Les commentateurs se sont accordés pour décrire la présidentielle que nous vivons comme « hors normes » (Le Monde). Et ceci pour deux grandes raisons : l'ascension de candidats « hors système », Macron et Le Pen, donnés favoris, et le résultat annoncé serré entre les quatre premiers candidats. Par ailleurs, la présence de Mme Le Pen au second tour leur permet de rapprocher cette élection de celle de 2002. Un journaliste des Échos, rendant compte du dernier sondage donnant Macron à 23, Le Pen à 22, Fillon à 21 et Mélenchon à 18, fait ainsi le lien:

Rappelons que 2002 est la seule élection présidentielle de la Ve République dans laquelle aucun des deux qualifiés pour le second tour n'a obtenu moins de 25 % des votes.

Nous supposons qu'il voulait signifier "n'a obtenu plus de 25 %". Mais, même remise en ordre logique, son assertion est approximative et fausse. Approximative car, en 2002, ce n'est pas la barre des 25 % qu'aucun des deux qualifiés n'avait réussi à dépasser, mais celle des 20 % ! M. Chirac plafonnait à 19,88 ! Fausse car il existe bien une autre élection dans laquelle aucun des deux qualifiés ne dépassait 25 % : celle de 1995.

Et, donc, du point de vue des seules masses en présence, abstraction faite de leur couleur idéologique, soit quatre blocs compris entre 15 et 23 %, c'est bien plutôt du côté de l'élection de 1995 que de 2002 qu'il faut regarder. En effet, pour cette élection de 1995, avec la fracture entre Balladur et Chirac et la compétition serrée qui les opposait, l'indécision était forte à la veille du premier tour. Qui des deux virerait en tête ? Seraient-ils tous les deux au second tour, puisque la France sortait du double septennat mitterrandien et que la gauche pesait peu, représentée par M. Jospin, « l'héritier rebelle » ? Si le résultat du 23 avril 1995 se révéla bel et bien serré, il réserva aussi quelques surprises :
- M. Jospin, contre toute attente, vira en tête à plus de 23,3 % ;
- M. Chirac se qualifia in extremis à 20,8 % ;
- et le favori du scrutin, M. Balladur, rata la marche à 18,6 %.

Mais on a oublié que M. Le Pen avait dépassé les 15 %, ce qui était aussi historique.

1995 était bien la première élection présidentielle où aucun des deux qualifiés ne dépassait les 25 %. Arrivait en tête un outsider. Et le favori des sondages était éliminé.

Il se pourrait que le résultat de ce soir ressemble à cette distribution des scores. Mais, bien sûr, la répartition politique des blocs est complètement différente.

En tout cas, pour la légitimité des deux sélectionnés de ce dimanche, il serait heureux que l'élection ressemble davantage à celle de 1995, et qu'ils dépassent tous deux la barre des 20 %, contrairement à 2002. Si l'un d'eux atteignait ou dépassait le seuil des 25 %, quelle que soit l'issue du second tour, cette performance lui donnerait une incontestable assise populaire.

Pour savoir si le 23 avril 2017 aura ou non un petit air du 23 avril 1995, pour savoir qui parviendra à se hisser au-dessus des 20 %, voire des 25 %, plus que quelques heures de patience.

Bon vote !

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23 avril 2017 à 0:43

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