Il est vêtu d’un costume gris, d’une cravate grise sous ses cheveux gris, d’une chemise bleue et d’un masque bleu. Ce 19 janvier, Vincent Bolloré fait face, seul derrière un bureau nappé de rouge, à une quinzaine de sénateurs, toutes tendances confondues, dans le cadre d’une audition sur la concentration dans les médias. D’autres grands patrons de médias sont convoqués, bien sûr, mais personne ne s’y trompe : c’est bien lui, Vincent Bolloré, le mets de choix. Il est, en particulier, la cible du sénateur PS David Assouline, le rapporteur de cette commission. Un sénateur très préoccupé par un modeste grain de sable de l’empire Bolloré : la petite chaîne CNews, une des quatre chaînes d’information françaises, qui pèse vaillamment 2 % de part d’audience nationale des télévisions en France en 2021.

Mais voilà, on entend, entre autres, à l'antenne de cette chaîne d'opinion des propos de droite. Infâme. Il faut donc frapper à la tête. Bolloré incarne tellement la figure du méchant patron de droite ! Dès les premiers mots, le sénateur David Assouline évoque la concentration des médias et embraye : « Vous êtes devenu un acteur important de cette concentration. » Il énumère alors une interminable liste de médias propriété de Bolloré où l’on trouve, comme à la Samaritaine, de tout petits médias aussi politiquement engagés que la chaîne CStar (!), de grands médias comme Europe 1, des groupes comme Universal (où Bolloré détient une participation minoritaire) ou encore le groupe d'édition Hachette. « Pourquoi constituer cet empire médiatique ? », demande le sénateur Assouline. Bon élève, Bolloré tente d’expliquer que le groupe Vivendi qu’il contrôle fait face à de petits concurrents du secteur qui s’appellent Disney, Netflix, Amazon ou Apple, mais on voit bien qu’Assouline n’écoute pas. Ce qui l’intéresse, ce ne sont pas les milliards, c’est cette maudite petite chaîne. « Notre intérêt n’est pas politique, idéologique, il est purement économique, plaide Bolloré derrière sa table rouge. Sur l’information, nous sommes minuscules. »

David Assouline met alors les deux pieds dans le plat. « Personne ne jetterait la pierre à une réussite économique, dit-il. Mais nous sommes dans le domaine où se façonne l’opinion et le domaine de l’information est fondamental pour que les citoyens soient informés de ce qui se passe et se fassent des opinions. La liberté et l’indépendance sont fondamentaux (sic). La télévision est très prescriptrice d’opinion. » Donc, la télévision, ce n’est pas pour le méchant Bolloré. Il poursuit, David Assouline, dénonce une certaine brutalité dans la prise en main des médias : i>Télé devenu CNews (décidément), mais aussi Europe 1 et le JDD. Il a vu l’arrivée d’une « ligne idéologiquement très marquée » sur CNews, bien sûr. Cela lui déplaît. Il a même détecté à l’antenne « des idéologies mises au banc de la République depuis la Libération ». Diable ! Pour lui, avant, c’était mieux car « on ne tenait pas de propos racistes et homophobes sur les antennes ». Voilà l’affaire. On s’en fiche, que cet entrepreneur français de génie soit parti d’un groupe en faillite de 20 millions d’euros de chiffre d’affaires et 800 salariés pour en faire un fleuron industriel de 80.000 salariés et 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Tout cela n’a pas d’importance. Ce qui intéresse, c’est cette petite chaîne qui donne le micro à des gens de droite, dans le respect des règles du pluralisme, sous le contrôle de la justice et du CSA, mais c’est insuffisant. « Vous n’intervenez pas dans ces rédactions ? », interroge le procureur, pardon, le sénateur Assouline. Bolloré explique qu'il a autre chose à faire et précise, au passage, que la chaîne i>Télé, devenue CNews, a englouti 400 millions d’euros au cours de son existence. Selon nos informations, elle approche seulement de l’équilibre économique. Pour se défendre, il raconte l’histoire de sa famille, des résistants, des oncles qui ont débarqué en Normandie. Il se dit démocrate-chrétien. « J’aime mon pays et la démocratie », dit-il. Assouline ne désarme pas. Il a « lu », David Assouline, que Bolloré avait « fabriqué » un candidat à la présidentielle. « Personne ne croit que vous n’y êtes pour rien », assène-t-il. Et il interroge. « Est-ce que le racisme et le négationnisme sont des valeurs démocrates-chrétiennes ? » Zemmour écrit des livres publiés par d’autres, travaille pour le groupe M6 (Paris Première) et au Figaro, se défend Bolloré, mais « c’est quand il est sur CNews que ça pose problème. Personne ne savait qu’il serait candidat à la présidence de la République ! » Il a bien rencontré lui-même Zemmour, demande encore Assouline. Oui, Bolloré a déjeuné avec lui, une fois.

