Plan de relance européen pour l’Italie : piège ou dernière chance ?
248 milliards d’euros, dont 191 milliards alloués par l’Union européenne : tel est le montant du plan de relance italien présenté, cette semaine, au Parlement par Mario Draghi, avant d’être envoyé à Bruxelles. Et sur ces 191 milliards, on compte 68,9 comme subventions et 122,6 comme prêts à rembourser.
Ce plan, dit Plan national de relance et de résilience (PNRR), se décompose en six axes majeurs, suivant en cela les recommandations à caractère quasi obligatoire de Bruxelles. Parmi ceux-ci, selon le Corriere della Sera, 57 milliards seront destinées à la révolution verte et à la transition écologique (40 %), 43,5 milliards à la numérisation, à l’innovation, à la compétitivité et à la culture (soit 27 %), 32,3 milliards à l’instruction et à la recherche, 25,3 milliards aux infrastructures pour une mobilité soutenable. 15,5 milliards seront réservés à la modernisation de la santé.
Soyons clairs : dans ce plan de relance, il y a de bonnes choses. L’Italie, par exemple, a un accès à Internet très inégalitaire selon les régions, c’est un frein économique majeur. L’administration italienne, qui sera réformée (c’est une des conditions pour obtenir les fonds), est lourde et peu efficace, sans compter les grandes disparités, là aussi, entre les régions. La Justice, également, sera réformée : les délais seront raccourcis, ce qui est une urgence absolue. Mais l’histoire ne dit pas si elle sera moins politisée…
De grands travaux de construction et de rénovation, comme des lignes à grande vitesse, des ports, des ponts, seront repris ou engagés, notamment pour le désenclavement du Sud. Le Sud sur lequel seront engagés 82 milliards, soit 40 % du PNRR. À charge, pour les Italiens, de contrôler la bonne dévolution de ces milliards…
Draghi estime à 3,6 % d’augmentation du PIB, en 2026, la croissance qui découlerait de l’injection massive de fonds dans l’économie italienne (9 % de perte de PIB en 2020).
En revanche - et c’est inquiétant -, Mario Draghi est resté très évasif sur la réforme fiscale, l’un des chevaux de bataille de la Ligue : sera-t-elle orientée en faveur des familles, pour une vraie et ambitieuse politique familiale, et des entreprises ? Ou, au contraire, assistera-t-on à de nouvelles taxes green (plastic tax, carbon tax, etc.) ou patrimoniales ?
L’euphorie médiatique autour de ce plan qui peut sembler ambitieux ne doit pas cacher ses aspects purement idéologiques : en concentrant la majeure partie des investissements sur le secteur public, Mario Draghi donne à l’Union européenne plus qu’un droit de regard sur la dépense publique italienne et sur le type de réformes à engager. La perte de souveraineté est manifeste. Et ces décisions, dont l’ampleur est à plus d’un titre historique, engagent également les gouvernements futurs, au moins pour la prochaine législature… qui devrait être, selon les sondages, dominée par la coalition de droite menée par la Ligue et par Fratelli d’Italia. En même temps, il y a une accélération de l’agenda « vert » et de la transformation, par la numérisation, d’un tissu économique assez traditionnel, fait de beaucoup de PME.
C’est donc à une révolution politique et économique que nous assistons : par un magistral renversement de situation, l’Union européenne, dont la faiblesse a été révélée à tous pendant la crise sanitaire, est en train de se renforcer : en effet, chaque versement, semestriel, sera conditionné par des vérifications de réformes et des résultats tandis qu’un seul pays membre peut, en vertu d’un droit de regard, retarder de trois mois le versement s’il juge que les réformes ne sont pas faites. « Une planification économique comme instrument de pouvoir au service d’un projet politique » (Ponzi), l’intégration européenne et la transition écologique.
C’est, dans une moindre mesure, ce qui nous attend en France.
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