Restitutions : et si le musée d’Alger nous rendait nos peintures ?

Capture d'écran © Samir Belhadji Youtube
Capture d'écran © Samir Belhadji Youtube

C’est l’une des polémiques de la semaine dernière. Au terme d’une cinquième réunion de la commission d’historiens français et algériens réunie pour plancher sur les « méfaits » de la colonisation française, l’Algérie a transmis une liste de biens qu’elle entend se voir restituer. Cela fait suite aux propos du président Tebboune qui déclarait, le 7 mai dernier : « Le dossier de la mémoire ne saurait faire l'objet de concessions ni de compromis, et restera au cœur de nos préoccupations jusqu'à son traitement objectif, audacieux et équitable envers la vérité historique. »

Le président algérien propose donc « une liste ouverte (sic) de biens historiques et symboliques de l'Algérie du XIXe siècle, conservés dans différentes institutions françaises, proposés à la restitution à l'Algérie sous forme de gestes symboliques », rapporte l’AFP. La France, il faut croire, aurait donc spolié l’Algérie de son patrimoine culturel. À bien y regarder, il semblerait, tout au contraire, que la France ait très largement pourvu son ancienne colonie en œuvres d’art, y compris en achetant, pour fournir les musées algériens, des œuvres françaises mais aussi... algériennes !

Un traitement équitable, vraiment ?

C’est la raison pour laquelle La Tribune de l’Art s’est invitée dans le débat. David Rykner écrit, sur X : « On "restitue" à l'Algérie ? Très bien. Alors, on doit récupérer toutes les œuvres qui ont été acquises grâce à la France pendant la colonisation, notamment les collections du musée des beaux-arts d'Alger. On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. » Ce serait là, en effet, une mesure parfaitement objective, audacieuse et équitable envers la vérité historique que revendique M. Tebboune.

L’histoire du musée des beaux-arts d’Alger est on ne peut plus édifiante. Aujourd’hui l’un des plus grands musées d’Afrique, il a été ouvert en 1930. Y sont représentés les plus grands maîtres de la peinture hollandaise et française, les grands noms de l’impressionnisme, les grands sculpteurs comme Rodin, Bourdelle et Belmondo… 8.000 œuvres, pour une collection née « de la volonté des politiques à la fin du XIXe siècle, à l'époque de l’Algérie française », nous dit Wikipédia. « Dans cette Alger européanisée, le musée des beaux-arts fonctionnait comme une institution où les personnes cultivées ne se sentaient point dépaysées, mais son ambiance soumise aux particularismes locaux permettait aussi de se détacher de la métropole. » Une raison à cela : le colonisateur n’avait pas oublié les artistes algériens emblématiques comme Baya, Yellès et Racim.

Rien ou presque depuis l’indépendance…

En avril 1962, au plus fort des attentats, 300 œuvres avaient été déménagées et déposées au Louvre. Elles furent restituées en 1969. À noter que ce sont bien les Français qui, depuis le début, se sont chargés d’acquérir le fonds du Musée national des beaux-arts d’Alger, l’enrichissant notamment des grands noms de la peinture orientaliste, si prisée au XIXe siècle. Pour preuve de l’implication de la métropole dans ce qui était alors un département, « preuve du caractère didactique et patriotique du musée », une section historique était constituée de dépôts du musée de Versailles.

C’est encore un Français, Jean de Maisonseul, conservateur du musée d’Alger jusqu’en 1970, qui se chargera de « remédier à la pauvreté du fonds d’art algérien ». Un fonds également enrichi par les cadeaux offerts par les États lors de l’accession de l’Algérie à l’indépendance. Et puis ? Et puis rien, ou presque, car « très peu d'achats d'œuvres ont été effectués après l'indépendance du pays », nous dit-on. C’est sans doute pour cela qu’on nous demande, une fois encore, de remplir les salles ? En échange, les musées français seront ravis de récupérer des toiles de Jongkind, Boudin, Picasso, Sisley, Monet, Morisot et Renoir, mais aussi Derain, Matisse et Vlaminck et bien d'autres (un petit tour sur le site du musée permet de mesurer l'étendue des collections)… puisque chacun reprend ses billes !

