L’ « itinérance mémorielle » d’Emmanuel Macron n’aura pas été une promenade militaire. Loin de là. Et il va être grand temps, pour le Président, de rentrer à la maison. Emmanuel Macron a rencontré sur son chemin des Français qui n’étaient pas là que pour inaugurer les chrysanthèmes et agiter de petits drapeaux derrière les barrières de sécurité. Beaucoup lui ont dit ce qu’ils avaient sur le cœur : retraités, ruraux, classes moyennes...

On pourrait trouver ces protestations un peu déplacées au cours de ce qui aurait pu être appelé un « pèlerinage », comme le suggérait, jeudi, dans ces colonnes, Frédéric Sirgant. Mais n’est-ce pas Emmanuel Macron lui-même qui l’a voulu ainsi ? Lisez le site de la mission du Centenaire et vous découvrirez que cette « itinérance » se voulait à la fois « mémorielle » et « politique ». Peut-être que ce double but était une fausse bonne idée, pour ne pas dire plus. Jeudi soir, sur BFM TV, le publiciste Jacques Séguéla rappelait un vieux principe du marketing : on fait campagne pour un produit, pas pour deux. Un peu trivial, il expliquait que Macron ne peut pas à la fois s’occuper des poilus et des poids lourds. Or, c’est ce qu’il a voulu faire en alternant séquences commémoratives et visites économiques et sociales durant cette tournée dans ces régions durement touchées par la désindustrialisation, la désertification, la paupérisation. Or, les quelques Français venus sur le parcours présidentiel ont bien perçu le « en même temps » de cette visite. D’où les échanges un peu rugueux parfois.

Mais le Président n’a pas été interpellé que sur les problèmes économiques. Un porte-drapeau, coiffé de son béret rouge de hussard parachutiste, a osé interroger Emmanuel Macron sur la question des migrants. Et pas n’importe où : à la sortie de l’ossuaire de Douaumont. "Quand mettrez-vous les sans-papiers hors de chez nous ?" Question simple, directe. Cet ancien combattant regarde droit dans les yeux le chef des armées. Très calme, respectueux. Une provocation en ce lieu sacré ? "Verdun, on ne passe pas !", chantait-on en 1916. "C’est ici la porte de France, et vous ne passerez jamais !" Aujourd’hui, les portes de France sont largement ouvertes… Alors, cet ancien militaire qui a probablement un peu bourlingué au service de la France et n’a pas de leçons de morale à recevoir de ceux qui veulent sauver le monde en agitant des banderoles a sans doute voulu dire au Président que cela suffit, que ceux qui n’ont rien à faire "chez nous" doivent rentrer chez eux. "Chez nous" : une expression méprisée par ceux qui, souvent, ont plusieurs chez eux à travers le monde !

La réponse du Président est celle de celui qui se sait sous l’œil des caméras. Agitant sa main gauche, quand elle ne sert pas à se gratter le nez, la main droite étant tenue fermement par le vieux soldat, Emmanuel Macron fait du « en même temps », du « souple et ferme à la fois ». L’ancien semble cependant moyennement convaincu par le discours présidentiel sur la nécessité d’accueillir "ceux qui fuient leur pays parce que c’est leur liberté". "Peut-être", répond-il, dubitatif, et entre alors dans le dur : "Ce n’est pas le cheval de Troie que l’on met en place ?" Là, l’énarque élude cette question pour le moins épineuse et poursuit : "Mais… ceux qui viennent alors qu’ils peuvent vivre librement dans leur pays, il faut les raccompagner." C’est-à-dire l’immense majorité des migrants illégaux. "J’aime bien votre réponse", conclut l’ancien parachutiste.

Notons que le Président n’a pas répondu à la question initiale de l'ancien combattant : Quand ?

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09 novembre 2018 à 18:29

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