Il paraît que Jean d’Ormesson aurait dit de François Hollande : "Il n'est pas homme d'État, j'ai peur de mourir pendant son quinquennat et la pensée que Hollande puisse me rendre hommage me terrifie". Que ce propos soit ou non entièrement authentique (l'intéressé l'a partiellement récusé), ce vœu a été exaucé. Mais l’on n’aura guère parlé longtemps de sa mort, éclipsée par celle de Johnny. Tous les commentateurs, toutes les personnalités politiques font l’éloge de la vedette dont la carrière a duré près de soixante ans.

Ces hommages, quelles que soient les arrière-pensées de leurs auteurs, prouvent au moins une chose : Johnny Hallyday était un chanteur populaire. Les politiciens en mal de popularité veulent-ils, comme par osmose, lui en emprunter un peu ? Il n’est pas certain que la recette soit bonne. Surtout quand l’éloge frise le ridicule.

Ainsi, Emmanuel Macron a déclaré, lors d’une visite officielle en Algérie, qu’"il fait partie de ces héros français, j'ai souvent dit qu'il fallait des héros pour qu'un pays soit grand". Il ne risquait pas de déplaire à ses hôtes, comme s’il avait qualifié de héros Charles de Foucauld ou les sept moines de Tibhirine. Le héros entre dans la légende, mais la légende ne fait pas le héros.

Johnny, s’il pouvait lui répondre, n’apprécierait sans doute pas ce titre. C’était une star, incontestablement, un monstre du show-biz, bourré de talent, qui remplissait les salles, communiait avec son public – et le public le lui rendait bien ! Mais en quoi est-il un héros ? Notre ancien khâgneux de Président connaît le sens des mots, pourtant ! Et il devrait connaître l’Histoire de France. Son propos est surtout révélateur du personnage : un mélange d’immaturité, d’arrivisme et de démagogie. "Ma chanson préférée, c'est “L'Envie”", a-t-il confié : tout un programme !

À coup sûr, Johnny se moquerait de cette profusion d’hommages, s’agacerait des magazines ou des chaînes de télévision qui profitent de sa mort pour augmenter leur tirage ou rivaliser en Audimat. Il pourrait entonner la chanson de Balavoine, qu’il eut l’occasion de chanter aux Francofolies de La Rochelle en 1991 : "Je ne suis pas un héros/Mes faux pas me collent à la peau/Je ne suis pas un héros/Faut pas croire ce que disent les journaux/Je ne suis pas un héros, un héros." Le vrai talent se moque des faux-semblants.

Johnny mena la vie des grandes stars, avec ses splendeurs et ses misères. Il restera de lui des chansons qu’un jour ou l’autre les Français de toutes générations ont pu apprécier. Mais il n’était ni ange, ni bête, encore moins un héros : c’était un grand chanteur qui restera dans les mémoires et qu’on entendra longtemps, longtemps après qu’il a disparu. Plus longtemps que les politiciens qui l’encensent.

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07 décembre 2017 à 11:20

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