Pour Gérard Larcher, la réélection d’Emmanuel Macron serait « illégitime »

Gérard_Larcher,_Président_du_Sénat_français,_Président_de_séance

Emmanuel Macron est-il en campagne électorale ou n’est-ce qu’un chef de guerre aspirant à d’autres campagnes, militaires celles-là ? C’est toute la question, posée crûment en ces termes par Gérard Larcher, président du Sénat : « Le président de la République veut être réélu sans jamais avoir été réellement candidat, sans campagne, sans débat, sans confrontations d’idées. » Et le Raminagrobis du palais du Luxembourg d’ajouter : « S’il n’y a pas de campagne, la question de la légitimité du gagnant se posera. »

Voilà qui appelle plusieurs réflexions. Évacuons la première, pour commencer. Il est tout à fait normal que le Président en titre ne débatte pas avec tous ses concurrents, le seul débat qui vaille – même s’il s’agit plus d’une coutume que d’une obligation constitutionnelle – concerne l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle.

Après, qu’Emmanuel Macron puisse cyniquement tirer profit du conflit russo-ukrainien, c’est une évidence. Mais il n’aura pas été non plus le premier Président à sciemment dramatiser les tensions internationales. D’autres avant lui ont prétendu que nous étions en guerre contre le terrorisme ; ce qui ne veut strictement rien dire. Une guerre, c’est l’affrontement armé entre deux nations distinctes ; ou, dans le cas d’une guerre civile, de diverses factions plus ou moins bien identifiées. Mais la guerre contre le terrorisme ? Le « Terroristan » n’est pas un pays, dirons-nous. De même, et c’est là qu’Emmanuel Macron s’est montré précurseur en forgeries sémantico-politiques, quand annonçant que nous étions « en guerre » contre le Covid. Mais ce virus, au fait, combien de divisions ? Faut-il l’attaquer de front ou à revers ? Ou alors négocier avec lui une paix honorable ?

Aujourd’hui et à l’en croire, la France serait en guerre. Ce que semble confirmer Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, en réponse aux « propos irresponsables » de Gérard Larcher : « Dès lors qu’il le peut, le chef de l’État participe à cette campagne. Mais moi, je n’entends pas les Français lui demander de déserter ses fonctions de Président à un moment où, on le voit dans l’actualité, évidemment on a besoin d’un Président qui continue à agir et à protéger les Français. »

Décidément, sa seigneurie est trop bonne de se pencher sur le destin du bas-peuple et de se consacrer, à temps perdu, à cet événement anodin qu’est l’élection présidentielle. Quant à ces « Français » murmurant à l’oreille de Gabriel Attal, on est en droit de se demander qui ils sont. Bref, l’union nationale, pour ne pas dire « l’union sacrée », serait donc de mise. Le problème, c’est que ces vocables étaient légitimes durant la Grande Guerre, quand Français et Allemands s’affrontaient dans les tranchées au prix de milliers de morts quotidiens, tous uniformes confondus. Nous en sommes loin. Comme souvent dans l’Histoire, les redites d’une tragédie sont immanquablement des comédies.

En effet, même si une majorité de Français craignent que cette guerre n’arrive en France – sûrement les mêmes qui, en 1990, en pleine guerre du Golfe, faisaient des provisions de nouilles et de farine dans les supermarchés –, il n’est pas inutile de rappeler que l’actuel conflit demeure circonscrit à la seule Ukraine et que la France n’est pas, stricto sensu, en guerre.

En un mot comme en cent, cela s’appelle gouverner en s’appuyant sur une trouille médiatiquement organisée. Trouille du Covid, trouille de ces « extrêmes » qu’incarneraient Éric Zemmour et Marine Le Pen, trouille d’une guerre lointaine, trouille de l’inconnu ; stratégie maligne qui, paradoxalement, permet de passer en pertes et profits des peurs autrement plus réelles : chômage, pouvoir d’achat, insécurité, sentiment de dépossession culturelle et sensation toute bête consistant à se sentir de plus en plus étranger en son propre pays.

Et ça, voilà qui fait peur. Pour de vrai.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

71 commentaires

  1. Larcher,fait une tentative.En évoquant cela,il espere que une certaine frange de la population se dira: »De toutes façons,macron a 30%,et avec ces possibles abstentions,a quoi bon ».

  2. Macron est un « beau parleur » et un « écrivain » énarque, mais ni un décideur ni un Chef d’Etat et encore moins un « chef de guerre » (!).

