[Point de vue] SNU : des « séjours de cohésion » dès la seconde. Quoi, encore ?

SNU

Il n'est pas question de rétablir le service militaire. Ça, déjà, c'est sûr. Il y a, à cela, de mauvaises raisons : LFI dénoncerait un embrigadement et les jeunes de la génération Covid/TikTok, à la fois grassouillets et hypotoniques, auraient bien du mal à voir en quoi le réchauffement climatique et les oppressions systémiques peuvent être combattus par des séries de tractions. Il y a peut-être aussi d'autres bonnes raisons de ne pas revenir sur cette suspension : imaginez un peu si certains de nos jeunes apprenaient le maniement d'un fusil d'assaut...

Pour éviter de se poser de si vertigineuses questions, Emmanuel Macron a inventé le service national universel (SNU). Il est devenu un stage de cohésion (ce n'est donc pas un service), qui ne concerne pas tout le territoire (il n'est donc pas national), sur la base du volontariat (il n'est donc pas universel). Magie des acronymes. Le Président a déclaré qu'il serait difficile, sur un plan logistique, de le rendre obligatoire. Admettons. Les députés insoumis, dont Antoine Léaument et Aurélien Saintoul, ont été les premiers à fustiger l'idée de faire marcher au pas la jeunesse de France. Leurs aînés n'étaient pas si sévères à l'encontre des pionniers soviétiques ou des mouvements de jeunesse maoïstes. Question de géographie, de générations ou de couleur politique. Allez savoir.

Bref, pour redonner des couleurs à ce projet presque mort-né, il serait désormais question, en plus du dispositif de volontariat ouvert aux jeunes de 15 à 17 ans, de permettre aux professeurs de seconde d'inscrire leurs élèves, par classes entières, à des « séjours de cohésion » de douze jours, en uniforme, pris sur le temps scolaire, au titre du SNU. Les bénéfices escomptés sont multiples, on s'en doute : pour le gouvernement, c'est un effet d'annonce et c'est une manière de rentabiliser un coûteux dispositif qui peine à trouver son public. Mais attention, ça ne s'arrête pas là : les élèves pourront (on est « en république », après tout) choisir de participer ou non… étant entendu que ceux qui participeront seront « récompensés » sur Parcoursup. Les professeurs qui entreront dans la combine, eux, gagneront plus d'argent.

Mais, au juste, ne s'agirait-il pas d'un début de « crédit social » ? Imaginez que cette initiative, sous la même forme, ait lieu en Russie ou en Chine : de meilleures études garanties à ceux qui choisissent de suivre les camps de jeunesse (on n'ose pas dire les chantiers), plus d'argent à la fin du mois pour les profs qui collaborent - pardon, participent… tout cela rappellerait presque des heures, sinon sombres, du moins « pas très claires », comme les golfes jadis chantés par Alain Bashung. Les syndicats d'enseignants s'insurgent contre cette « mise au pas », oubliant volontairement que les vidéos des premiers « stages » du SNU montrent plutôt des adolescents se déhanchant sur des chorégraphies idiotes, vêtus de tenues d'agents de sécurité, que des hordes de loups au crâne rasé, chantant le Horst-Wessel-Lied au pas de gymnastique. « Indignation » Éco+ pour un « service militaire » Marque Repère : nous sommes entrés de plain-pied dans une civilisation bas de gamme où tout est discount, les idées comme les sentiments…

Il n'en demeure pas moins, malgré le ridicule du SNU, malgré les cris d'orfraie pathétiques d'enseignants incapables, que cette initiative gouvernementale est dangereuse. Valoriser sur Parcoursup (la jungle des formations, le pandémonium des voies de garage) le fait d'avoir passé douze jours en uniforme à faire des stages de cohésion, « j'appelle ça une dictature, Dolorès », comme disait Hubert Bonnisseur de la Bath dans Rio ne répond plus. Ou alors, on joue la solution jusqu'au bout et on le fait pour tous ceux (« toutes celles et tous ceux », pardon) qui rendent service aux autres et portent un uniforme : pompiers volontaires (accessibles dès douze ans), louveteaux et scouts (dès huit ans), réservistes (dès dix-sept ans). On peut même imaginer un cumul de points : un scout réserviste qui a été pompier volontaire serait alors pris à Sciences Po Paris sur dossier ! Pas sûr que ce soit ce genre de quotas que recherchent nos « élites »…

Décidément, à force de mettre des coups de barre à gauche et à droite, au nom de l'en-même-temps, la Macronie est en train de faire émerger trois blocs distincts. D'abord, les gauchistes crasseux, alliés momentanés des islamistes : ceux-là honnissent autant la République que la France. Le service de la patrie leur répugne, soit qu'ils sont allergiques au concept, soit qu'ils sont allergiques à cette patrie elle-même. Ensuite, le cœur de cible, les bons citoyens de la République : ceux-là, CSP+ urbaines, retraités azimutés, applaudiront à l'idée que Mathis et Louna partent faire des randonnées sur terrain plat en chantant le chant des partisans avant d'assister à l'envoi des couleurs sous l'œil humide d'un sous-préfet en costume trop grand. Enfin, troisième bloc, détesté des deux autres : celui des « fachos », qui n'ont pas attendu les injonctions macroniennes pour initier leurs enfants à la vie au grand air et à l'Histoire de France.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

24 commentaires

  1. Bonjour
    Pourriez vous faire une analyse détaillée du rapport du Colonel Biville fait a la demande de Chevement , pour rappeler l origine réelle de la suspension du Service National devenu Universel en l absence de cohésion …. nationale ! Les gens bien informes vont être déstabilisés !

  2. Il semble que ce ne soit pas la priorité de ce qui doit être enseigné à l’école : mais c’est sûr que pour niveler par le bas c’est la bonne méthode

  3. La réalité c’est de fournir des marins (port avion) et des combattants pour les futures armes défendant le territoire
    Au lieu de gaspiller les crédits à des amusettes le mieux est de prévoir un engagement de deux ans avec rémunération forte et prime de départ
    Des stages dans les différentes écoles militaires permettraient un choix pour d’éventuels engagement dans des carrières de techniciens ex : maintenance d’avions ou simplement aide à la logistique
    Mais il ne faut pas réver…

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