Macron en Sorbonne : le théologien de l’européisme

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Emmanuel Macron voulait parler de l’Europe et "venir en parler à la Sorbonne a beaucoup de sens", a-t-il déclaré au début de son sermon sur la montagne Sainte-Geneviève, mardi soir. Un discours-fleuve d’une heure et demie que l’on pourrait comparer à nos billets de banque en euros : de jolies figures de style semblables à ces figures architecturales, hors du temps et de l’espace, représentées sur les coupures de notre monnaie.

Au fond, Emmanuel Macron, qui "veut incarner l’audace d’un projet", comme le titre Ouest-France, nous livre la vision d’une Europe désincarnée. Lisez son discours, vous verrez qu’il peut s’appliquer à n’importe quel ensemble de pays en voie de fédéralisation. Tout est plaquage, superficiel, artificiel. Cela a "beaucoup de sens", dit le jeune Président à une jeunesse à qui l’on laisse entendre qu’avoir des racines serait ringard. Mais comment ne pas souligner les détournements de sens, les approximations historiques, les silences aussi ? La Sorbonne : "Ce fut d’abord une idée. Une idée portée par quelques érudits qui construisaient leur avenir assis sur de la paille", nous dit le Président. Quelle est cette idée ? Le Président-philosophe se garde bien de nous le dire. Il évoque bien le nom de Robert de Sorbon, fondateur au XIIIe siècle de cette institution, mais omet de préciser que Sorbon était avant tout un théologien et que sa fondation fut d’abord un projet porteur de verticalité, comme on dit aujourd’hui. En clair, un projet chrétien. Pas un projet de marché unique de la connaissance ! Cette manie de s’approprier les figures de l’Histoire pour les faire entrer bien comme il faut dans le moule de la bien-pensance d’aujourd’hui…

Un discours-fleuve, donc, et des mots qu’Emmanuel Macron ne prononcera pas. Tabou : racines chrétiennes, nations, patries… Il y parle des "peuples", "nos peuples", formules qui permettent de s’affranchir de cette satanée réalité d’État-nation qui n’en finit pas de nous coller aux basques comme le sparadrap du capitaine Haddock.

Autre mot tabou : l’islamisme, même qualifié de « radical » ou « politique ». Pas une seule fois, en effet, ce mot n’est employé lorsque le Président aborde la question des menaces qui pèsent sur l’Europe. Il évoque bien "l’Internationale du terrorisme" et, sur ce point, entretient d’ailleurs une double illusion en déclarant : "L’Europe de la sécurité doit être notre bouclier. Ils s’infiltrent partout en Europe, leurs ramifications sont là ; c’est donc ensemble que nous nous devons d’agir. De la prévention à la répression." Illusion que de laisser croire que cet ennemi serait uniquement un ennemi extérieur (Daech a bon dos !). Illusion que de laisser croire que l’Europe est la seule solution.

En revanche, le discours d’Emmanuel Macron se fait étonnamment plus précis lorsqu’il s’agit de désigner ce qui est sans doute pour lui son principal - pour ne pas dire unique - ennemi. Évoquant les faiblesses de l’Europe, il déclare : "La voici aujourd’hui plus fragile, exposée aux bourrasques de la mondialisation telle qu’elle va, et même ce qui sans doute est pire, à des idées qui se présentent comme des solutions préférables." Et de nommer, pour le coup sans tabou, ces idées : "nationalisme, identitarisme, protectionnisme, souverainisme de repli". Sans tabou ni retenue, Emmanuel Macron se permet même de jeter en pâture dans un amphithéâtre, qu’on imagine gagné à sa cause, en le nommant explicitement, le Front national, "nourri de cela" (la détestation de l’Europe).

Emmanuel Macron s’est donc affirmé en Sorbonne comme un parfait et très orthodoxe théologien de l’européisme. Il ne lui reste plus qu’à en devenir le pape. Les choses se feront sans doute un jour en conclave, à l'abri des regards de "nos peuples"...

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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