Non, ne fantasmons pas : Éric Zemmour ne sera pas candidat à l’élection présidentielle en 2022 !
Qu’Éric Zemmour soit patriote, amoureux de la France, ne fait aucun doute. Qu’il veuille apporter sa contribution à la dernière possibilité de redressement avant naufrage d’un temps non plus. On peut l’imaginer chausser les bottes de Napoléon. De là à ce qu’il le fasse, c’est hautement hypothétique…
Si certains l'y encouragent, comme Jacques Bompard, si ses supporters ont ouvert une plate-forme « Je signe pour Zemmour » et si, dans les milieux droitiers et nationaux, certains l’imaginent déjà à la tête d’un triumvirat, tel le Premier consul entouré – c’est selon – de Ménard, Villiers ou même Onfray (!), d’autres, comme Marine Le Pen, s’inquiètent à bon droit de perdre un capital-réussite si patiemment acquis : « Il pourrait diviser les voix […] et je pense qu'il faut au contraire que nous travaillions ensemble à constituer une grande force politique pour battre Emmanuel Macron », déclarait la présidente du Rassemblement national, en mars dernier.
Une rumeur entretenue qui inquiète d’autres politiques. Une initiative de tractage et d’affichage de ses supporters – non téléguidée par l’intéressé – menée à Aix-en-Provence, ce samedi 24 avril, a réveillé chez une militante de la Gauche républicaine et socialiste (GRS) le stress post-traumatique #MeToo, puisqu’elle a « balancé » Zemmour pour un baiser qu’elle dit volé en 2004… ou 2006 ! « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose », disait Francis Bacon.
Certains signes exposés comme le frémissement possible d’un positionnement du journaliste-essayiste sur les starting-blocks pour 2022 sont, pourtant, plus que faibles : le fait d’investir les réseaux sociaux – Instagram ou TikTok – pour toucher plus de monde n’est pas probant, en soi, d’une ambition présidentielle. Il y a belle lurette que Zemmour signe EZ, comme Zorro. Ne cherchons pas à toute force dans ce monogramme parlant l’indice d’un logo de campagne à venir. Des oiseaux provinciaux de mauvais augure pourraient dire qu’en basque, EZ, ça veut dire : « Non » !
En revanche, lorsque Zemmour rappelle les états d’âme de Bainville qui regrettait de n’avoir point été homme d’action, peut-être y voit-on, à raison, un portrait en miroir de ses propres hantises et un appel à l’action. « Pourquoi si bien prévoir et pouvoir si médiocrement ? J’ai toujours eu le tort de ne pas viser assez haut », ruminait Bainville. Réformé en 1914, mort à 57 ans, en 1936, avant l’heure des derniers choix héroïques ; mais il avait prévu la suite… L’historien et le prophète vivent par procuration. À 62 ans, Éric Zemmour prophétise déjà, comme jadis Bainville, des lendemains qui déchanteront pour nous si nos lois ne sont pas réformées. Mais est-il homme d’action ? Peut-on l’imaginer s’appliquant la pensée de César soupirant devant la statue d’Alexandre en déplorant qu’il avait, à son âge, déjà conquis le monde quand lui-même n’avait toujours rien entrepris ?
Prévenant qu’il n’est pas « facile de résister à l'appétence d'une ambition que d'autres souhaitent vous voir assumer », Philippe Bilger veut se persuader que Zemmour est « trop lucide pour tomber dans ce narcissisme ». Une manière, pour lui, d’exorciser sa crainte d’un engagement politique direct d’EZ pour un programme d’action radicale qui l'effraye ? L’ancien magistrat le juge « habile, roué même » ; et Zemmour joue de l’ambiguïté de la rumeur qui court en « consultant »… Et chacun, selon sa sensibilité, son désir ou sa répulsion, de fantasmer sur la candidature.
Si, pour l’heure, il n’y a pas lieu de tirer des plans sur la comète pour savoir s’il perdrait ou l’inverse, il est clair qu’Éric Zemmour réclame, à chaque occasion qu’on lui donne, une union patriotique large pour amener le virage politique indispensable pour sauver la nation. En martelant que la fonction tribunitienne détenue par le RN ne suffit pas pour emporter la décision et l’adhésion. Il faut, dit-il – dans une optique proche de l’analyse de Marion Maréchal –, une alliance du vecteur d’espoir populaire – le RN ? – avec la bourgeoisie « patriotique » issue de la droite classique, qui conserverait les commandes. C’est à cela qu’il travaille en reforgeant les esprits.
Quitte à nous jeter au bûcher, gageons que si Éric Zemmour s’engage en politique, il voudra être et sera Nogaret, pas Philippe le Bel !
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