Ne dites plus euthanasie mais « interruption volontaire de l’énergie vitale »

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Franchement, ça pourrait être un gag. Stéphane Lenormand, député LIOT de Saint-Pierre-et-Miquelon (ce petit bout de France aux portes du Canada), aurait pu dire des choses bien plus intéressantes au nom de sa romanesque circonscription. Il a choisi une intervention sémantique qui rappelle - même si c’est devenu un bien triste cliché - les plus riches romans dystopiques d’Orwell ou Huxley : renommer l’euthanasie.

Le projet de loi sur l’euthanasie (mâchoire supérieure de la mort étatique, dont la mâchoire inférieure est l’avortement) est en discussion à l’Assemblée nationale. Tout le monde, ou presque, semble d’accord sur le fond : en gros, face à la mort, un pas en avant. La peur de vieillir, la peur de déchoir, la peur de souffrir, la peur de l’EHPAD, l’angoisse de ne plus être rentable, l’angoisse d’être abandonné par ses enfants : les causes sont légion, dans l’explication de cette forme hideusement tordue de suicide à la romaine. Elles ont toutes un point commun : une haine de la faiblesse et de la vulnérabilité. Cette haine, qui est aussi celle que d’aucuns ont envers les fœtus trisomiques, est une marque de faiblesse. La grandeur d’une société se mesure à sa miséricorde envers les faibles, les estropiés, les exclus.

Bref : l’euthanasie est devenue, dans le langage macroniste, une « aide active à mourir ». Ce n’est déjà pas mal, en termes de scandale. M. Lenormand propose d’aller un tout petit peu plus loin : il propose, pour que l’« aide active à mourir » soit « moins douloureuse à entendre », de l’appeler « interruption volontaire de l’énergie vitale ». Ouais. Sérieux. L’IVéVé, quoi, parodie édentée de l’IVG, en quelque sorte. Deux néologismes cachant deux assassinats. On ne va pas citer Camus pour la millième fois (nous ne sommes pas sur une chaîne d’info), mais convenons en tout cas que mal nommer les choses est devenu une habitude, dans les cercles du pouvoir.

Pourquoi vouloir déguiser ce qui n’est rien d’autre qu’une façon de donner la mort à quelqu’un ? Pourquoi, également, cette difficulté à reconnaître la dignité et même - soyons fous - le visage du Christ chez quelqu’un qui souffre, qui est seul, dont le corps n’est que douleur et que la vie n’a pas encore quitté ?

Il y a un précédent à de telles façons de déguiser la mort : sous le IIIe Reich, l’euthanasie était appelée Gnadentod, c’est-à-dire « mort miséricordieuse ». Envisager la mort comme un soin, comme un service rendu - comme un service public -, c’est une façon particulièrement odieuse d’envisager l’existence de ses semblables. C’est flatter la lâcheté de l’homme face à la mort et c’est ériger l’individu en juge de sa propre existence.

Il faut lire le livre magnifique de Véronique Bourgninaud, Contre la détestation de l’homme par l’homme, pour comprendre de quoi il est profondément question. On peut aussi voir son intervention face à la représentation parlementaire. Simple, clair, honnête. Trois mots, tellement opposés à ce charabia commercial, trois mots qui révèlent à quel point les progressistes - parce qu’ils savent très bien ce qu’ils font - répugnent à nommer ce qu’ils préparent. En réalité, l’interruption d’énergie vitale, c’est plutôt celle de notre civilisation, celle de notre pays, qui a envie de se coucher pour mourir. Est-elle volontaire ? Nous verrons bien, si ça continue.

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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

33 commentaires

  1. Que tous ces adeptes d’une « extermination programmée » (ce peut-être aussi une autre appellation ) , que ces orateurs mal pensants se retrouvent un jour ou l’autre dans cette situation pour eux-mêmes ou l’un des leurs et là ils comprendront que l’acte n’est pas aussi aisé qu’il n’y parait dans un hémicycle .

  2. Et quand on aura interrompu notre énergie vitale, on ne sera pas mort ! On sera « Non-vivant » ! Plutôt que dire des conneries, nos politiques pourraient renforcer le nombre de centres de soins palliatifs (une unité même petite, par centre hospitalier ne pourrait elle pas être envisagée ?). Cette loi ressemble à une solution de facilité, pour une société soit disant évoluée. Bien sur, cela a un coût ! mais quand on voit que l’on claque 1,4 milliard d’euros pour rendre la seine « baignable » ! Parce que, voir des sportifs, des politiciens ou autre clampins piquer une tête dans la seine est plus important que de soulager la souffrance des malades ! Tout pour la frime, la gloriole ou une postérité au rabais.

  3. Je suis plus pres de l´euthanasie que victime d’une IVG, mais je suis toujours étonné que dans ce pays il y ait des gens payes et pour certain gracement pour passer leurs journées a dire et faire des conneries republiquaines comme ils disent. Tout simplement, tout petit, mon petit déjeuné etait un bol de soupe de tous les légumes que le Nivernais etait fier de cultiver et un bout de pain sec encore chaud qui sentait bon, alors que d’autres ont démarré aux petits pots de nourriture enfantine industrielle et des mélanges américains en suivant…peut-etre que ceci explique cela……

  4. « mal nommer les choses est devenu une habitude, dans les cercles du pouvoir ». pas seulement. C’est surtout devenu une méthode de gouvernement, baptiser la merde de « délice » pour que nous acceptions de la bouffer.

  5. Interruption de grossesse, interruption de vie, décidément en France, il n’y a que les assassins qui conservent le droit de vivre.

  6. Monsieur Florac, c’est toujours un plaisir de vous lire, même sur des sujets douloureux comme celui ci.

  7. Un loup reste un loup même si on l’appelle agneau. Encore des palabres et des blablas. Des MOTS.

  8. J’adore ces mots de la macronie. Au Bataclan les terroristes ont font preuve d’une grande compassion en appliquant une « aide active à mourir « . Comment peut-on tomber aussi bas ?

  9. C’est hélas devenu un classique:  » la perversion de la cité commence avec la fraude des mots » Platon

    • Vrai; mais l’inverse l’est aussi. Ce qui fait que, comme pour l’œuf et la poule, on a du mal à savoir qui engendre l’autre. En fait, chacun engendre l’autre tant ils ne vont pas l’un sans l’autre…

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