Où ça, l’Union européenne ? Au temps du Covid-19, c’est le « chacun pour soi » qui prévaut

drapeau européen

On crie au miracle parce que nos voisins transfrontaliers ont accepté quelques-uns de nos malades du Covid-19 dans leurs hôpitaux : six sont répartis dans les cantons du nord-ouest de la Suisse – Bâle-Ville, Bâle-Campagne et Jura ; côté allemand, c’est le Bade-Wurtemberg qui a ouvert une quinzaine de lits dans les hôpitaux de Fribourg et Karlsruhe, et la Rhénanie-Palatinat devrait aussi proposer quelques places pour nos malades du Grand Est, de même que le Luxembourg. Qu’ils en soient tous chaudement remerciés, et honte à nous d’en être là.

L’Europe est devenue l’épicentre de l’épidémie, l’Italie pulvérisant les plus sinistres records. On se demande pour quelle(s) raison(s) ce pays paie – pour l’instant ! – le plus lourd tribut à la maladie. Pour les explications, les études relèvent une « puissante interaction entre démographie et mortalité pour le Covid-19 ». Pour parler simple, « on constate une mortalité considérablement plus élevée dans les pays ayant des populations plus âgées par rapport aux pays plus jeunes », explique la démographe et professeur de santé publique Jennifer Downd. Or, l’Italie a la population la plus âgée au monde, après le Japon. Toutefois, on relève que les provinces du nord les plus touchées, comme la Lombardie, sont également les plus polluées aux particules fines, un phénomène qui serait à prendre en compte.

Que fait l’Europe pour les Italiens ? On dirait qu’elle regarde ailleurs. Qu’ils se débrouillent de la vague du coronavirus comme on les a laissés se débrouiller avec les lames de fond migratoires.

Pire que cela, la République tchèque a fait main basse sur les stocks de masques et de respirateurs offerts par la Chine à l’Italie (Car ce sont des médecins cubains, chinois et russes qui viennent au secours de nos voisins !). 680.000 masques et des milliers d’appareils en transit sur le territoire tchèque ont été saisis par les autorités, prétextant avoir soupçonné un trafic illégal. Le ministère de l’Intérieur a fini par reconnaître « l’erreur », mais trop tard pour rendre la marchandise : elle a déjà été distribuée dans ses hôpitaux…

Dans un entretien accordé, lundi, au Figaro, le 22 mars, Dominique Reynié (directeur de Fondapol, la Fondation pour l’innovation politique) ne cache pas son inquiétude : « La crise sanitaire que nous vivons pourrait être fatale à l’Union européenne », dit-il. À sa lecture, on ne peut que tirer une énième fois la conclusion que l’Europe en tant que puissance n’existe pas. Elle n’est qu’un conglomérat mal ficelé d’États-nations qui, précisément dans cette crise, révèlent tout à la fois leur manque de solidarité et leur impréparation pathologique aux événements.

La maladie des vieux États que nous sommes est la peur de la puissance. Celle qui nous fait haïr la Chine, la Russie ou les États-Unis. Dès lors, « une alternative s’impose désormais : ou bien l’Europe se réconcilie avec une vision de puissance ou bien elle disparaît bientôt ».

On pourrait voir, dans ces propos, le triomphe des idées souverainistes, mais ce serait une erreur. Aucune nation européenne n'est, aujourd’hui, assez forte pour affronter seule les défis du moment. Le retour de la puissance, c’est « la promotion et la défense des frontières communes ; l’autonomie sanitaire, à commencer par la maîtrise de la chaîne de production des médicaments ; la souveraineté alimentaire ; la souveraineté énergétique […] ; la souveraineté économique et commerciale ; la souveraineté scientifique et technologique, car le champ si stratégique des biotechnologies est en train de passer sous le contrôle absolu du duopole sino-américain […]. Et il en va de même dans le domaine de l’intelligence artificielle. » Enfin, dit Dominique Reynié, « cessons de supposer irréaliste l’ambition d’une souveraineté militaire ». Sans quoi, « l’Europe s’effondrera, puis chacune de ses nations ».

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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