Hier, Philippe Murer s'est penché sur la crise énergétique dans cet article. Nous en donnons aujourd'hui la suite.

Si la France ne dépend plus que de 17 % de la Russie pour son approvisionnement en gaz, Emmanuel Macron a décidé d’en donner à l’Allemagne, dépendante à 55 % de la Russie, en échange, paraît-il, d’électricité, qui risque de manquer aussi à notre voisin germanique. Par ailleurs, Macron a fermé Fessenheim et il manquera donc 2,5 % d’électricité française de plus cet hiver. Au prix de l’électricité de la fin de l’été, cela représente 8 milliards d’euros par an, soit environ trois fois le coût de sa construction. Comme le secteur nucléaire a subi désintérêt et désinvestissement, que la maintenance « a été faite avec les moyens du bord », la moitié des réacteurs restants sont à l’arrêt. Il semble très improbable qu’EDF réussisse à remettre tous les réacteurs nucléaires en ordre de marche pour cet hiver. Imaginons (hypothèse raisonnable) qu’EDF réussisse à faire fonctionner les trois quarts de ses réacteurs nucléaires cet hiver. La France achète depuis quelques années de l’électricité aux autres pays européens les jours de pointe. La France devrait donc en acheter beaucoup plus, parfois un quart de notre production nucléaire habituelle. Comme les autres pays produisent plus de 20 % de leur électricité avec du gaz qui risque fort de manquer, ils ne pourront probablement pas nous vendre de l’électricité ! Les coupures de courant, peut-être pour plusieurs jours, sont donc quasiment inévitables. Ce qui signifie soit des arrêts d’entreprises et donc leur mise en danger, soit des coupures pour les ménages et l’impossibilité de se chauffer pour certains, de cuisiner pour d’autres, d’accéder à Internet, à la télévision ou même de lire pour tous. La France ne sera pas seule dans ces difficultés, les autres pays étant souvent très dépendants du gaz pour l’électricité et l’énergie. Il n’y a donc rien d’étonnant dans le fait que les prix de marché du gaz et de l’électricité aient été multipliés respectivement par des facteurs vingt et douze, même si la sortie du marché européen de l’électricité aurait permis de réguler ces prix et d’éviter une telle dérive.

Pénurie, inflation et cherté de l’énergie sont donc lourdement probables. L’économie, c’est de l’énergie transformée. Le scénario de la tempête parfaite point à l’horizon. Les prémices s’annoncent déjà difficiles pour notre tissu industriel. Arc, Ascométal et Duralex ont annoncé fermer « temporairement » leurs usines pour cause de prix de l’énergie trop élevés : ils perdent un argent fou en restant ouverts ! Le président de Système U a annoncé que sa facture d’électricité serait multipliée par deux l’année prochaine. Pour des entreprises moyennes comme les fonderies Dechaumont, c’est plutôt une multiplication par quatre à six qui est attendue, soit la ruine pour cette entreprise énergivore si la situation perdurait. Dès aujourd’hui, la production d’aluminium et de zinc en Europe a déjà été réduite de moitié. Arcelor a réduit la production de sept sites en France. Alors qu’ils avaient déjà dû réduire fortement leur activité, les producteurs de zinc, de cuivre, de nickel ou de silicium se disent menacés dans leur existence même ! Les fabricants d’engrais ne peuvent plus produire à des prix raisonnables, le gaz étant trop cher. Quid de notre alimentation, l’année prochaine ? Si l’énergie russe ne coule pas rapidement vers l’Europe, c’est notre tissu industriel et celui de l’Europe qui seront partiellement coulés. Et ce ne seront pas les start-up qui nous sauveront la mise. Si la situation peut un peu s’améliorer, le problème pourrait durer un peu moins de cinq ans. Et ces cinq ans passés, l’énergie sera plus chère en Europe qu’en Asie car elle viendra de plus loin et l’Europe n’aura pas tous les choix ouverts. C’est donc un avenir de destruction de notre tissu économique et social et d’inflation qui nous attend si la situation n’est pas reprise en main. Pour l’heure, nous assistons impuissants à une forme de suicide européen. Rappelons, enfin, que nos sanctions morales entraînant une explosion des prix de l’énergie partout dans le monde touchent durement l’économie et la vie quotidienne déjà fragile des habitants des pays pauvres.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Au risque de choquer les belles âmes, il y a une forme de crétinisation de la vie publique qui s’explique notamment par l’abus de communication, celle-ci ayant progressivement remplacé l’analyse rationnelle. La Commission européenne proposant, dans les faits pensant pour les pays dans des domaines de plus en plus nombreux, les partis politiques européistes n’ont depuis des années qu’à utiliser cette feuille de route et la répéter comme des perroquets en changeant légèrement l’argumentation. C‘est, d’ailleurs, conseillé si vous ne voulez pas passer pour un méchant politique nationaliste. Quand notre Président va à Bruxelles, il est par ailleurs confronté à la Commission européenne et à 26 autres pays aux intérêts différents. Il est alors difficile de dire non et d’être le mouton noir qui bloque la décision européenne. Voici comment de plus en plus de décisions contraires à l’intérêt du pays passent sans difficulté particulière. L’alignement sur l’intérêt américain de l’Union européenne est une autre pièce de ce puzzle. Pour finir, les grands partis d’opposition, guère courageux et imaginatifs, tenus par la trouille de la pensée unique, ne proposent pas grand-chose, si ce n’est de régler des problèmes annexes et non la partie principale du problème. On entend donc presque uniquement : « Occupons-nous du pouvoir d’achat des Français et tout sera résolu » ou « c’est la faute de Macron et des socialistes, ils ont amoindri la force de notre système électrique nucléaire ». Ces grands partis d’opposition sont bien majoritaires à l’Assemblée nationale mais presque aucune voix ne s’élève pour demander rapidement une session extraordinaire sur le problème vital que nous posent ces sanctions antirusses. On devrait plutôt dire anti-européennes ou antifrançaises, puisque la Russie sera bénéficiaire de ces sanctions à hauteur de 100 milliards d’euros de recettes supplémentaires, cette année, quand la France s’appauvrira. Et sur le moyen terme, ses débouchés énergétiques sont garantis en Asie. Il faudra pourtant choisir entre deux alternatives : continuer ainsi et avoir une guerre longue au cœur de l’Europe, voir l’Europe et ses peuples subir un profond déclassement économique et social, ou bien chercher la paix sur le continent, négocier et, bien sûr, arrêter ou, au minimum, adoucir ces « sanctions ». Même lorsque l’on n’en est pas responsable, la guerre n’amène jamais que la ruine économique dans ses bagages.

Ce fatras d’erreurs de toutes sortes nous laisse parfois penser que nous vivons en idiocratie. Quoi qu’il arrive, il est inimaginable que les Français soient sacrifiés sur l’autel de l’Absurdie (ou d’une défense d’une hégémonie américaine déclinante). Il ne s’agit donc plus d’un problème économique mais d’un problème politique. Le pire n’est jamais certain, mais il est inconcevable de ne pas s’en prémunir. En attendant, préparons-nous à affronter la tempête, à moins qu’un miracle ne l’arrête avant de toucher nos côtes.

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19 septembre 2022 à 20:55

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38 commentaires

    1. Ce n’est pas la Russie qui est sanctionnée mais NOUS! Revenons à des échanges intelligents. Mais n’est-il pas trop tard? Paix aux hommes de bonne volonté. Mais attention! Ursula et Macron veillent et soufflent sur les braises.

  1. On devrait donc voir s’inverser les courants migratoires et l’Europe ré-envahir l’Afrique et re-coloniser ce qui n’a pas pu l’être par exemple le Sahara devenant ce qu’est devenu le NEVADA américain!

  2. Pas d’électricité, : pas d’eau de téléphone de moyen de cuisson de chauffage ni d’évacuation toilettes Tout cela car je réside à 7 km d’Avignon, que je n’ai pas de tout à l’égout ni d’eau de ville alors que ceux-ci ont été apportés voici près de 20 ans pour les nouvelles constructions sans offre pour les autres résidents autour!.

  3. Mais avec le réchauffement climatique, la pénurie va passer inaperçue, non ? En tous cas, je vis sur la côte varoise, habituellement on se baigne dans la mer jusqu’au 15 octobre, nous sommes le 20 septembre et elle est déjà frisquette…

  4. Toutes ces « pénuries » sont programmées d’en haut.
    La phase covid d’asservissement a plutot bien fonctionner donc nos vaillants dirigeants passent à la phase suivante et ce ne va pas être de la tarte.
    Après avoir bien chauffé Poutine ce qui devait arriver est arriver et c’est du bain béni pour les chefs du nouveau monde.
    Pauvre Ukraine devenue bain de sang des nations qui sert de prétexte à toutes les malversations de nos narcisses… et vdl qui se travestie aux coeurs de l’Ukraine pour embrasser u. Zelansky bien pire qu’un Orban…
    Oui une crise est là, fabriquée et dont on ignore les limites…

    1. Vous avez tout compris, il suffit d’analyser les intérêts des pays belligérants et leurs intérêts à vouloir se redistribuer le monde et ses ressources naturelles ou pas.
      Quand à la phase Covid, elle est en attente d’une nouvelle phase, les investisseurs n’ont pas encore lâcher cette manne et les conséquences bénéfiques qui vont avec.

  5. S’il y a des coupures de courant, même les chauffages au gaz ou fuel ne fonctionneront plus. Il ne restera que le feu dans la cheminée à condition d’en avoir une et de manger froid à la lueur d’une bougie. Manger chaud à condition d’avoir une cuisinière à gaz et une bonbonne. Les balances des commerçants, toutes électriques aujourd’hui, ne fonctionneront plus sauf avec un batterie à condition d’en trouver encore! L’électricité ne se stocke pas et l’économie faite un jour ne peut être utilisée ultérieurement. Mais rassurez-vous, vous pourrez vous réchauffer dans les manifs qui risquent d’être très…chaudes.

