Nouvelle tenue des policiers : Gérald Darmanin tente le recours au travail bénévole des étudiants des écoles de mode
Dans quelle tenue les policiers doivent-ils recevoir les tirs de mortier et autres blocs de béton lâchés des étages ? Avec quel look faire son entrée dans un quartier sensible ? Chapeau à plumes, pantalon moulant, jouer la séduction ou bien dans un ensemble cuir ? L'affaire du renouvellement de l'uniforme tracasse le ministère de l'Intérieur. Les restrictions de budget ne permettent pas de faire appel à la maison Balenciaga, comme ce fut le cas en 2004. Mais eurêka ! « Bon sang mais c'est bien sûr », l'idée lumineuse jaillit du « Beauvau de la sécurité » tel un jet d'eau sorti d'une bouche d'incendie par un été caniculaire : faire appel aux 24 écoles de mode et lycée professionnels incluant la filière « métiers de la mode ». Les braves étudiants allaient se faire un plaisir de dessiner les nouvelles tenues pour la modique somme de zéro euro. Et fiers de participer à l'élan sécuritaire ! Et contents, et même rudement.
D'après les documents divulgués par Mediapart, le 17 mars, Gérald Darmanin propose aux heureux élus de plancher sur les « évolutions de la tenue des policiers ». Suit un descriptif détaillé de l'état d'esprit dans lequel l'habit doit être pensé. La Beauvau attitude. Le ministre explique ainsi : « Je souhaite revisiter la tenue des policiers afin de lui donner une apparence plus moderne, plus en phase avec les nécessités de terrain et les réalités de la société... » Curieusement, « les nécessités du terrain » n'ont pas orienté Gérald Darmanin vers des étudiants en métallurgie. Casquettes en zinc, blousons doublés acier... Les « réalités de la société » semblent échapper à l'auteur du courrier.
« Et qui permettrait de mieux articuler la nécessaire proximité avec le citoyen et l’incarnation régalienne de l’autorité et de l’ordre », poursuit-il. Un uniforme articulé. La demande se précise. D'autres points s'enlisent, hélas, dans le traditionnel charabia moderniste pour extraterrestre. Le ravi de la place Beauvau souhaite « mieux inscrire les contours, les symboles et les responsabilités que cette tenue incarne avec les enjeux sécuritaires... », etc. Ces envolées abstraites étant réservées aux étudiants bilingues.
Entre autres recommandations, le cahier des charges précise que « la casquette souple telle qu’elle existe actuellement est massivement rejetée ». Confirmation de l'erreur d'aiguillage du ministre de l'Intérieur qui semble désirer des couvre-chefs en béton armé. Étonnant éclair de lucidité sur les « nécessités du terrain »
La réponse à cette demande de projet d'uniforme pour policier punching-ball ne s'est pas fait attendre : « C’est culotté, de la part du gouvernement, de venir nous proposer de travailler gratuitement sur les uniformes des nouveaux policiers en pleine crise du Covid », dit l'un. « Des entreprises viennent dans les écoles d’art en nous faisant croire qu’on participe à des “workshop”, alors qu’ils viennent juste exploiter de la main-d’œuvre étudiante gratuite », dit l'autre.
La tentative du ministère de l'Intérieur de recourir à une main-d’œuvre bénévole ne soulève pas l'enthousiasme prévu. Gérald Darmanin ne manquera pas de solliciter d'autres secteurs : écoles de poterie, travaux publics, plomberie, costumiers de théâtre. Ces derniers étant manifestement les plus indiqués pour le travail demandé. « Le Beauvau de la sécurité » examinera ensuite le problème de la couleur des voitures de police. Transparentes, si possible...
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