[Point de vue] La lente maturation de l’invasion de l’Ukraine

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L’hystérie médiatique actuelle permet difficilement d’analyser objectivement l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Il faut pourtant comprendre pourquoi, et à la surprise quasi-générale, Vladimir Poutine a décidé de franchir le Rubicon pour une opération à très hauts risques.

Il faut pour cela remonter aux années Gorbatchev. Lorsque ce dernier a compris que la vieille Union soviétique était moribonde, un dialogue constant s’est très vite instauré avec les Américains et les Européens. Le dernier dirigeant de l’URSS rêve alors de se rapprocher de l’Europe, il parle même d’une « maison commune européenne ».

Comme gage, Gorbatchev est prêt à renoncer à la vieille doctrine de la « souveraineté limitée » des pays du bloc communiste, appelés sans rire les « pays frères ». Mais, en échange, il veut des garanties : pas d’extension de l’OTAN à l’Est (à défaut d’exiger sa suppression, comme les Européens étaient prêts à le faire) et pas d’installation d’armes américaines chez les pays frères.

Les Américains acceptent, le disent, mais personne ne l’écrit dans un traité en bonne et due forme. Poutine parlera souvent avec amertume de cet oubli dont il rend responsable Gorbatchev. La désinformation à ce sujet bat son plein et beaucoup disent ou écrivent que la promesse de la non-extension de l’OTAN à l’Est n’a jamais existé.

Elle a bien existé, pourtant. Le 9 février 1990, le secrétaire d’État américain James Baker se rend à Moscou pour discuter avec Gorbatchev et son ministre des Affaires étrangères, Édouard Chevardnadze. Le moment est historique puisqu’il faut convaincre ce qui est encore l’URSS d’accepter la réunification de l’Allemagne. Le dialogue qui suit figure dans des documents déclassifiés du National Security Archive (NSA) du 12 décembre 2017 : Baker propose « une Allemagne unie gardant ses liens avec l’OTAN, mais avec la garantie que les institutions ou les troupes de l’OTAN ne s’étendront pas à l’est de la frontière actuelle ». « Il va sans dire qu’un élargissement de la zone OTAN n’est pas acceptable », lui répond Gorbatchev. « Nous sommes d’accord avec cela », affirme James Baker en retour. Helmut Kohl, le Premier ministre allemand, confirmera cet engagement le lendemain. Tout cela est fort bien raconté dans un article du Monde diplomatique.

La promesse ne fut pas tenue, comme chacun sait. Il y eut un premier tournant en 1999 avec l’adhésion à l’OTAN de la Pologne, de la Hongrie et de la Tchéquie. La même année, en violation des règles du droit international, l’OTAN bombarde la Serbie, coupable de vouloir défendre sa province historique du Kosovo face à l’UCK, mouvement terroriste albanais dirigé par Hashim Thaçi. Les Serbes demandent grâce après 78 jours de bombardements intensifs. Thaçi devient président, est reçu comme un héros et croupit maintenant en prison à La Haye et sera jugé pour crimes contre l’humanité et trafic d’organes. Trop tard, le mal est fait. On ne mesure pas suffisamment la colère que cette expédition provoqua en Russie. La France y fut, hélas, un actif participant mais ce sont bien les États-Unis qui ont tout organisé et ont construit, depuis, au Kosovo, la plus grande base américaine d’Europe. Boris Eltsine avait sombré dans l’alcoolisme et la Russie n’était plus dirigée.

Poutine est élu président l’année suivante, en 2000. Il se lance immédiatement dans une vaste remise en ordre comprenant, notamment, une modernisation de l’armée. Cette initiative inquiète les États-Unis, qui accélèrent l’élargissement de l’OTAN. En 2004, la Roumanie, la Slovaquie, la Bulgarie et, surtout, les trois pays baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie) adhèrent. Pour la première fois, ce sont des pays limitrophes de la Russie. Dès lors, le bras de fer montera en intensité.

Dans l’intervalle, il y eut l’invasion de l’Irak, précédée d’une campagne de désinformation sans précédent. Pour une fois, l’Europe ne marche pas, la ficelle était trop grosse. Peu importe, les néo-conservateurs autour de Bush ne rêvent plus que d’interventions.

