Loi anti-casseurs : main basse sur la démocratie

voiture brulée

La démocratie est décidément une petite chose fragile. Les débats préalables à l’adoption de la loi "anti-casseurs" à l’Assemblée nationale ont largement échauffé les esprits. Le (pourtant) très modéré Charles de Courson (élu centriste) a été jusqu’à affirmer à son propos : "On se croit revenu sous le régime de Vichy." Cette loi "anti-casseurs" a été initialement conçue par Bruno Retailleau, l’ancien bras droit de François Fillon, dans un but simple : procéder à des mesures administratives exceptionnelles afin d’empêcher des personnes, préalablement fichées, de manifester. La Macronie décrète ainsi l’état d’urgence permanent et glane, par là même, des points du côté du centre droit.

Pourtant, l’affaire Benalla n’a-t-elle pas révélé l'indulgence du Président Macron ? Le 4 février, le site d’information Mediapart a fait l’objet d’une tentative de perquisition à la suite de ses dernières révélations sur les larcins de l’ex-"chargé de mission" (dixit l’Élysée). Depuis le 1er mai 2018, on ne compte plus les frasques du trublion très particulier de la Macronie, les dossiers de presse sur ses propos comme sur ses actes étant développés à foison par plusieurs sites d’information.

Kant avait formulé la contradiction consubstantielle au projet démocratique à l’aune de sa morale : "On pourrait calculer la conduite future d’un homme avec autant de certitude qu’une éclipse de lune ou de soleil et cependant soutenir en même temps que l’homme est libre." La Macronie invente clairement le statut de "coupable a priori". Voilà qui rappelle étrangement ce qu’avait imaginé l’écrivain américain Philip K. Dick à travers Minority Report, une nouvelle de science-fiction publiée en 1956. Toujours est-il que ni les bourgeois d’extrême gauche ni les voyous des banlieues ne feront probablement les frais de cette mesure de circonstance.

L’ordre libéral-libertaire tombe enfin le masque : il tend à manifester sa dimension totalitaire. Autre illustration : pour répondre à la crise sociale de ces trois derniers mois, le Président a lancé un grand débat, mais pour mieux confisquer la parole. Malgré la multiplication de leurs manifestations, les gilets jaunes sont encore écartés du champ politique. Face à un double malaise, à la fois national et social, l’élève du philosophe Paul Ricœur réalise une diversion grossière : il fait campagne et séduit un parterre d’élus locaux et d’associations inutiles. Sa copie est définitivement "hors sujet". Le clientélisme va toujours bon train. De fait, Macron est Sarkozy en pire.

Le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux avait pourtant annoncé toutes ces manœuvres le 4 janvier dernier : "Nous devons aller sans doute encore plus loin dans le changement, être encore plus radicaux dans nos méthodes, dans nos manières de faire, dans notre style..." Schopenhauer avait conçu une thèse essentielle à ce sujet : "L’État n’est que la muselière dont le but est de rendre inoffensive cette bête carnassière, l’homme, et de faire en sorte qu’il ait l’aspect d’un herbivore".

Quoi qu’il se passe, c’est toujours l’État qui gagne. Seulement, le totalitarisme voit le jour lorsqu’un leader arrive à inoculer le poison de la culpabilité permanente dans l’esprit de son peuple. Un chantage intellectuel qui se résume par l’affirmation suivante : « Ce sera moi ou le chaos ! »

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Henri Feng
Docteur en histoire de la philosophie

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