[LIVRE] Les attentats politiques, quand le destin frappe… ou pas

Attentat de la rue Saint-Nicaise, le 24 décembre 1800. © CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris
Attentat de la rue Saint-Nicaise, le 24 décembre 1800. © CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris

Les attentats réussis ont marqué l’Histoire (Henri IV, JFK). Ils masquent le nombre plus considérable des attentats qui ont échoué, et dont les plus récents exemples sont ceux qu’a essuyés Donald Trump, le 13 juillet et le 15 septembre 2024 (sans compter un probable troisième, déjoué le 12 octobre). Tentant de démêler ce qui relève de l’enchaînement aléatoire de faits ou de l’implacable fatalité, de la chance ou de la malchance, Gilles Furigo se penche sur les assassinats et les tentatives d’assassinat de personnalités politiques ou religieuses (Baraka, Mareuil Éditions). Des entreprises livrées « aux caprices du destin ».

Policier au sein du Service des protections des hautes personnalités (le SPHP, qu’il a dirigé pendant deux ans), il est là dans son élément et c’est avec l’œil du professionnel qu’il raconte les faits. Deux assassinats fondateurs par l’impact qu’ils ont dans l’imaginaire occidental : ceux de Jules César et Henri IV. Tous deux avaient été avertis d’un risque, l’un par un aruspice, l’autre par son astrologue. Ils ont passé outre. Le destin a frappé.

Les chanceux et les négligents

Au XIXe siècle, l’attentat connaît une vraie banalisation. Au couteau succèdent les armes à feu et les « machines infernales », comme celle que les royalistes font exploser contre Bonaparte en 1800, « première attentat à la voiture piégée », précise Gilles Furigo, mais « une erreur d’appréciation concernant la combustion de la mèche entraîne un retard de quelques secondes ». Bilan : 22 morts… sauf Bonaparte. Avec Louis-Philippe, il est sur le podium des personnalités les plus visées du temps. Le roi échappe, par exemple, à un attentat en 1835 : encore une erreur de mèche de la part du fauteur, un républicain corse (Joseph Fieschi) - une « erreur » qui tue tout de même 18 personnes !

Abraham Lincoln n’a pas cette chance, assassiné dans sa loge au théâtre. Le garde du corps, déjà mal noté, quitte son poste à l’entracte pour aller boire un coup avec le cocher du président. John Wilkes Booth abat Lincoln d’une balle dans la tête (1865). Le Président français Sadi Carnot n’aura pas davantage de chance lorsqu’il croisera la route, à Lyon, de l’anarchiste Caserio qui le poignarde (1894). Aucune réflexion ne sera menée sur la défaillance de la sécurité présidentielle, remarque l’ancien directeur du SPHP, permettant l’assassinat d’un deuxième Président français : Paul Doumer, en 1932, avec une sécurité « laissée au hasard ».

Des conséquences souvent inattendues

Le XXe siècle connaît une diversification des motifs, que ce soit, écrit l’auteur, « le meurtre révolutionnaire vertical », « l’action terroriste indépendantiste » ou « le meurtre politique » pour menacer ou négocier. Il y en a de terribles par les conséquences : de l’attentat de Sarajevo naît la Première Guerre mondiale. Et il y a « la chance du diable », celle d’Hitler à Munich en 1939 qui, à cause du brouillard, prend le train au lieu de l’avion et modifie son emploi du temps. De quelle nature était la chance de De Gaulle ? Lui aussi échappera à trois attentats, autres tentatives déjouées. Et puis, il y a le bon ange qui veille sur Jean-Paul II, le 13 mai 1981.

À propos de la tentative du 13 juillet contre Donald Trump, nous ne connaissons pas encore la vérité, avertit l’auteur : « Le récit immédiat, avec ses déformations et ses manipulations, prend le pas sur la vérité qui jaillira de l’enquête du FBI », laquelle devra répondre à des questions précises, en particulier sur ce toit de hangar laissé sans surveillance alors qu’il était « un point vulnérable ». Il en va de même pour beaucoup d’attentats, sinon tous : il y a une différence entre les faits, connus à l’issue d’une longue enquête, et la mythification de l’événement. De nos jours, cela laisse largement place au complotisme - l’attentat contre JFK restant indépassable, dans le genre.

Fatalité, baraka, providence sont impossibles à démêler. Une seule constatation fiable : même quand ils réussissent, les attentats ont rarement les conséquences espérées par les criminels. Elles peuvent être inexistantes, moindres que ce qu’ils espéraient ou bien pires.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 02/11/2024 à 13:09.
Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

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