[Point de vue] Le ministre Dussopt épinglé par le PNF : pas si grave ?

dussopt

En pleine réforme des retraites, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, vient d’apprendre que le parquet national financier (PNF), après deux années d’enquête, retenait à son encontre le délit de favoritisme.

Pour rappel, le PNF fut saisi en 2020, grâce à l’œuvre de délation des camarades-citoyens du tribunal révolutionnaire et médiatique appelé aussi Mediapart.

Il était reproché au ministre, alors qu’il n’était encore que maire de la commune d’Annonay (Ardèche) et également député, d’avoir accepté en 2017 par l’un des dirigeant de la SAUR, société spécialisée dans le traitement de l’eau, deux lithographies d’une valeur de 2.000 euros. Il se trouve que cette société avait conclu, en 2009, un contrat de marché public avec la même ville d’Annonay.

Au moment de l’ouverture de l’enquête, M. Dussopt avait affirmé qu’il s’agissait, en réalité, du cadeau d’un bon ami. Il décida finalement de rendre les lithographies afin d’éviter toute polémique. Un peu trop tard, tout de même, semble-t-il…

Mais cette affaire est dérangeante à deux égards.

D’abord, parce que cette façon qu’ont les nouveaux archanges du bien d’incriminer immédiatement, sans nuance, sans respect du principe contradictoire, tout personnel politique que l’on voudrait voir chuter, devient tout à fait insupportable. Certains magistrats, pour des raisons diverses, se laissent aller à cette pression médiatico-politique.

Lorsque M. Dupond-Moretti avait encore du courage, c’est-à-dire avant qu’il ne devienne ministre, il évoquait le fait que, désormais, on ne demandait plus aux personnes médiatiques une obligation de transparence mais une obligation de « translucence ». Il s’agaçait de cette situation des plus déraisonnables. En effet, cette manière de dénoncer avec délectation et sans réserve ne paraît pas relever d’un travail journalistique particulièrement déontologique.

Il faut bien comprendre que dans cette affaire, des magistrats et des policiers furent employés pendant deux années pour l’histoire d’un cadeau valant 2.000 euros, alors qu’ils auraient pu se concentrer sur des affaires bien plus importantes.

D’un autre côté, la réaction actuelle du ministre du Travail est tout aussi désagréable. Voilà qu’il fanfaronne en expliquant que « le PNF n’a pas retenu le délit de corruption ». Cela signifie, en langage enarco-macronien, « je ne suis pas corrompu, alors laissez-moi tranquille ».

Oui, mais le PNF a tout de même conservé la qualification juridique du délit de favoritisme. Et, n’en déplaise à M. Dussopt, il s’agit d’un délit pénal. Certes, dans l’échelle de l’inconscient collectif, le favoritisme n’est rien, tandis que la corruption agite les fantasmes les plus sombres. Le ministre ne serait donc pas la crapule que Mediapart veut bien laisser entendre.

Ajoutons alors que le favoritisme, sans entrer dans la qualification complexe de l’infraction, est globalement une atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics. Il est puni d’une peine de deux années d’emprisonnement.

Néanmoins, malgré l’empressement des accusateurs publics, Dussopt est toujours présumé innocent et n’est même pas encore renvoyé devant un tribunal correctionnel.

Tout en finesse, Mediapart affirme cependant que le rapport d’enquête du PNF est accablant, tandis que Le Monde ménage un peu le ministre, rappelant que quatre des cinq griefs ont été classés sans suite dans ce dossier. Il en est ainsi du monde politico-médiatico-judiciaire : un lieu infernal où le mépris est plus fort que la vérité.

Me Alain Belot
Me Alain Belot
Avocat au barreau de Paris, chroniqueur à BV

Vos commentaires

21 commentaires

  1. En même temps, s’il est admis que Dussopt a fait preuve de « favoritisme », je ne vois pas comment cela n’implique pas, par définition, de la corruption. Si on favorise (sous entendu : on donne la préférence alors qu’objectivement il n’y a pas de raison pour cela), c’est qu’on y a un intérêt, et dans ce cas, la corruption est forcément impliquée. Par ailleurs, une personne qui est capable de trahir sa famille politique pour un poste de ministre, est là aussi par définition, plus susceptible qu’une autre de se laisser corrompre. CQFD.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois