Louis de Cambridge : un prénom français pour un petit prince anglais

Mariage Kate_Middleton

Le duc et de la duchesse de Cambridge ont créé la surprise en prénommant leur fils Louis. C’est oublier qu’il n’y a pas, en Occident, deux nations aussi proches à tout point de vue que la France et l’Angleterre.

À l’origine, nous étions tous des Gaulois, croyant aux mêmes dieux et parlant la même langue, et l’anglais d’aujourd’hui a conservé plus de mots gaulois que nous : par exemple town, la ville. London, c’est la ville du dieu Lug, c’est le même nom que Lugdunum (Lyon) ou, encore mieux, Loudun, en Poitou.

Puis sont venues les invasions barbares du Ve siècle : chez eux, ce furent les Angles venus de Scandinavie et les Saxons, qui se sont imposés aux Bretons. Alors, de nombreux réfugiés ont franchi la Manche pour se fixer en Armorique, où ils s’imposèrent tant qu’on a rebaptisé cette région du nom de leur pays, la « Bretagne ».

Ensuite, les liens se sont renoués avec la conquête de l’Angleterre par le duc de Normandie Guillaume, qui se présentait comme plus légitime qu’Harold à la succession d’Édouard le Confesseur. C’est pourquoi il a forgé la devise – écrite en français - qui, depuis sa victoire à Hastings en 1066, est restée celle du royaume jusqu’à nos jours : "Dieu et mon droit". En Angleterre se sont installés des compagnons de Guillaume pour former le noyau de la noblesse anglaise, francophone : on ne parlait anglais que dans le peuple. Dès ce moment-là, le roi d’Angleterre devenait un personnage double : vassal du roi de France pour des domaines français, et son égal en tant que roi. Mais le lien féodal, loin d’être seulement vertical, admettait cette complexité, parce que le même seigneur pouvait être à la fois suzerain d’un autre pour un fief et son vassal pour un autre fief. Il n’empêche que cette complexité est devenue gravement belligène quand les Plantagenêts, comtes d’Anjou, ont succédé par filiation maternelle aux rois normands. Et quand les Capétiens directs s’éteignirent, la question de la succession masculine ne s’était pas encore posée. En Franc, on a préféré reconnaître un cousin par les mâles, Philippe VI de Valois, auquel Edouard III d’Angleterre a rendu hommage pour son fief de Guyenne en 1329. Sa prétention au trône par sa mère Isabelle, en 1337, étant postérieure à cet hommage, il devenait félon. Et de toute façon, si l’on avait dû respecter l’aînesse par les femmes, alors c’est plutôt Jeanne de Navarre, fille de Louis X, qui pouvait prétendre à la royauté ; mais elle était trop jeune (5 ans) pour réclamer quoi que ce soit à la mort de son père.

De cet imbroglio est née la guerre de Cent Ans (en fait, 116 ans, 1337-1453), déclenchée par Édouard III et son fils le Prince noir, tous deux génies militaires. Il faut considérer que nos adversaires se regardaient comme Français, parlaient français, portaient dans leurs veines le sang capétien par voie féminine. D’ailleurs, Édouard III ne s’est jamais prétendu « roi d’Angleterre et de France » mais « roi de France et d’Angleterre », car pour lui, la couronne la plus glorieuse était celle des lis. Ce n’est qu’après la défaite anglaise (prise de Bordeaux en 1453) que l’Angleterre, abandonnant son rêve français, a découvert sa vocation ultramarine à la suite des Portugais et des Espagnols.

Durant les siècles suivants, et jusqu’à l’Entente cordiale de 1904, les deux nations se sont affrontées plus qu’à leur tour, car en vérité, on ne se dispute constamment qu’avec ses frères, puis ses voisins, jamais avec des inconnus : c’est d’être frères qui nous a conduits à nous faire la guerre.

On peut, certes, considérer que, généalogiquement, le prince Louis de Cambridge est moins français que ses glorieux ancêtres, du seul fait de la France qui est devenue république, mais il porte une longue tradition qui rend légitime, et pour tout dire touchant, le prénom que ses parents lui ont donné.

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