Le Premier ministre à Cahors : il n’y a plus de DS noires…
La vie politique serait-elle un éternel recommencement ? On se le demande, en voyant qu'une partie du gouvernement Philippe et son cabinet se délocalisent pour trois jours à Cahors, préfecture du Lot, à l’occasion de la tenue de la Conférence des territoires dont l’objectif est de rétablir les ponts, bien endommagés, entre le pouvoir central et les élus locaux. Pourquoi Cahors ? Pourquoi pas. Le pont Valentré, qui enjambe majestueusement le Lot, est sans doute un meilleur symbole de cette belle opération de communication que ne l’aurait été le pont d’Avignon !
On ne s’étendra pas sur le côté « barnum » de l’opération qui doit s’apparenter à l'accueil d’une étape du Tour de France, événement que la capitale du Quercy a connu par trois fois dans son histoire. On imagine, en coulisses, les aspects logistiques et sécuritaires pour planter le chapiteau gouvernemental dans cette ville de 21.000 habitants. En tout cas, espérons qu'Édouard Philippe sera moins hors-sol que ne l’a été sa secrétaire d’État, Brune Poirson, le 17 novembre dernier dans le Vaucluse. En effet, à l’occasion de l’assemblée générale de l’Association des maires de ce département, elle n’avait été capable dans son petit discours, cinq minutes avant le déjeuner, que d’évoquer les marchés de Provence qui lui manquaient tant à Paris et de présenter la lutte contre le Front national comme une sorte de cause nationale. Un peu court, pour des élus qui, une fois le marché de Provence démonté, doivent faire enlever les papiers gras et passer le Kärcher avec toujours moins de moyens…
Éternel recommencement, disais-je ? Oui et non. C’est vrai que toute la presse, aujourd’hui, évoque ces délocalisations de Conseil des ministres en province, un truc inventé par Giscard, relégué au grenier sous Mitterrand et Chirac, et ressorti par deux fois sous Sarkozy en 2007 à Strasbourg et Ajaccio. L’innovation de Cahors ? Il ne s’agit pas d’un Conseil des ministres et les ministres vont passer deux nuits, et pas une, sur place : une révolution !
Mais en écoutant les actualités, en lisant la presse des années Giscard, on a comme un sentiment d’éternel recommencement. Heureusement que les cols pelle à tarte et les DS noires sont là pour nous rappeler que nous sommes en 1974 ou en 1975 et non en 2017.
11 septembre 1974, à Lyon, Giscard, tout à sa frénésie de modernité, a donc convoqué son premier Conseil des ministres délocalisé. André Rossi, porte-parole du gouvernement, tout sourire, explique aux micros de l’ORTF qu’il s’agit de "créer dans l’esprit des gens cette idée qu’il faut débloquer tout un tas de mécanismes, de rétablir tout un tas de liens qui étaient rompus".
Le 26 février 1976, Giscard récidive. Cette fois-ci, c’est à Évry, dans l’Essonne, que se tient le Conseil des ministres. Tout un symbole, dans cette ville que l’on qualifiait de « ville nouvelle » et où l’on pataugeait encore dans la boue des chantiers lancés sous de Gaulle et Pompidou. L’opération de com’ – on disait de « publicité » - est critiquée par le journaliste François-Henri de Virieu, alors chroniqueur au Nouvel Observateur dans sa tribune du 3 mars : "Étudier le dossier de l’environnement ou celui des finances locales à l’Élysée ou à Évry, c’est pareil. À quoi sert de déplacer la cour au grand complet si les gouvernants ne profitent pas de l’occasion pour regarder de près l’urbanisme de l’avenir, pour se mêler aux gouvernés et pour tenter de comprendre les problèmes tels qu’ils sont vus “d’en bas”." Et de dénoncer le ministre de l’Environnement, sitôt le conseil terminé, passant en coup de vent, descendant de son bus électrique, trempant ses lèvres dans un verre de rouge et sautant dans sa DS noire pour rentrer à Paris…
Depuis, on a sans doute fait des progrès… de communication et il n’y a plus de DS noires.
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