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Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

Vos commentaires

35 commentaires

  1. Les algériens devraient nous rendre toutes les résidences qu’ils possèdent en France qui correspondent aux annexes des services publics a la Française made in Algérie.

  2. Quand on est une imbécile on fait des propositions du même niveau il faut c’est vrai rendre à l’algerie les œuvres qui lui appartienne ce que demande également tebboune et comme nous savons que les algériens ne sauraient conserver les biens de ce pays honni qu’est la France dès l’arrivée de ce qui nous appartient nous renverrons aux algérien leur bien

  3. Pourrait on faire un bilan économique objectif comparant ce que l’Algérie a reçu comme investissements depuis 1830 et ce que la France en a tiré comme profit. Je crains que nous nous soyons ruinés au profit de ceux qui dirigent l’Algérie depuis 1962. Cette remarque vaut pour toutes nos anciennes colonies africaines.

  4. Comme quoi notre faiblesse, déguisée en mansuétude, ne date pas d’aujourd’hui ! Cette affaire du musée d’Alger en est une preuve parmi tant d’autres. Quand on connaît l’histoire de l’origine de l’état algérien, on en reste amer et un tantinet pantois…

  5. M. Tebboune pourrait il aussi me rendre les deux maisons et le commerce qu’a laissés mon père et la ferme de mon grand père achetée en économisant sou par sou?

  6. Prenez votre art et vos peintures qui sont considérés comme butin de guerre, et rendez nous toutes les exportations que votre pays a effectué durant toute la période coloniale, biens qui ne lui appartient pas.
    Évoquant aussi les réparations des effets difficiles à surmonter tels que la brutalité, la torture, l’analphabétisme pour 5 générations sans citer les 1,5 million de martyrs (vivants chez leur dieu yorzakoun).

  7. Il faut rappeler le scandale que fut le retour des oeuvres du musée à l’Algérie en 1963 : Ces oeuvres avaient été évacuées en urgence sur un navire de la Marine Nationale en 1962 vers la France et donc sauvées du désastre. Mais elles ont été ramenées à Alger , alors même que la nouvelle Algérie ne demandait rien, avec, hélas, la complicité active de Jean de Maisonseul…..

    • Il n’y a aucun scandale ce sont des œuvres d’art qui représentent des scènes de vie algérienne. Leur place est en Algérie

  8. Et si l’Algérie nous rendait les milliards dépensés (on ne peut pas dire « investis » lorsque l’on voit dans quel état ils ont mis ces investissements !) pour les hôpitaux, les écoles, les routes, les chemins de fer, l’agriculture, l’industrie, etc., ce ne serait que justice, non ? Il faut se rappeler que pendant la « colonisation », la France, le con-tribuable français, dépensait autant pour l’Algérie que pour l’éducation nationale en France. Alors, réglons rapidement ce problème de « dettes » : que l’Algérie nous rende ce qu’on lui a donné et on s’empressera de lui rendre tous ses biens, algériens installés en France inclus évidemment. S’ils estiment que leur président n’est pas à la hauteur, on peut aussi leur proposer le nôtre en prime.

    • Whaou ! Quelle brillante idée ! Cependant, c’est une œuvre qui n’a aucune valeur marchande.

    • Lorsque la France aura réglé les dettes dues à l’Algérie avant la colonisation et qui ont servies à nourrir la France. Votre remarque dénote votre manque de connaissances de l’histoire qui a prévalu à la colonisation de l’Algérie.

    • « Les hôpitaux, les écoles, les routes, les chemins de fer, l’agriculture( (viticulture a 80%, l’industrie (tabac a 80%), etc., c’était destiné a l’usage exclusif des colons. Si vous aviez pu emporter tout cela, vous l’auriez fait

    • « Le con-tribuable français, dépensait autant pour l’Algérie que pour l’éducation nationale en France ». Tant et si bien qu’en 1962, il y avait 93% d’analphabétes en Algérie. Taux qui a choqué Claude Cheysson, le ministre de Mitterrand. « C’est une honte que la France ait pu laissé un tel taux d’analphabétisme après 132 ans »avait-il déclaré

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