  3. C’est là qu’on voudrait être Belge !Nos amis sont obligés de voter mais peuvent se passer de gouvernement .Nous, nous faisons l’inverse ,ce sont nos abstentionnistes qui élisent nos gouvernements qu’on n’arrive plus à virer une fois qu’ils sont là.

  4. On a beaucoup de chefs de guerre de pacotille, et pas seulement ceux qui revêtent des treillis de commandos parachutistes ou qui mettent en joue la Presse lors d’un salon militaire. En France, on aime limoger les généraux. L’important pour un Président, c’est qu’il protège les intérêts de la France. Agit-il ainsi quand il stérilise la filière nucléaire Français ou qu’il brade les turbines à gaz d’Alstom ? Heureusement pour lui, il n’y a plus de Haute Cour pour punir ces dérives Nationales.

  5. Mais bougre ils se réveillent de temps en temps les sénateurs??? eux qui ont des digestions difficiles dues de leurs énormes avantages. La aussi quelques économies seront à faire..
    Pourquoi n’ont-ils pas bougé un petit doigt lors de l’élection illégale de 2017???

  6. Selon Larcher, la réélection de Macron serait illégitime ?
    On en recausera lorsque le 10 avril à 20h01, le même Larcher et sa clique de pseudos opposants de LR appelleront à voter le 24 avril pour le même Macron …

  7. Je pense qu’on a voulu écrire « Macron chef de guère » et non de guerre. Ce qui ne serait guère « fake ».

  8. Monsieur Larcher, pourquoi ne pas l’avoir dit en 2017, nous aurions peut-être pu remettre l’élection. Cet olibrius est illégitime depuis cinq ans élu par 60% de 40% de votants. Il faudrait Mesdames et Messieurs voter une loi qui stipulerait qu’au delà de 50% d’abstentions le vote est nul

  9. Un peu tardif cet éclair de lucidité du sieur Larcher. Car cela fait 5 ans que Macron gouverne « sans débat, sans confrontations d’idées.  » A la hussarde, avec un « conseil de défense », car « nous sommes en guerre »… contre le Covid ! Minable, car nous n’avons eu aucun contre-pouvoir efficace du Sénat, seulement des rodomontades…la soupe est trop bonne !

  10. Désormais le mot polyvalent est lâché: dès que quelqu’un n’est pas d’accord avec un autre ,il est irresponsable .Cela ne veut rien dire ,mais ça donne de l’importance à celui qui profère la sentence .
    Au premier tour des présidentielles ,nous serons 70% d’électeurs à ne pas voter Macron On se demande si on aura assez de places dans les HP pour enfermer tous ces irresponsables .

    • Oui, mais 70% en ordre dispersé. Sinon, il n’y a pas de second tour, mais une belle défaite pour le sortant.

  11. Toute la différence entre légalité et légitimité. Aucun quorum n’étant défini pour le 2nd tour des élections françaises, un Président élu par 10% des inscrits (énorme abstention) serait légal et, « en même temps », totalement illégitime.
    Là où Charles Mauras distinguait le pays légal du pays réel. Et le fossé qui les sépare devient chaque jour plus abyssal.

  12. J’ignore si sa réélection serait « illégitime » mais je dis que M. Larcher est complice de son élection de 2017!
    Après l’accusation de crime contre l’humanité portée contre la Nation France, et non pas contre les français demeurant dans cette France du Sud, le Président Hollande devait, comme garant des actions de quelque régime qui intervint dans la prise de contrôle de la Régence d’Alger, mettre M. Macron en accusation!
    Un des prédécesseurs au Sénat avait eu des mots très forts dans un cas !

  13. Mr Larcher ferait bien et mieux de se taire car ses faux semblants sont hélas connus de tout le monde et au soir du premier tour il appellera à voter Macron tout comme la candidate qu’il soutient.

  14. Macron chef de guerre ? On a vu ce qu’ont donné ses palabres très médiatisés chez Poutine ? Macron chef de guerre ? Aveugle ? Ne voit-il donc pas ce qui se passe dans son propre pays : en Corse ? Dans nos banlieues ? Bon, il est vrai qu’il est super protégé, lui, et qu’il se cache bien au fond de « notre » palais …. Comment appelle t’on des chefs de guerre qui se planquent ? Des pleutres ? Des traitres ?

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois