[Point de vue] Un maire enlève le drapeau ukrainien du fronton de la mairie

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Jusqu’ici, la ville de Vienne (Isère) avait fait tout ce qu’il fallait : afin de marquer clairement son soutien à l’Ukraine, ce pays passé soudainement du statut de pays mafieux à étendard de la liberté, le maire de la ville, comme beaucoup d’autres maires, avait choisi de faire flotter le drapeau ukrainien au sommet du bâtiment. Ainsi, pas d’ambiguïté : à Vienne, on était du côté du bien, il n’y avait pas de questions à se poser.

Le problème de ce genre de discours manichéens, c’est qu’on est obligé de consentir à une part non négligeable d’aveuglement volontaire. Quand on a choisi son camp (dans une guerre qui, pourtant, ne concerne pas directement la France), on est forcé de penser qu’il y a des gentils (irréprochables) et des méchants (irrécupérables). Malheureusement, ce n’est pas si simple. Ce n’est jamais si simple. À rebours de cette position en noir et blanc, le maire de Vienne, lui, a bien compris que si le peuple ukrainien méritait d’être soutenu, ses dirigeants n’étaient pas des « gentils ». Ce qui lui a permis de s’en apercevoir, c’est le comportement très complaisant du président Zelensky envers son homologue azéri, le président Aliev. Alors même que les troupes de Bakou ont procédé à l’épuration ethnique de l’Artsakh, Aliev et Zelensky se sont entretenus très cordialement et le dirigeant ukrainien s’est félicité de leur coopération : « Nous avons réaffirmé notre attachement aux principes de souveraineté et d’intégrité territoriale des États. Nous avons également discuté de la sécurité régionale, des défis actuels et des formats d’interaction. » En d’autres termes, les États jouent chacun leur partition : Zelensky n’est pas un idéaliste, pas davantage que n’importe quel chef d’État. Zelensky n’en a rien à faire, des Arméniens. Ce qu’il défend, c’est son propre pays. Aliev peut bien massacrer ou chasser « comme des chiens » les Arméniens de l’Artsakh, on ne peut pas s’intéresser à tout, n’est-ce pas ?

Par conséquent, Thierry Kovacs (c’est le nom de ce maire LR), dans un souci de cohérence parfaitement compréhensible, a fait enlever le drapeau ukrainien du fronton de sa mairie. Bon courage à ceux qui vont lui reprocher son geste, car ses arguments sont on ne peut plus justes : « On ne peut, en effet, se prévaloir des valeurs occidentales et, sur ce fondement, appeler l’Occident à la rescousse tout en partageant la vision d’un régime à l’origine d’un nettoyage ethnique au Haut-Karabagh. » Les éléments de langage otanien dussent-ils en souffrir, la Russie n’est pas le Mordor et Zelensky n’est pas un héros ni un saint. En fait, le monde n’est pas en deux dimensions. Comme dans toutes les guerres, à moins que notre pays ne soit directement concerné, il y a peut-être un agresseur et un agressé, mais il n’y a ni gentil ni méchant.

On dit que Vienne possède une importante communauté arménienne et que le geste de l’édile pourrait par conséquent être simplement électoraliste. Peut-être. Cela n’enlève rien à l’honnêteté et à la cohérence - comme il le dit lui-même - de sa décision. Thierry Kovacs a tenu à faire comprendre à ses administrés qu’il ne marchait plus dans la combine. « On ne peut également, dit-il, remercier Bakou pour l’aide humanitaire fournie à Kiev, notamment dans le secteur de l’énergie à l’approche de l’hiver, tout en feignant d’ignorer que l’Azerbaïdjan vend en réalité du gaz, qui plus est russe, 1,5 fois plus cher pour financer son effort de guerre contre l’Arménie, seul véritable État démocratique du Caucase. » Qu’il soit remercié de son courage.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

94 commentaires

  1. ce qu il y a surtout d’agaçant avec l’Ukraine c’est de voir les habitants et soldats se faire tuer sur place et de voir de riches ukrainiens avec de gros SUV se pavaner dans les Alpes Maritimes par exemple ! et sans discrétion ….
    Pourquoi ne vont ils pas se battre dans leur pays comme le font les israéliens qui rentrent chez eux défendre leur pays !!!

  2. Enfin un maire qui ne suit pas l’UE. Il peut fièrement monter le drapeau arménien en réaction de l’acte odieux contre le Haut-Karabagh, ce que devraient faire tous les maires dignes de ce nom.

  3. Il y a donc encore des édiles qui ont une cervelle dans la tête à la place du vide abyssale qui est l’apanage de nos pontes actuellement à la manœuvre.

  4. En France, au mieux on cache le drapeau francais parce qu’on en a honte ou qu’on a peur d’être traité de facho. Au pire on le brûle. Mais le drapeau d un pays étranger, on l’exhibe fièrement parce qu’il est en guerre. C’est triste et ridicule.

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