L’exercice Orion : retour d’expérience pour une reconstruction militaire d’urgence

ORION

Je me souviens d’avoir participé à des manœuvres de la 15e DI contre un ennemi dit « Orange », à la fin de la guerre froide. Sur la place d’armes, à l’aube du rassemblement, les absents étaient remplacés par des chaises en plastique. Le comptage fait, le régiment embarquait ses troupes d’appelés, qui dans les VAB (blindés légers), qui dans les TRM (camions) ; et les Jeep™ de la section d’éclairage et d’appui filaient au vent de Saône… Avec pragmatisme, nos stratèges d’alors fixaient les bornes du jeu : nous n’avions déjà pas, dans ces contre-attaques fictives, la maîtrise du ciel !

On vient aujourd’hui vanter, à juste titre, les qualités de l’exercice Orion. « Il s'agit d'un exercice à grande échelle pour démontrer la capacité française à entrer en premier sur un théâtre d'opérations et en intégrant d'autres alliés », explique le général de division Le Nen, commandant pour les opérations interarmées. Soit ! Nos jeunes soldats des troupes de contact sont motivés et leur professionnalisme reconnu dans le monde. Le matériel qu’ils utilisent devant les caméras du ministère des Armées est celui qui fonctionne. Mais…

La guerre saharienne a montré les limites de notre potentiel : mes amis, qui ne sont ni politiques, ni stratèges étoilés, mais combattants qui en reviennent, m’ont tous fait part de leur inquiétude face au vieillissement du matériel, aux pannes à répétition subies, à l’état critique constaté d’un parc aérien souvent en maintenance, pour moitié, des aéronefs engagés !

Alors, bien sûr, devant l’échec de Barkhane et devant le constat d’une usure tous azimuts et d’une grogne montante des servants de la muette, des mesures de récupération et de rattrapage sont en cours. Citons (exemples concrets) les 364 blindés Serval commandés par la Direction générale de l’armement, dont 70 réceptionnés en 2022 - 38 de moins, cependant, par rapport aux plans initiaux par contrainte des répartitions budgétaires - ou la rénovation de 18 patrouilleurs maritimes ATL 2, prévue d’ici à 2024, dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025.

La boucherie en action en Ukraine, sur un front plus grand que la France, avec ses dizaines de milliers de morts et blessés présumés, ses équipements en tout genre détruits, ses millions de déplacés, réveillerait-elle les consciences sur nos faiblesses mortelles ? En janvier dernier, Emmanuel Macron dévoilait les grandes lignes de la future LPM 2024-2030. Entre 410 et 420 milliards d'euros devraient être investis dans l’outil de défense, d’ici la fin de la décennie. Tiendrons-nous le cap ? En aurons-nous le temps matériel face aux imprévus de l’Histoire ?

Et Orion ? Qu’en est-il des effectifs et moyens engagés ? C’est, en chiffres 7.000 militaires français et otaniens, missionnés pour deux semaines de crapahut, environ 2.300 véhicules, dont 400 de combat, 40 hélicoptères et une centaine de drones, près de 130 aéronefs, 30 bâtiments de mer, dont le Charles-de-Gaulle, en soutien, et deux porte-hélicos. Pas exactement une paille au vu de notre savoir-faire et des technologies de l’Ouest. Surtout, un message otanien de détermination atlantique envoyé à Moscou ; en l’état peu nocif, mais qui n’est pas que symbolique.

Difficile, toutefois, de comprendre l’intérêt et le moyen, pour nous, d’entrer « en premier sur un théâtre d'opérations » éventuel de Centre-Europe quand la quantité de nos stocks de munitions pour faire face à ce défi reste un « secret-défense » inquiétant. Mais si ce type d’exercice médiatisé répond aussi à la prise de conscience, par nos dirigeants et nos stratèges, qu’il nous faut retrouver une capacité à nous défendre en restaurant le drill d’accoutumance à la guerre « de haute intensité », c’est tant mieux.

Pierre Arette
Pierre Arette
DEA d'histoire à l'Université de Pau, cultivateur dans les Pyrénées atlantiques

Vos commentaires

30 commentaires

  1. Macron n’est pas «  chaud » pour envoyer des chars lourds français en Ukraine . Raison officielle ne pas s’engager trop et envenimer la situation..la vraie raison c’est que ABC détient en tout et pour tout 200 chars Leclerc en état de combattre …. »c’est là qu’est l’os hélas » aurait dit Bourvil

    • 200 ? Êtes vous sûr ? Ayant servis sur blindé, j’ai passé plus de temps à l’entretien qu’à l’utilisation du matériel. Et si 200 il y a, pendant combien de temps ?

  2. Pour la première fois depuis des siècles, nous avons la chance de n’avoir aucun ennemi déclaré à nos portes qui justifierait la conduite d’une guerre de haute intensité. Les Russes n’ont pas les moyens d’envahir ne serait-ce que la Pologne ou la Roumanie. On ne voit pas pourquoi on devrait faire la guerre à la Chine: aucun de nos intérêts existentiels n’est en jeu. Les antagonismes se règlent d’abord par la diplomatie. C’est ce que les dirigeants américains oublient, eux qui attisent des guerres et se servent de sous-traitants de l’OTAN à cet effet.

    Dans ces conditions, alors que la France est ruinée et surendettée, rappelons le, la sagesse commande de ne pas se faire embarquer dans des guerres qui ne sont pas les nôtres, et entretenir le savoir-faire militaire et industriel, de manière à monter en puissance, si d’autres menaces (mais lesquelles?) devaient se préciser. Aujourd’hui, avec le peu de moyens qui restent à l’État, il est plus important de construire des centrales nucléaires que d’augmenter de manière significative le format de nos armées. Quant aux OPEX en Afrique, c’est du passé, et fort heureusement. Nous n’avons pas à intervenir dans des guerres tribales maquillées en lutte contre le terrorisme.

  3. Les ptis loups,souvenez vous de Churchill. Arrivé au pouvoir il a commandé tous les hurricanes et spits que l’industrie a pu produire.manquaient les pilotes. Il sont passés à un cheveu de l’occupation allemande et ce grâce à la versatilité d’hitler Les français n’avaient pas réagi l’es allemands ont récupéré des chars somua en panne d’obus et d’essence. Pouvu que l’histoire ne remette pas le couvert. On a même pas de munitions.

  4. le bricolage des matériels de l’armée ne sont pas nouveaux, déjà à l’époque de madame Alliot Marie ministre de la défense de 2002 à mai 2007, nos militaires faisaient des miracles pour faire tourner les camions hélicos avions bateaux, grâce à leurs savoir faire on a maintenu un semblant d’armée prête, le budget servant seulement de variable d’ajustement pour d’autres comme la culture. Voilà donc 16 ans minimum de destruction à petit feu de notre armée, et nos soldats n’y sont pour rien, les politiques (voir macron qui a viré le général De Villiers parce qu’il voulait un vrai budget) se foutent de notre armée, et jouent les ravis de la crèche quand ils envoient 3 chars à l’Ukraine réparés à la hâte pour faire « cadeau » et le genre « on a les moyens ». Je comprends le ras le bol des soldats. Il y a 50 ans en 1972 j’étais appelé à Berlin, nous étions vêtus proprement, mais comparé aux allemands de l’Est qui avaient des vêtements pour supporter les – 20 l’hiver, nous étions une armée napoléonienne en déroute, eh oui en plus notre casernement était le quartier Napoléon, ça ne s’invente pas.

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