Un autre tournant se produit en 2008. Au sommet de l’OTAN qui se tient à Bucarest, les États-Unis proposent l’adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine. Stupéfaits, Français et Allemands refusent, sachant bien que c’était un casus belli avec la Russie. Quelques semaines plus tard, le président géorgien pro-américain Saakachvilli ordonne l’attaque de l’Ossétie du Sud, province autonome pro-russe située sur son territoire. Ravis de l’aubaine, les Russes volent au secours des Ossètes et écrasent l’armée géorgienne. L’Amérique laisse faire, Poutine comprend que seule la force paie.

On connaît la suite : destruction de la Libye en 2011, coup d’État de Maïdan en Ukraine en 2014 qui provoque, en retour, la récupération de la Crimée par la Russie et la guerre du Donbass.

Poutine a alors déclaré, le 18 mars 2014 : « Ils nous ont menti à plusieurs reprises, ils ont pris des décisions dans notre dos, ils nous ont mis devant le fait accompli. Cela s’est produit avec l’expansion de l’OTAN, ainsi qu’avec le déploiement d’infrastructures militaires à nos frontières. »

En 2022, Poutine a décidé d’inverser le cours de l’Histoire. Peut-être trop tard, l’avenir le dira, mais quoi qu’il arrive, il y aura avant et après février 2022.

Antoine de Lacoste
Antoine de Lacoste
Conférencier spécialiste du Moyen-Orient

Vos commentaires

67 commentaires

  1. 3 dégats sont en hauteur et non linéaires sur la longueur (contrairement à l ‘hopital saccagé sur tout le rdc ) pour la plupart et les dégats sont tout autre .Ce fameux bombardement soi disant fait par les russes sur cet hopital pédiatrique défie toute les lois de la gravité , de la ballistique , des études de dégats tant matériels et de l ‘infrastucture .

  2. 2 n ‘avaient aucune trace de sang ,ni sur la tete soignée ,ni sur la main soignée ,nous n ‘avons vu que la fin de »l ’emballage » de la prétendue blessure .L’e.nfant de13 ans environ attend qu’on l ‘interroge pour jouer sur commande les appeurés terrifiés .Les dégats matériel ressemble à un sacage à la masse , à la barre à mines , en aucun cas à un bombardement . ILn ‘y a qu’a regarder les immeubles bombardés abandonnés par les ukrainiens les dégats sont fait en hauteur (àsuivre)

  3. 1 Comment des obus peuvent -ils tomber au rez de chaussé sur la face d ‘un hopital qui est en perspectves cavalières avec un autre immeuble qui fait bouclier ?Comment les morceaux de verres des fenétres peuvent -ils etre en quasi totalité à l ‘extérieur du batiment alors qu’ils devraient etre à l ‘inverse à l ‘intérieur ? nous n ‘avons vu aucune vidéo de cette soi -disant attaque alors que les caméras sont toujours là pour dénoncer. Les personnes soignées à l ‘extérieur à suivre…

  4. Si on ne change pas vite de Président en France avec Z qui se réfère à GDG et parle toujours vrai, on va vite déchanter…surtout avec notre dette abyssale;
    2 guerres en 1 quinquennat, c’est 2 de trop. Gouverner c’est prévoir.

  5. Et récemment, Macron était parti voir Poutine seul pour « négocier », les Médias nous ont ils dit. Environ 72 h après Poutine disait aux Russes : « il m’a torturé (en paroles) pendant 6 h ». On peut penser que l’ OTAN à la porte de la Russie, celle ci peut se défendre, mais contre les Lois Sociétales,, le wokisme (GPA, Transgenres, etc) l’Orthodoxie millénaire ne le peut pas, surtout avec un Président fantoche hystérique Zélensky, dangereuse marionnette belliciste de la Biden-mania…

  6. Etrange rien dans la presse ce matin , hier sur CNEWS (20h Praud) un intervenant, chef d’entreprise, disait que le Premier ministre d’Israel et son ministre de la Construction (qui parle Russe), avaient fait un déplacement enRussie pour essayer de négocier un accord, et ensuite retour en passant par l’Allemagne et en évitant Paris ??????

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