  6. Pour se sortir de ce bourbier, il faut que les Français n’aient pas honte d’être patriotes et qu’ils le fassent entendre à leurs dirigeants.
    Malheureusement, la réélection de Macron est une catastrophe pour la France.
    Il ne fera rien qui soit contraire aux intérêts européens, donc de l’Allemagne et je ne serais pas surpris qu’il vise le poste d’Ursula pour 2027.
    Cette situation, qui ne peut que dégénérer, risque de nous conduire à la guerre en Europe, même entre les membre de l’UE !

    1. Mais c’est ce qu’est en train de souhaiter et préparer Ursula, à la botte des US. Le couple diabolique Ursula-Macron n’e fait que renforcer la grande destruction de la France. DEHORS.

    2. Tout à fait d’accord avec vous. Soutenons les patriotes et n’écoutons plus les beaux parleurs qui vendent du vent et n’apportent que des solutions catastrophiques. Depuis 1995 nous nous enfonçons inexorablement et ceux qui osent le dire sont conspués.

  7. « Pénurie, inflation et cherté de l’énergie sont donc lourdement probables. » Etant d’un âge canonique, je me rappelle comment on nous a vendu l’Europe lors de sa création : « Ce sera l’abondance, la stabilité, l’explosion économique et bien sûr la paix ». Cela ne semble gêner aucun des européistes convaincus que leurs résultats à terme soient exactement l’inverse de leurs promesses.

    1. Exact ,c’est comme cela qu’ils ont vendus leurs camelotes avariés .Mais l’amnésie est une chose partagée par beaucoup de monde !

  8. Après la « crise » du covid et maintenant celle de la guerre en Ukraine, si les Français ne veulent pas voir que les promesses principales de l’UE: la paix en Europe, l’économie fleurissante etc, n’étaient que des « promesses » et qu’en fait, c’est tout le contraire qu’on a, alors, ils disparaîtront. ! Par ailleurs, l’UE est dirigée par des incompétents non élus et, semble-t’il, corrompus. Quant à la forme de direction, elle frise la dictature ! Alors, l’UE, stop ou encore ?

  9. Je ne partage pas ce catastrophisme qui fait le jeu de la gouvernance Macron, car la peur, depuis le Covid, est devenue une forme de gouvernance. Certaines centrales rouvriront pour l’hiver et il existe des pulls et des couvertures. En revanche, je partage l’idée de sortir de ce règlement européen sur l’énergie digne de crânes d’oeuf.

  10. J’aime bien les personnes honnêtes et impartiales , mais dans la sphère médiatico politique c’est en général bien trop demander. P. Murer en est l’exemple type. Démissionnaire avec Philippot du RN, puis après de Reconquête, Sa diatribe « Pour finir, les grands partis d’opposition, guère courageux et imaginatifs, tenus par la trouille de la pensée unique, ne proposent pas grand-chose » est mensongère car durant les campagnes présidentielles et législatives, et dimanche 4 septembre sur BFM TV par Bardella, le RN s’est opposé aux sanctions énergétiques contre la Russie. Aigreur quand tu nous tiens.

  11. Un miracle oui. Facile. Il suffit de quitter l UE et de foutre la paix à Poutine. Les conflits de voisinage à 3000 kms ne nous concernent pas. Seuls nous n avions aucun problème d énergie.

    1. Vous faite quoi dans l’histoire des États Unis, principal et unique responsable de cette débâcle? La bande des Biden, Soros, Gate et Cie ,ont depuis des années tissé la toile qui asservie l’Europe avec, à présent, la complicité de Ursula von der Leyen ingénieur en chef actuel de l’asservissement des peuples. L’UE n’est rien d’autre que le vassal des USA et ce depuis sa création avec la complicité de Jean Monnet.

    2. Oh si nous avons un problème, et un gros : la fermeture idéologique de Fessenheim n’est que le prélude à la fermeture, tout aussi idéologique de 15 centrales nucléaires supplémentaires d’ici 13 ans. Malgré les discours sans queue ni tête de notre locataire de l’Elysée (entre deux changements de baskets) ce suicide énergétique est toujours inscrit dans la loi, qu’il n’a aucune intention d’abroger (ce n’est pas dans sa feuille de route).

  12. Alors que l’on ne cesse de nous dire que la guerre en Ukraine, guerre qui ne nous regarde pas puisqu’elle à été provoqué et souhaité par la première nation économique au monde, cette Ukraine n’est pour rien dans l’arrêt de l’approvisionnement de l’énergie venant de la Russie et additionné d’une part à la volonté de supprimer les centrales nucléaires pour faire grand plaisir aux verts, admirateurs de greenpeace, associés au lobby des constructeurs d’éoliennes et d’autre part à des politiciens plus préoccupés à leur réélection qu’a prendre des décisions en faveur de notre nation.

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