Motu proprio sur la messe traditionnelle : un an déjà

MESSE

Il y a tout juste un an, le 16 juillet 2021, le pape signait le motu proprio Traditionis custodes, mettant un coup d’arrêt brutal et sévère au développement du rite traditionnel, dit de saint Pie V, qualifié avec la délicatesse et l’intelligence inégalées jusqu’à ce jour du pape Benoît XVI de « forme extraordinaire du rite romain ». Par la magie d’un décret pontifical signé du pape François, on avait le curieux sentiment d'être projeté un demi-siècle en arrière - comme une sorte de retour vers l'enfer - lorsque, du jour au lendemain ce qui était licite et, plus que cela, bon et juste, depuis des siècles dans l’Église, était devenu, subito, illicite et même néfaste.

Il y a cinquante ans, la défense de la « messe en latin » était, disait-on, une affaire de vieilles bigotes enfoulardées et de vieux cons réactionnaires à monocle. La chose allait passer avec le corbillard, la démographie étant une science exacte et cruelle. Mais justement, la démographie s’est vengée ! Les vieilles bigotes et les vieux cons avaient des enfants ou des neveux qui, à leur tour, ont eu des petits-enfants, des arrière-petits-enfants, souvent beaucoup, et tout ce petit monde est resté fidèle à la « messe de toujours », notamment en France et aux USA où le phénomène « catho tradi » est le plus vivace. Pire : « ces gens-là » ont souvent fait des émules chez beaucoup de personnes, notamment des jeunes, qui n’avaient pas hérité la tradition dans leur famille, et même chez certains qui ont trouvé la foi grâce à la « tradition ». Pire que pire, ces familles ont donné des prêtres à l’Église. En juin 2020, Jean-Marie Guénois, du Figaro, à l’occasion des ordinations annuelles, notait que sur les 126 prêtres ordonnés (auxquels il fallait ajouter les 10 de la Fraternité Saint-Pie-X fondée par Mgr Lefebvre), cette année-là, 20 % étaient ordonnés dans « une sensibilité traditionaliste », ce qui commence à peser sérieusement dans une démographie cléricale en berne.

Un an après la promulgation de ce motu proprio, un rapide tour d’horizon laisse à penser qu’on est dans une sorte de statu quo, mais surtout d’équilibre très fragile suspendu à la seule décision d’un évêque, alors que le pape Benoît XVI avait confirmé le droit pour tout prêtre de l’Église catholique de célébrer selon l’ancien rite. L’archevêque de Tours, Mgr Jordy, dans une langue de buis impeccable, déclarait à La Croix, le 15 juillet : « Nous sommes plutôt dans un processus qui va demander du temps. Et un vrai dialogue pour une mise en œuvre à ajuster selon les diocèses et la variété des situations rencontrées. » Qu’est-ce à dire, exactement ? Du temps pour réparer ce qui a été ressenti comme une blessure profonde par nombre de ces cathos tradis qui ne demandaient pas grand-chose, au fond ? Et l’on sait que la perception du fait est tout aussi importante que le fait lui-même.

Du temps pour que ces cathos tradis renoncent à la messe traditionnelle, alors même que François célèbre dans la basilique Saint-Pierre selon le « rite zaïrois » ? Du temps pour accepter que « les livres liturgiques promulgués par les Saints Pontifes Paul VI et Jean-Paul II, conformément aux décrets du Concile Vatican II, sont l’unique expression de la lex orandi du Rite romain », comme le rappelait encore, en juin dernier, le pape dans sa longue lettre apostolique Desiderio desideravi (« J’ai désiré d’un grand désir »), ce que d’aucuns considèrent comme un diktat, rompant avec une tradition bimillénaire faite d’une lente et patiente évolution organique et non de rupture révolutionnaire ? Du temps pour renoncer ? Ou bien du temps pour comprendre qu'on ne peut renoncer à l'intemporel ?

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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