Avant, l’exil, ça durait longtemps. On pourrait évoquer celui des Juifs de Jérusalem, à Babylone : une soixante d’années : « Sur les bords des fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions, en nous souvenant de Sion » (psaume 137). Souvent, l’exil était définitif : ce fut le cas des Stuart catholiques. Bonnie Prince Charlie, rejeton de la dynastie et prétendant jacobite au trône d’Angleterre, tenta bien de revenir mais échoua définitivement à la bataille de Culloden, en 1746. Il mourut à Rome en 1788. Parfois, la fin de l’exil est posthume : le retour des cendres de Napoléon en 1840, par exemple. Et en 1848, des exilés bien vivants purent rentrer en Corse : la famille Bonaparte. C’est à cette occasion qu’aurait été chantée pour la première fois, dans les rues d’Ajaccio, « L’Ajaccienne », reprise jadis par Tino Rossi : « Les exilés sont de retour… »

Les « traversées du désert » sont, en quelque sorte, des exils de l’intérieur. Celle de De Gaulle, en sa Boisserie, dura douze ans. C’est long, douze ans. On était, alors, plus proche du rythme imprimé par la marine à voile, le cheval ou le chameau que de celui imposé, de nos jours, par le jet, le TGV et l’info en continu. Aujourd’hui, les traversées du désert se font dans le bac à sable. Il est vrai qu’on dit que le temps des grands hommes est fini. Et à l’heure du goûter, au plus tard avant la soupe, tout le monde rentre à la maison.

Manuel Valls est un cas spécial. Certes, il n’est ni Bonnie Prince Charlie, ni un Bonaparte, encore moins de Gaulle. En 2018, après avoir traîné, un an durant, son ennui à l’Assemblée, il décidait de quitter la France et de retourner au charnier natal. Exil ou remigration ? On ne sait pas exactement. Mais c’était définitif, qu’il disait. Puis il y eu la défaite aux municipales de Barcelone. Jetons un voile pudique sur cet épisode. Et voici que l’ancien Premier ministre déclare au Monde que « c’est d’abord le débat politique en France qui me passionne car c’est ma vie ». Faudrait savoir. Et d’ajouter : « Je ne suis pas en exil, je n’ai pas disparu et viens régulièrement à Paris. » Il y a plein de gens qui viennent régulièrement à Paris. « Candidat à rien » mais veut « être utile » à Emmanuel Macron, précise-t-il. Traduire : « Je suis disponible, non pas pour faire des réunions Tupperware où je ferais la promo de la politique de Macron, mais pour revenir au gouvernement. » L’animal politique, âgé de 56 ans, n’est pas mort. Il a dû sentir qu’il y avait peut-être une carte à jouer : un gouvernement essoré, impopulaire, sans épaisseur, si on enlève quelques individualités. « On manque d’un Valls ou d’un Sarkozy, qui certes clivent, mais au moins impriment une volonté », résume un proche du Président, toujours selon Le Monde.

Est-ce à dire que cela prépare un retour de Manuel Valls au gouvernement après les élections municipales ? Passé cette échéance, le pays va entrer dans une phase électorale continue jusqu'en 2022. Si la Macronie peut camoufler son manque d’ancrage local aux municipales, il faudra bien qu'elle sorte du bois pour les élections départementales et régionales, plus politiques (comme si tout n'était pas politique en matière d'élections !), avant le grand rendez-vous de 2022. Qui de mieux que Valls, lui qui affirmait en 2015 qu’il fallait « tout faire » pour que le Front national ne gagne pas, pour venir en renfort d’un gouvernement en lambeaux ? À quel portefeuille ? L’Intérieur, par exemple. Et Castaner ? L’occasion de l'envoyer se reposer un peu avec un petit exil à l’Assemblée nationale. Et de se préparer aux régionales en Provence-Alpes-Côte d'Azur, par exemple... Une idée pas plus absurde qu'une autre après que Castaner a été à l'Intérieur.

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06 mars 2020 à 19:44

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