Pourquoi les pénuries d’énergie pourraient engendrer la pire crise économique depuis 1945 (2)

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Hier, Philippe Murer s'est penché sur la crise énergétique dans cet article. Nous en donnons aujourd'hui la suite.

Si la France ne dépend plus que de 17 % de la Russie pour son approvisionnement en gaz, Emmanuel Macron a décidé d’en donner à l’Allemagne, dépendante à 55 % de la Russie, en échange, paraît-il, d’électricité, qui risque de manquer aussi à notre voisin germanique. Par ailleurs, Macron a fermé Fessenheim et il manquera donc 2,5 % d’électricité française de plus cet hiver. Au prix de l’électricité de la fin de l’été, cela représente 8 milliards d’euros par an, soit environ trois fois le coût de sa construction. Comme le secteur nucléaire a subi désintérêt et désinvestissement, que la maintenance « a été faite avec les moyens du bord », la moitié des réacteurs restants sont à l’arrêt. Il semble très improbable qu’EDF réussisse à remettre tous les réacteurs nucléaires en ordre de marche pour cet hiver. Imaginons (hypothèse raisonnable) qu’EDF réussisse à faire fonctionner les trois quarts de ses réacteurs nucléaires cet hiver. La France achète depuis quelques années de l’électricité aux autres pays européens les jours de pointe. La France devrait donc en acheter beaucoup plus, parfois un quart de notre production nucléaire habituelle. Comme les autres pays produisent plus de 20 % de leur électricité avec du gaz qui risque fort de manquer, ils ne pourront probablement pas nous vendre de l’électricité ! Les coupures de courant, peut-être pour plusieurs jours, sont donc quasiment inévitables. Ce qui signifie soit des arrêts d’entreprises et donc leur mise en danger, soit des coupures pour les ménages et l’impossibilité de se chauffer pour certains, de cuisiner pour d’autres, d’accéder à Internet, à la télévision ou même de lire pour tous. La France ne sera pas seule dans ces difficultés, les autres pays étant souvent très dépendants du gaz pour l’électricité et l’énergie. Il n’y a donc rien d’étonnant dans le fait que les prix de marché du gaz et de l’électricité aient été multipliés respectivement par des facteurs vingt et douze, même si la sortie du marché européen de l’électricité aurait permis de réguler ces prix et d’éviter une telle dérive.

