Livre : Recomposition. Le nouveau monde populiste, d’Alexandre Devecchio
Alexandre Devecchio, journaliste du Figaro en charge du FigaroVox, vient de publier, aux Éditions du Cerf, un essai très intéressant qui est consacré au populisme, ou plutôt aux populismes, tant il est évident que les mouvements dits populistes véhiculent des idées très diverses en dépit de ce qu’ils partagent (opposition aux élites, appel au peuple). L’auteur cite, à ce sujet, Pierre-André Taguieff : « Le populisme n’est ni une idéologie politique ni un type de régime. C’est un style politique, fondé sur le recours systématique à l’appel au peuple. Il se reconnaît en outre paradoxalement à l’indétermination et au syncrétisme de ses orientations. »
Mais n’est-ce qu’un style ? À ce sujet, le politiste Yves Mény a précisé de manière décisive la nature du populisme : « Le populisme naît lorsque le décalage entre l’offre politique et la demande populaire devient trop grand, lorsque les élites se révèlent incapables de prendre à bras-le-corps les problèmes qu’exprime la société, lorsque les frustrations démocratiques deviennent trop fortes. » Les mouvements populistes peuvent emprunter des idéologies très variées allant du libéralisme au socialisme en passant par le nationalisme. Celui de Bolsonaro est libéral tandis que celui d’Orbán est illibéral, celui de Podemos est socialiste tandis que celui de Salvini est nationaliste. Alexandre Devecchio écrit : « Les populistes de droite voient dans le peuple aussi bien une communauté civique que culturelle voire une réalité charnelle » tandis qu’« au contraire, pour les populistes de gauche à la Chantal Mouffe, le peuple est une communauté politique abstraite qu’il convient littéralement de “construire” ».
L’auteur consacre un chapitre à la démocratie illibérale de Viktor Orbán. Ce dernier a dit : « Une démocratie n’est pas nécessairement libérale. Quelque chose qui n’est pas libéral peut encore être démocratique… dans ce sens, le nouvel État que nous bâtissons en Hongrie est un État illibéral, un État non libéral », avant d’ajouter : « Cet État ne nie pas les valeurs de base du libéralisme, telles que la liberté et d’autres que je pourrais citer, mais il ne met pas cette idéologie au centre de l’organisation de l’État. » Effectivement, une démocratie n’est pas forcément libérale ; comme le pense Marcel Gauchet, pour lequel démocratie et libéralisme sont « deux principes qui ne s’articulent pas nécessairement et qui parfois même s’opposent », il n’y a rien de paradoxal dans cette affirmation.
De plus, s’il est certain que démocratie et république peuvent parfaitement s’articuler, républicanisme et libéralisme s’opposent sur le fond. Contrairement à ce que semble penser Viktor Orbán, la liberté n’est pas une invention libérale ; c’est aux républicanistes « classiques » (ceux d’avant 1789) que l’on doit la première idée de la liberté (celle qui irriguait déjà la république romaine antique), la liberté comme absence de domination (ou interférence) arbitraire, laquelle s’oppose fondamentalement à la liberté des libéraux ou liberté comme absence d’interférences. Et cette différence en forme d’opposition n’est pas qu’un simple problème de sémantique !
Orbán a bien compris que l’individualisme libéral était incompatible avec le « nationisme » ; il est, en fait, très proche des positions des néo-républicanistes communautariens.
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