Lettre ouverte à Madame Schiappa : les conneries, ça suffit !

dîner de cons

Madame la Secrétaire d’État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes,

Admirative de votre engagement comme secrétaire d’État, je suis particulièrement touchée par votre lutte contre les termes outrageants : « enc… » est insupportable, pas seulement pour les homosexuels, mais pour tous les adeptes de la sodomie, cette pratique qu’une intolérance religieuse archaïque stigmatise.

Sur cette lancée, et devant le succès de votre croisade (pardon pour ce mot abject), ne devriez-vous pas étendre votre lutte à un autre terme, encore plus violent, encore plus immonde, qui vise tout un chacun ?

Il s’agit naturellement de c... Je ne vais pas jouer plus avant les mijaurées et j’assumerai donc le terme. Traiter quelqu’un de « con », n’est-ce pas humilier d’abord toutes les femmes dont le sexe – que nos féministes actuelles s’attachent à décrire, montrer, enseigner, glorifier, dont nous devons être fières autant que les hommes de leur b… – est ainsi exposé au mépris ? Je fais moi-même amende honorable, car j’ai usé et abusé du terme, mes amis connaissant bien mes deux formules : « Les cons volent bas » et « Il y a la même proportion de cons partout, des polytechniciens aux derniers des sans-dents », sans m’en exclure bien entendu, puisqu’il y a des cons par intermittence, et de subtiles distinctions entre « pauvre c... », « sale c... », « p’tit c... », « vieux c... », « méchant c... », chacun de nous ayant un catalogue de références dans chaque catégorie.

Et que dire des nombreux dérivés ? Évidemment, un féminin, en général précédé de « pauvre », « pauvre conne », ce qui est un comble puisqu’un masculin désigne l’organe féminin alors qu’un féminin (voir plus haut) désigne l’organe masculin. Et les « conneries », hélas trop nombreuses partout et émises par des « connards ou des connasses », bien entendu. Lesquels « déconnent » surtout dans les stades de foot en traitant les autres d’« enculés » – ce qui nous ramène à notre point de départ !

On nous dit parfois que le sens originel, qui vient du latin cunnus (la vulve) et qui désignait au sens figuré un prostitué, a donné le nom médiéval du lapin, connil, parce qu’il creuse des trous (ne serait-ce pas plutôt parce qu’il est « chaud » ?). On dit aussi que la référence au sexe féminin est de moins en moins présente à l’esprit des locuteurs modernes. Soit. Reste que le sens vulgaire a partie liée avec la bêtise, avec des formes diverses de mauvais comportements et que s’il n’avait plus rien de sexuel, il n’aurait pas un tel succès, il ne serait pas aussi répandu, naturel, si l’on peut dire. Qui peut se vanter de ne l’avoir jamais dit, alors que nombre d’entre nous peuvent jurer n’avoir jamais traité un homme d’enc…, ce terme qu’à juste titre vous proscrivez et interdisez aux supporte(u)rs d’utiliser.

Dans cette louable entreprise, ne devriez-vous pas aussi viser les rappeurs qui usent fréquemment des expressions les plus injurieuses qu’ils peuvent trouver ? Imaginez que, dans les stades, les supporte(u)rs excités et imaginatifs, biberonnés au rap depuis l’enfance, s’abritent derrière ces chants infâmes pour hurler leur homophobie et leur mépris des femmes. L’alibi artistique suffirait-il à les protéger ?

Voyez, Madame la Secrétaire d’État, la tâche est rude, mais à la hauteur, je n’en doute pas, du courage et de la conviction dont vous nous administrez tous les jours la preuve.

Note : dans mon dos, j’entends cette remarque: « Tu oublies dans ton catalogue qu’on est toujours le con de quelqu’un. »

Olga Le Roux
Olga Le Roux
Professeur

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