Pénurie, inflation et cherté de l’énergie sont donc lourdement probables. L’économie, c’est de l’énergie transformée. Le scénario de la tempête parfaite point à l’horizon. Les prémices s’annoncent déjà difficiles pour notre tissu industriel. Arc, Ascométal et Duralex ont annoncé fermer « temporairement » leurs usines pour cause de prix de l’énergie trop élevés : ils perdent un argent fou en restant ouverts ! Le président de Système U a annoncé que sa facture d’électricité serait multipliée par deux l’année prochaine. Pour des entreprises moyennes comme les fonderies Dechaumont, c’est plutôt une multiplication par quatre à six qui est attendue, soit la ruine pour cette entreprise énergivore si la situation perdurait. Dès aujourd’hui, la production d’aluminium et de zinc en Europe a déjà été réduite de moitié. Arcelor a réduit la production de sept sites en France. Alors qu’ils avaient déjà dû réduire fortement leur activité, les producteurs de zinc, de cuivre, de nickel ou de silicium se disent menacés dans leur existence même ! Les fabricants d’engrais ne peuvent plus produire à des prix raisonnables, le gaz étant trop cher. Quid de notre alimentation, l’année prochaine ? Si l’énergie russe ne coule pas rapidement vers l’Europe, c’est notre tissu industriel et celui de l’Europe qui seront partiellement coulés. Et ce ne seront pas les start-up qui nous sauveront la mise. Si la situation peut un peu s’améliorer, le problème pourrait durer un peu moins de cinq ans. Et ces cinq ans passés, l’énergie sera plus chère en Europe qu’en Asie car elle viendra de plus loin et l’Europe n’aura pas tous les choix ouverts. C’est donc un avenir de destruction de notre tissu économique et social et d’inflation qui nous attend si la situation n’est pas reprise en main. Pour l’heure, nous assistons impuissants à une forme de suicide européen. Rappelons, enfin, que nos sanctions morales entraînant une explosion des prix de l’énergie partout dans le monde touchent durement l’économie et la vie quotidienne déjà fragile des habitants des pays pauvres.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Au risque de choquer les belles âmes, il y a une forme de crétinisation de la vie publique qui s’explique notamment par l’abus de communication, celle-ci ayant progressivement remplacé l’analyse rationnelle. La Commission européenne proposant, dans les faits pensant pour les pays dans des domaines de plus en plus nombreux, les partis politiques européistes n’ont depuis des années qu’à utiliser cette feuille de route et la répéter comme des perroquets en changeant légèrement l’argumentation. C‘est, d’ailleurs, conseillé si vous ne voulez pas passer pour un méchant politique nationaliste. Quand notre Président va à Bruxelles, il est par ailleurs confronté à la Commission européenne et à 26 autres pays aux intérêts différents. Il est alors difficile de dire non et d’être le mouton noir qui bloque la décision européenne. Voici comment de plus en plus de décisions contraires à l’intérêt du pays passent sans difficulté particulière. L’alignement sur l’intérêt américain de l’Union européenne est une autre pièce de ce puzzle. Pour finir, les grands partis d’opposition, guère courageux et imaginatifs, tenus par la trouille de la pensée unique, ne proposent pas grand-chose, si ce n’est de régler des problèmes annexes et non la partie principale du problème. On entend donc presque uniquement : « Occupons-nous du pouvoir d’achat des Français et tout sera résolu » ou « c’est la faute de Macron et des socialistes, ils ont amoindri la force de notre système électrique nucléaire ». Ces grands partis d’opposition sont bien majoritaires à l’Assemblée nationale mais presque aucune voix ne s’élève pour demander rapidement une session extraordinaire sur le problème vital que nous posent ces sanctions antirusses. On devrait plutôt dire anti-européennes ou antifrançaises, puisque la Russie sera bénéficiaire de ces sanctions à hauteur de 100 milliards d’euros de recettes supplémentaires, cette année, quand la France s’appauvrira. Et sur le moyen terme, ses débouchés énergétiques sont garantis en Asie. Il faudra pourtant choisir entre deux alternatives : continuer ainsi et avoir une guerre longue au cœur de l’Europe, voir l’Europe et ses peuples subir un profond déclassement économique et social, ou bien chercher la paix sur le continent, négocier et, bien sûr, arrêter ou, au minimum, adoucir ces « sanctions ». Même lorsque l’on n’en est pas responsable, la guerre n’amène jamais que la ruine économique dans ses bagages.

Ce fatras d’erreurs de toutes sortes nous laisse parfois penser que nous vivons en idiocratie. Quoi qu’il arrive, il est inimaginable que les Français soient sacrifiés sur l’autel de l’Absurdie (ou d’une défense d’une hégémonie américaine déclinante). Il ne s’agit donc plus d’un problème économique mais d’un problème politique. Le pire n’est jamais certain, mais il est inconcevable de ne pas s’en prémunir. En attendant, préparons-nous à affronter la tempête, à moins qu’un miracle ne l’arrête avant de toucher nos côtes.

Vos commentaires

38 commentaires

  1. Et oui …. Déjà l’Université de Strasbourg (après les musées ….) va fermer 15 jours de plus cet hiver ! Que feront les enseignants pendant ce temps ? Prolongeront-ils encore leurs congés de 15 jours et seront-ils payés à ne rien faire ? Il serait intéressant de vérifier s’ils travailleront encore la moitié de l’année ?
    Et comment se fait-il que la géniale maire écolo islamo-gocho de la capitale européenne n’oblige pas les étudiants et les enseignants à pédaler pour produire l’électricité nécessaire au chauffage de leur université ? Elle pourrait faire de même en ce qui concerne le personnel pléthorique de sa mairie ! Enfin, un peu d’écologie positive …. et bonne pour la santé SVP ….

