Macron et l’Histoire : le vote algérien en ligne de mire
Évoquant le récent déplacement, à Vichy, du Président, le journal Le Monde rapportait, le 9 décembre, que les « stratèges de la majorité » se disaient persuadés que l’élection présidentielle se jouerait « en grande partie sur l’émotion et les symboles ». Voilà qui a le mérite de l’honnêteté. Et, en effet, la présence du chef de l’État dans la ville qui fut le siège du gouvernement de Pétain n’était sans doute pas dépourvue d’intentions électoralistes. Face à l’éternelle menace d’un retour des « heures sombres de Vichy », Macron pouvait se présenter comme le champion de la lutte contre une « droite identitaire » à laquelle Valérie Pécresse peut, à l'occasion, faire des œillades. Avec un cynisme décomplexé, un député « marcheur » se félicitait alors que ce positionnement lui permette de se recentrer et de rebattre les cartes à gauche « en faveur d’un front républicain ». En voilà de la belle cuisine politicienne ! C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures. Le Président parlait alors en expert lorsqu’il déclarait, à propos de l’Histoire : « Gardons-nous de la manipuler, de l’agiter, de la revoir. »
L’écrivain Jean-Marie Rouart, dans Le Figaro, dénonçait, le 12 décembre, cette ambiguïté du Président en rappelant ses déclarations à propos de la colonisation « crime contre l’humanité », son appel à « la déconstruction de l’Histoire de France » ou encore son déni de « la culture française ». Il pointait les risques de l’ouverture de la boîte de Pandore de nos divisions nationales et de cette instrumentalisation politique de l’Histoire : « La remuer, c’est faire remonter la boue, le sang, le crime et c’est surtout faire désespérer les Français d’eux-mêmes […]. » Il s’inquiétait alors de voir Macron persévérer en ouvrant « avec une insigne légèreté les archives de la guerre d’Algérie ». L’écrivain y voyait de la candeur et de l’ingénuité. C’est se tromper sur le personnage.
Pour le confirmer, on se reportera avec intérêt à l'article d’un quotidien algérien en ligne repris par Courrier international, le 10 décembre, et intitulé « Présidentielle. Ni captive ni passive, la diaspora algérienne en France fera entendre sa voix en 2022. » La journaliste, qui évalue les électeurs d’origine algérienne en France à 1,4 million de voix potentielles, n’est pas dupe : « Dîners, concertations, Légion d’honneur, tous les outils ont été utilisés par la majorité actuelle pour attirer cette partie de la communauté. »À Le « travail sur le devoir de mémoire » concernant la guerre d’Algérie ne doit donc rien au hasard.
À côté d’un vote de classe, il y a un vote communautaire qu’il n’est plus possible de négliger. La question d’un « vote musulman » en est l’illustration. Sans ce vote, François Hollande n’aurait pas été élu en 2012. Et en 2017, une analyse de l’IFOP a montré que 92 % des musulmans s’étaient prononcés en faveur de Macron. Celui-ci est tout sauf un naïf. Il a bien compris que l’Histoire était une chose trop sérieuse pour être abandonnée aux historiens.
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