Les pierres brûlées
Notre-Dame n’est pas Notre-Dame du vivre ensemble. Ni Notre-Dame du peuple. C’est une cathédrale consacrée à la Vierge Marie, mère de Notre Seigneur. Et nous sommes en terre de France.
Le feu du ciel est tombé sur la flèche, créant la sidération. Mais si le feu détruit, il purifie aussi. À la veillée pascale, ne jette-t-on pas dans le feu, sur le parvis, les rameaux de l’an passé pour le feu nouveau ? Et si ce feu qui a ravagé Notre-Dame passait nos pensées au creuset du fondeur ? Notre-Dame n’était-elle pas devenue trop souvent un lieu de passage où des hordes de touristes bruyants, débarqués des cars, faisaient des forêts de bâtons hérissés d’écrans ? Que de fois la remarque en fut faite aux gardiens qui répondaient que, sans ordre, ils ne pouvaient rien faire. Des fidèles quittèrent Notre-Dame à cause du sans-gêne des touristes, et le denier du culte s’en ressentit.
À entendre les propos des uns et des autres, il semble qu’on ait oublié ce qu’est la culture. Nous ne sommes pas dans une utopie de bons sauvages. Bien sûr que le sacré ne dépend pas seulement du lieu et des rites. Un enfant, en danger de mort, peut être baptisé par la personne chrétienne la plus proche de lui : Isaïe ne dit-il pas que nous sommes tous « prêtres, prophètes et rois » ? Il n’empêche que, dans l’Ancien Testament, Yahvé demande à David de lui construire une demeure pour y séjourner dans la gloire et l’honneur. À l’Épiphanie, les mages déposent, au pied de l’enfant, ce qu’ils ont de plus précieux : la myrrhe, l’or et l’encens. Culte et culture ont même étymologie. L’eucharistie n’a pas à être célébrée à la sauvette ni sur des cagettes.
Après en avoir fait un hippie, on fait du Christ un miséreux, né sur de la paille, sous le souffle des bêtes. C’est oublier que Marie « enveloppa son fils premier né dans des langes » - avec quel soin ! -, qu’elle et Joseph sont revenus chez eux après la fuite en Égypte, que Joseph était charpentier et que la tunique du Christ, tout d’une pièce, était d’une grande qualité. Quant aux Béatitudes, ce serait le comble du cynisme que d’y voir l’apologie du dénuement ! Le Christ dirait : Heureux êtes-vous d’êtres pauvres car vous serez comblés après votre mort ! Quel cynisme ! Bien plutôt, le Christ s’adresse à ses disciples, les affamés du Royaume, qui l’accueillent - pauvres ou riches - et souffrent pour lui. Ce feu tombé du ciel, avant-hier, nous apprend à renoncer à l’idolâtre de décalquer, à partir de nos fantasmes, le visage de Dieu. Et de retrouver sa transcendance
Il y a quelques années, un grand architecte, Fernand Pouillon, écrivit un livre magnifique : Les Pierres sauvages. Ce récit, écrit par le maître d'œuvre du Thoronet, est une réflexion passionnée sur les rapports entre l’architecture, la beauté, l’homme et Dieu. Et la Provence y respire de toute la foi de ses pierres.
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