Mondialisation : le monde de demain est déjà derrière nous !

MONDIALISATION

Après la pandémie, le monde ne sera plus comme avant - antienne du moment. Mais cela fait belle lurette qu’il n’existe plus, ce monde d’avant, et il n’y a plus guère que ses thuriféraires, entre « cercle de la raison » et « bonne gouvernance », Jacques Minc et Alain Attali pour ne pas le comprendre : à force de regarder passer les trains, même les vaches finissent par se rendre compte que les horaires des chemins de fer ont changé.

Ainsi, Pierre-Henri d’Argenson, haut fonctionnaire et maître de conférences en questions internationales à Sciences Po, remet-il quelques pendules à l’heure dans une tribune publiée dans Le Figaro Vox du 28 avril dernier : « La pandémie agit comme un révélateur de tendances certes perçues par notre intellect, mais qui n’avaient pas suffisamment frappé notre imagination pour modifier notre représentation du monde. Or, désormais, le monde est nu et nous n’avons pas d’autre choix que d’abandonner nos coupables pudeurs pour regarder la vérité géopolitique qu’il nous donne à voir. »

Voilà qui signifierait donc que des voix plus classiques - celle du Figaro, en l’occurrence - rejoindraient les constats faits depuis longtemps par des esprits aussi libres qu’Hubert Védrine, Alain de Benoist ou ceux que vous pouvez lire en ces colonnes. Pour Pierre-Henri d’Argenson, cette fondamentale remise en question se ferait sur les trois points qui suivent.

La première : « Aux premières heures de la crise, chacun est rentré chez soi, dans son pays. […] La mondialisation heureuse venait de tomber le masque. » Les chimères du « No Borders », si chères aux « ultras » de tous bords, extrême gauche et néo-libéraux confondus, sont donc tombées face à un ennemi commun et invisible à l’œil nu. Quelle ironie.

La deuxième : « Quasi-absence de solidarité internationale. […] Lorsque des aides ont été consenties, c’est avec des arrière-pensées si voyantes que leurs bénéfices pour l’amitié entre les peuples en ont été annulés. » La communauté internationale et son Organisation des nations unies n’était donc que mirage. Quelle palinodie.

La troisième : « La cristallisation des tensions géopolitiques entre la Chine et l’Occident, qui dessinent les contours d’une nouvelle guerre froide structurée par l’axe Chine-États-Unis. » Mais si l’Europe a malheureusement démontré qu’elle était soluble dans l’Occident, quelle place pourrait avoir ce qui en demeure dans les configurations à venir ?

Pierre-Henri d’Argenson voit donc juste quand il affirme : « L’Europe est la plus mal armée pour y prendre sa part, compte tenu du déclin organisé de sa culture stratégique et de sa réticence à accepter que l’interconnexion croissante des sociétés humaines, envisagée seulement comme un facteur de paix, puisse aussi nourrir les guerres informationnelles. »

Et parle d’or en ajoutant : « Si l’Europe poursuit sa trajectoire, sans révision de son modèle économique de transfert à l’Asie de son industrie, d’ouverture commerciale asymétrique et de financement à crédit de sa consommation par l’épargne chinoise, l’Européen de 2030 travaillera à bas coût pour un groupe chinois, sera surveillé par des technologies chinoises et des logiciels américains, consommera encore plus de sous-culture américaine, n’aura plus qu’un accès payant à la santé, et aura perdu sa liberté. La crise grecque de 2010, qui a vu ce pays traité comme un pays en développement, en donne un avant-goût. Le coronavirus arrache tous les masques. »

Surtout celui des USA, pays dont il estime qu’il aurait tout intérêt à se comporter plus en partenaire qu’en suzerain : « Comment apprécier un allié ayant infligé aux entreprises françaises plus de treize milliards de dollars d’amende depuis 2010 ? »

Avec de tels amis américains, plus besoin d’ennemi chinois, conclura-t-on.

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Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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