  2. Malheureusement il y a bien longtemps que la crise est amorcée, l’annexion à l’Europe – qui ne sert d’ailleurs que les intérêts de quelques uns – est l’apothéose du déclin orchestré de la France pour satisfaire des alliances politiques économiques néfastes car à très court terme et sans aucune vision. La liste est longue : déplacement des industries polluantes, nos voitures diesel partent en Afrique sans problème pour nos écolos, déclin de notre parc nucléaire (pour faire plaisir aux amateurs de bougies) paralysie annoncée de nos industries, invasion subventionnée par l’Europe dans la perspective d’une main-d’oeuvre à bas coût (nouvelle forme de traite négrière), vente souvent à perte de nos fleurons industriels, abrutissement de nos jeunes avec distribution de diplômes sans aucun rapport avec leur niveau de connaissances – échec assuré au Certificat d’études primaires – allocations distribuées en guise de pain et jeux assurés (je pense au foot). En fait tous les ingrédients ayant provoqués la chute de Rome sont réunis…

  3. Parler de crétinisation de la vie publique par l’abus de communication, c’est très bien observé. On peut aussi en attribuer la cause au fait d’utiliser beaucoup plus ce cerveau externe qui se place entre les mains que celui qui se trouve entre les deux oreilles…

  4. Il va falloir que les policiers, les gendarmes et les militaires choisissent leur camp, avec ou contre les Français car les balles ne seront pas en plastique

    • avant que « les français « se révoltent avec des balles pas en plastiques il va couler beaucoup d’eau sous les ponts.
      Regardez donc ce à quoi aspirent les français, vous aurez tout compris !

  5. La théorie progressiste du pan étatisme peut s’entendre , dans l’absolu. Un groupe de technos, forcément savants et sachants, gouverne la plèbe en dispensant et en saupoudrant leur savoir éclairé et bienveillant au travers l’Europe. Or, non seulement ces technocrates bruxellois (et français!) sont d’une incompétence affligeante, mais ils sont méchants comme des teignes.

  6. IL N’Y A PAS DE CRISE ENERGETIQUE! Il y a juste des prétentieux arrogants qui ont decidé par ideologie de couper l’arrivée de l’energie. Et plutôt que de dire: on a fait une connerie, comme tout bon shadock on continue! Et comme il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis!!! Les européens n’ont pas à arbitrer le concours de bites entre biden et poutine, ni de mourrir pour Kiev!

  7. En France les citoyens vont encore payer sous la menace les magistrales erreurs de Macron et ses sbires sans oublier Hollande les apprentis sorciers complaisants des écologistes verts et rouges. C’est encore le peuple qui va triquer tandis que les politiques continuent de trinquer.
    Un conflit social énorme se profile pas à l’horizon mais dans les semaines à venir.

    • A une différence près c’est que les décisions sont totalement voulues par macron et vonderlayen … Cela devient une erreur aux vues des impacts mais ces gens sont dans leur idéologie mortifère pour les peuples européens. Il va falloir vite très vite reprendre notre souveraineté nationale. Rien que par rapport aux prix de l’Energie: les « représentants du peuple » doivent imposer que la France arrête de respecter l’indexation de l’électricité sur le prix du gaz. Solution déjà prise par quelques pays européens !
      Ces gens n’ont plus du tout de « légitimité » pour continuer à imposer leur volonté politique … Point barre

  8. Jugement exact, sauf pour les Médias et particulièrement la TV . Ils sont trop utiles à la Propagande d’État. Les journaux stipendiés et l’ensemble des chaînes TV grassement payées par nos impôts sont les armes du Wokisme qui rendent inutiles tout scrutin démocratique .

  9. Si crise majeure il y a, elle pourrait être le déclencheur salvateur d’une remise en ordre générale. Quand trop devient vraiment trop, tout pète.

  10. Comme le dit si bien Orban l’Europe se tire une balle dans le pied ! Mais après tout 58% de français ont réélu le petit bonhomme avec la complicité du Medef entr’autres ! Qu’ils assument ! Tous ces politiques devront rendre compte de leur impéritie !

  11. Il serait temps que les peuples fassent entendre leurs voix, ces messieurs qui nous gouvernent ne sont pas irrévocables.

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