Macron-Zemmour à l’écran : deux hommes en non-campagne, deux poids deux mesures

macron 9 novembre 21

Tous deux ne sont pas vraiment candidats, pas encore candidats. Macron et Zemmour participeront pourtant, selon toute vraisemblance, à la course vers l’Élysée. Plusieurs sondages les mettent, d'ailleurs, en première et seconde position. Mais voilà, Zemmour s’exprimait dans une émission de télévision (« Face à l’info », sur CNews) tandis que la rumeur d’une candidature du polémiste enflait. Le CSA y a mis bon ordre en imposant de compter les temps de parole de ce journaliste à la façon d’un homme politique, entraînant le départ immédiat de Zemmour. Deux poids deux mesures. L’épisode reste évidemment en mémoire lorsque Emmanuel Macron sollicite les médias pour s’exprimer. Diffusée sur TF1, France 2, M6 et TMC, l’allocution du président de la République a touché, mardi soir, 19 millions de Français. Pour quelques annonces, et il est bien normal qu’un Président s’exprime de temps à autre. Mais voilà, après huit minutes sur la crise sanitaire, le candidat Macron, la voix cassée mais l'œil vif, se mue en candidat : il lui reste près de vingt minutes d’intervention qui tournent à la harangue de campagne. Le CSA n'y a pas vu de mal. Lorsqu’il dit « nous », « la France » ou « les Français », il faut entendre « je ». Comme par magie, les ratages, erreurs, approximations ou rendez-vous manqués du pouvoir qui n’en est pas avare disparaissent. Le candidat Macron déroule face caméra sans contradiction. Vous pensiez naïvement que la France n’avait pas brillé sur les vaccins puisque nous n’en avons produit aucun et que nous les avons acquis tard et cher ? « C’est parce que la France a très tôt misé sur la recherche et sur les traitements et que nous avons su en commander très en amont que nous bénéficierons d’une nouvelle arme pour lutter contre le virus avec l’arrivée en fin d’année des traitements contre les formes graves du virus », assure le bon Président Macron.

Vous êtes encore sonnés par les contradictions sanitaires, les règles ubuesques, les morts des vieillards seuls à l’hôpital, les enfants perturbés, les contrôles brutaux et les dénonciations ? Illusions. Macron, qui n’est pas en campagne, « s’est attaché à protéger tout le monde, nos enfants, nos jeunes, les plus précaires […], nos artistes, nos entrepreneurs »... Un bon Samaritain. Vous pensiez sottement que l’hôpital n’était pas au mieux de sa forme, qu’il avait montré ses failles et sortait épuisé de ce quinquennat ? Balivernes ! « Nous avons aussi soutenus nos soignants », assure le prestidigitateur Macron, qui va restaurer 500 hôpitaux, promis. « Ces mesures qui s’ajoutent à beaucoup d’autres […] font que jamais, depuis la création de la Sécurité sociale, nous n'avions autant investi dans la santé », ajoute-t-il. Et dire que ces médecins, infirmières et autres soignants ingrats préfèrent démissionner ! « Il reste beaucoup à faire », admet tout de même le Président.

Bilan du « quoi qu’il en coûte » et des 100 milliards engloutis dans le plan de relance ? Ne parlez pas de dettes, mauvais esprits ! Ni du rang désastreux de notre pays en Europe sur ce critère, avec son endettement à hauteur de 115 % du PIB. Le Président Macron, lui, vend à ses administrés un paradis, ou presque. Un pays qui a su résister à la crise et rebondit « plus fort aujourd’hui ». « Nous sommes l’un des seuls pays du monde où le pouvoir d’achat a continué à progresser en moyenne et ou la pauvreté n’a pas augmenté. » Les gilets jaunes apprécieront. « Nous avons réussi tout cela en maîtrisant nos dépenses publiques, puisque le déficit sera inférieur à 5 % du PIB dès cette année », poursuit même le Président, qui fait feu de tout bois et se satisfait donc de ce désastre, même si « notre situation économique reste à consolider ». Qu’en termes délicats ces choses là sont dites.

Pour ce qui est de l’immigration, de l’effondrement du niveau scolaire et quelques autres détails, passez muscade, il n’en fera pas mention. Il est lancé. Macron vise le plein-emploi, assure que depuis quatre ans, soit depuis le début de son mandat, « le travail paye mieux ». On se frotte les yeux.

Bien sûr, il abandonne la réforme des retraites, promise durant sa campagne, mais qui demandait un peu de courage. Un Waterloo évacué rapidement. « Les conditions ne sont pas réunies pour relancer aujourd’hui ce chantier », dit-il. Mais attention, c’est un abandon provisoire : « Dès 2022, il faudra prendre des décisions claires, travailler plus longtemps. » Entendre, « dès ma réélection ». Tant de culot touche au génie. En attendant sa reconduction triomphale, le Président nous paye de mots par une ode au travail, un éloge appuyé de sa politique sécuritaire (on croit rêver), à son plan France 2030 et à l’Europe. « Sans l’Union européenne, nous n’aurions pas si vite disposé du vaccin », ose-t-il. Aveugle, sourde, décalée, incapable, flouée par les pays producteurs de vaccin et par la Chine producteur de masques, l’Europe a brillé dans cette pandémie, cela n’a échappé à personne. Et, bien sûr, les Suisses ou les Anglais, qui se tiennent hors de l’Union européenne, ont eu d’immenses difficultés à vacciner !

La propagande européiste et le roman macronien ne posent aucune limite à l’imagination. Lorsque le Président Macron lance, pour finir, « Croyons en nous, nous le méritons », les Français doivent évidemment comprendre : « Croyez en moi, je le mérite. » Appuyé sur un tel dispositif, Éric Zemmour, l'autre non-candidat de la campagne, aurait encore grappillé quelques points. Pas sûr que Macron profite vraiment de ce village Potemkine proposé aux Français et construit de toute pièces à sa propre gloire.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

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