté la gamme orientale qui sonne faux à nos oreilles occidentales.

  2. Ce Monsieur, a un privilège et un avantage, il a une double nationalité, si la France ne lui convient pas il peut renoncer à la nationalité française et retourner dans son pays d’origine pour l’enrichir de son fabuleux talent.
    Moi, malheureusement je n’ai qu’une nationalité , je n’ai pas le choix , je dois subir ce genre de personnage , qui en plus vient me donner des leçons…

  3. Inlassablement, continuer de lutter contre ce prosélytisme insidieux, en attendant le sursaut législatif qui mettra fin à cette entreprise de démolition qui effraie si aisément le tenant obstiné d’une liberté prise en otage …

  4. Musicien de Jazz amateur, ayant joué à la Nouvelle Orléans, j’affirme que le Jazz est sorti des champs de coton où ils étaient esclaves et avaient le « Blues » ! Noirs, certes, mais non Africains sur leur sol. Vocal, puis instrumental.
    Mon épouse, violoniste classique depuis 60 ans, n’a jamais vu une partition écrite par un Noir. Seules les Blanches et les… Noires…

  5. On sent bien dans les œuvres de Jean-Sébastien Bach, notamment dans l’Oratorio de Noël où la Toccata, une pointe de copie de la rumba ou du Coupé-décalé Africain. Le grand remplacement est en marche forcé.

  6. Le dernier paragraphe de cet édito est tout particulièrement savoureux.
    En caricaturant à peine, on pourrait dire que passer des musées de Paris, Londres, Berlin ou New-York et tant d’autres à ceux de Bamako, de Kinshasa, de Lagos ou d’Abidjan et tant d’autres, revient un peu à quitter le Louvre pour s’extasier dans une brocante. Cela dit, on peut y faire aussi d’excellentes découvertes, mais ce n’est pas la loi du genre, et il faut avoir foi en sa chance.

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