Les fonctionnaires qui occuperont pendant cinq ans un poste en Seine-Saint-Denis, département qui fait office de repoussoir de la République, recevront une prime importante (10.000 €). Cela concernera les nouveaux arrivés, mais aussi ceux qui sont actuellement en poste quand ils auront cumulé ces fameux cinq ans de résidence. Cette prime coûtera, au total, 15 millions d’euros et concernera tous les personnels de la fonction publique d’État (enseignants, policiers, magistrats, juges ou greffiers).

Jusque-là, un tiers des magistrats se renouvelait chaque année dans le département, tandis que 60 % des enseignants sont des professeurs tout juste titulaires du CAPES ou de l’agrégation que l’on envoie exercer dans un contexte très difficile. En général, ces « sacrifiés » n’ont qu’une hâte : demander le plus rapidement possible leur mutation. C’est cette logique que le pouvoir veut casser en adoptant cette prime.

Ce nouveau dispositif fait partie d’une batterie de 23 mesures d’un plan d’urgence annoncé le 31 octobre 2019 par Édouard Philippe et destiné à améliorer la situation dans la Seine-Saint-Denis. Ce département est une poche de précarité ; 28,3 % de la population serait en dessous du seuil de pauvreté, chiffre toutefois à relativiser, vu l’importance de l’économie souterraine. On peut être un dealer prospère et, faute de revenus officiels, toucher le RSA.

Jean Castex s’est rendu au commissariat de Saint-Ouen, vendredi dernier, en pleine zone de reconquête républicaine, euphémisme qui désigne un territoire où l’autorité de l’État a disparu. Le Premier ministre voulait ainsi mettre en exergue l’arrivée de 25 policiers supplémentaires à Saint-Ouen et de 25 à La Courneuve. 50 officiers de police judiciaire arriveront dans les prochains jours, tandis que 50 autres les rejoindront en 2021. M. Castex est allé, ensuite, au tribunal de Bobigny pour constater l’avancée des travaux de rénovation (qui se termineront en 2025 seulement). On a créé, pour ce tribunal, 35 postes de greffiers et 12 de magistrats. Enfin, le Premier ministre avait réuni élus et acteurs locaux dans la cité radieuse de Pantin, pour discuter de la suite à donner à ce premier plan d’urgence (bien que ce genre de réunion soit le plus souvent stérile). Mais il a dû partir précipitamment du fait de l’attentat près des anciens locaux de Charlie Hebdo.

On ne peut guère critiquer ces initiatives. Stabiliser les équipes de professeurs ou de policiers est un objectif louable et la prime semble suffisamment conséquente pour susciter des vocations. Mais il ne faut pas attendre de miracles de ces mesures, beaucoup d’enseignants continueront de fuir le 93, tant il est difficile d’y enseigner et que l’argent ne fait pas tout. Le nombre de policiers restera sans doute insuffisant pour assurer une présence policière visible. En revanche, l’augmentation des moyens de la Justice permettra peut-être de liquider le stock important d’affaires en souffrance au tribunal de Bobigny.

On peut craindre que ce plan ne soit qu’un pansement sur une jambe de bois, mais que faire ? Il est facile de déplorer, agir est plus compliqué.

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28 septembre 2020 à 16:43

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