Lois anti-casseurs : en marche vers Vichy ?

La France vit-elle une dérive autoritaire ? On peut se poser la question quand une ONG comme Amnesty International, dès le 17 décembre dernier, publiait un rapport titrant "Usage excessif de la force lors des manifestations des gilets jaunes". Quand Christophe Castaner déclare, dans une interview, le 11 janvier, que "ceux qui viennent manifester dans des villes où il y a de la casse qui est annoncée savent qu’ils seront complices de ces manifestations-là". Des propos que l’avocat Marine Le Pen avait qualifiés de "nouvelle provocation verbale" et d’"ineptie juridique qui attente gravement à notre État de droit". Ineptie tout court, pourrait-on même carrément dire, si on prend la peine de relire attentivement les propos du ministre de l’Intérieur.

C’est fou, d’ailleurs, comme on devient vite complice d’un crime ou d’un délit dans le système intellectuel castanero-macronien : par exemple, vous êtes contre le traité d’Aix-la-Chapelle ? Vous voilà, subito, complice des crimes du passé ! Dixit Macron. Et, du reste, on peut se demander si la création d’une loi pour faire la chasse aux "fake news" - aux "infox", comme on dit désormais - ne relève pas de la même démarche intellectuelle : pour peu que l’on arrive à faire passer une opinion pour une fausse nouvelle, on arrivera bien à faire taire en amont les velléités d’opposition, tout comme Castaner essaye d’empêcher en amont les velléités manifestantes. Une sorte de principe de précaution qu'on voudrait voir appliquer par ailleurs : par exemple, pour lutter contre le terrorisme islamiste...

Et n’est-ce pas cette démarche, que l’on pourrait qualifier de dérive, que le député UDI Charles de Courson vient de dénoncer à l’Assemblée au sujet de la proposition de loi anti-casseurs ? Charles Amédée du Buisson de Courson ? Pas spécialement un gauchiste ! Ce député UDI de la Marne depuis 1993, bien connu pour ses prises de position contre la dérive de la dépense publique, se caractérise par son indépendance d’esprit et la rigueur de son jugement. Aussi, lorsqu’il s’exprime, sa parole porte. Le projet de loi sous les yeux, il lance dans l'Hémicycle : "Une autorité administrative [le préfet] va priver un individu de sa liberté de circulation et de manifester au motif qu’il y a une présomption - bon, on va lui interdire -, des raisons sérieuses de penser - qui apprécie les raisons sérieuses ? L’autorité administrative ! Bon, bah, allons-y ! -, de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public... Mais où sommes-nous, mes chers collègues ? C’est de la dérive complète. On se croit revenu sous le régime de Vichy. Mais oui, vous êtes présumé, par votre attitude, être résistant, donc on vous entaule. Voilà ! Par l’autorité administrative ! Mais où sommes-nous ? Mais réveillez-vous, mes chers collègues !" Propos qui ont, évidemment, soulevé le tollé dans les bancs de la majorité. Mais M. de Courson sait de quoi il parle car il sait d’où il vient : avec un père résistant et un grand-père, le marquis Léonel de Moustier (1882-1945), qui fut l’un des rares députés à avoir refusé les pleins pouvoirs au maréchal Pétain en 1940, qui s’engagea dans la Résistance, fut déporté et mourut des suites de sa déportation.

Qu’un député de haut lignage parlementaire, issu d’une famille dont les « preuves » sont incontestables, ose parler de « dérive complète » aurait peut-être dû interpeller « quelque part » les « petits marquis » de la Macronie au sujet de cette question des libertés fondamentales dans notre pays. Apparemment, non : le texte a été adopté par l'Assemblée. Mais l'on est rassuré : Castaner, qui s'y connaît, a dit qu'il "ne faut pas caricaturer".

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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