L’interrogatoire du capitaine d'industrie a des petits relents de Chine populaire, d’URSS de la belle époque ou de Corée du Nord. Un sénateur socialiste, dans le pays des droits de l’homme, se préoccupe de la liberté d’opinion. On en frissonne un peu. Surprise ou scandale ? Bolloré est reparti libre.

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19 janvier 2022 à 21:16

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62 commentaires

  1. Assouline finira-t-il comme son mentor politique Béria ? Il n’y a rien de plus dangereux en politique que ses amis supposés. Demandez à Béria

  2. Et si le même Assouline convoquait DRAHI ou Perdriel?
    Non, je rêve, mais si un sénateur de droite avait le courage de convoquer ces deux là et tant d’autres qui font vendre la vilaine soupe woko-stalinienne.
    Les citoyens de droite en ont marre de devoir payer redevance et publicité pour entendre le nauséabond discours de gauche.

  3. Bravo à Monsieur Bolloré de mettre un peu de pluralité dans les intervenants sur les chaînes dans lesquelles il en a le pouvoir.

  4. Le comportement d’assouline démontre bien que la liberté d’expression est réservée à la bien pensance , les autres doivent la fermer , c’est ce qu’est devenu la gauche .

  5. Trotskiste depuis le lycée, le camarade Assouline… Belle carrière de pourrisseur avec notre argent !

  6. Heureusement que l’on a encore des Vincent Bolloré …!!!
    Vous vous imaginez la vie avec des « procureurs » tels ce chariot ps Assouline…!!!?????

  7. ce Assouline etait il aussi indigné quand le ps et ses satellites faisaient l’opinion que l’une etait laboure de sauvetage des députés ps non réélus,que son sos « racisme » avait été creé de toutes pièces par Mitterrand et que la gauche se sucrait avec les rétro commissions de travaux publics?

  8. Mes impôts n’aident pas les médias de Mr Bolloré. Par contre, ceux-ci font vivre les gens de France-Inter ! De plus, avec cet argent qu’ils me volent depuis x années, ils me crachent dessus !!!

  9. Dans ce pays on n’aime pas les « gagneurs » par jalousie, mais bien souvent par manque d’ambitions personnelles, ou de fénéantise tout simplement, on se complet dans ce que l’on est ! Les chantres de cette détestation sont en général la « gauche caviar » et les personnes d’extrême gauche. C’est un peu fait ce que je dit pas ce que je fait, hurle avec les loups !

  10. Grâce à M. Assouline, cette audition de Vincent Bolloré (très digne dans la tourmente de ce qui prit vite la forme d’un interrogatoire) a la plupart du temps ressemblé à un procès en Chine ou en Corée du nord ! Il fallait s’y attendre. Dés lors, comment s’étonner que la France de droite, ulcérée, ne progresse pas ? Merci M. Assouline, qui ferait mieux de chercher à comprendre pourquoi et comment, chaque soir, à l’heure de Praud, CNews bat BFMtv ?

  11. Que monsieur Assouline s’occupe de son PS qui peine à rassembler 3% d’électeurs. Il faut interdire à l’enfant de constater que le roi est nu !

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