Ou bien les journalistes n’y comprennent rien, ou bien ils s’estiment incapables d’exposer ce sujet en intéressant leurs lecteurs, ou bien encore ils redoutent que cette information fasse peser un discrédit supplémentaire sur le cannabis, qui rendrait impossible sa légalisation. Ce serait insupportable pour ses consommateurs (et le monde des médias n’en est pas exempt), ce serait insupportable pour ceux qui en attendent des retours sur leurs investissements (épaulés par des représentants du monde des médias qu’ils ont subverti), ce serait insupportable aussi pour ceux qui misent sur cette drogue pour la déconstruction de notre société ou pour permettre cette régression économique que certains écologistes appellent de leurs vœux (le monde des médias en est infiltré). Quoi qu'il en soit, force est de constater que les médias font le « black out » sur les effets épigénétiques du cannabis et de son tétrahydrocannabinol/THC.

Ne pensez pas « c’est nouveau, ça vient de sortir », il faut un certain temps pour que cela soit porté à la connaissance du public. La publication princeps du groupe de Y. Hurd (Addiction Institute of Mount Sinai, N.Y.) date de 9 ans déjà ; depuis lors, plusieurs autres émanant d’autres équipes ont suivi. L’importance des effets épigénétiques du cannabis justifie les efforts de compréhension que la lecture de ce qui suit va requérir.

L’acide désoxyribonucléique (ADN), constituant majeur de nos gènes (présents dans le noyau de nos cellules), correspond aux nombreux caractères qui nous sont propres (génotype). Le plan de chacun d’eux est copié, en tant que de besoin, en un acide ribonucléique messager (ARNm) qui quitte le noyau. Dans le cytoplasme de la cellule, l’ARNm atteint des organites - les ribosomes, qui le traduisent en associant des acides aminés, dans l’ordre précis qu’il indique ; ainsi s’édifie une protéine, qui correspond ou contribue à un caractère déterminé.

L’enveloppe de chaque gène est formée de protéines particulières, les histones, sur lesquelles des facteurs de l’environnement, parmi lesquels des toxiques, dont le tétrahydrocannabinol/THC du cannabis, peuvent greffer certains radicaux chimiques (méthyles, acétyles...) qui sont à l’origine de modifications épigénétiques (c'est-à-dire se situant au-dessus de l’ADN du gène). Elles affectent l’intensité avec laquelle l’ADN sera copié en ARNm et, ainsi, elles modifient quantitativement l’expression du gène (qui se trouvera soit réprimée ou, au contraire, activée). Ces modifications peuvent affecter le caractère exprimé (c’est à dire le phénotype).

Il a été montré que des individus en âge de procréer qui exposent leurs gamètes (spermatozoïdes ou ovules) au THC transmettent à leur éventuelle progéniture, par un mécanisme épigénétique, une vulnérabilité aux toxicomanies (liée à une diminution de l’expression du gène codant les récepteurs dopaminergiques D2). Il en va de même si la maman consomme du cannabis pendant sa grossesse. La consommation de cannabis par les futurs parents peut aussi modifier, chez leur progéniture : sa réponse au stress, son aptitude à apprendre, ses défenses immunitaires, sa vulnérabilité à certaines affections psychiatriques (anxiété, dépression...), voire la survenue de l’autisme, selon une très récente publication. La consommation de cannabis par la femme enceinte peut conduire à des malformations fœtales (effets tératogènes). Toujours par un mécanisme épigénétique, la consommation de cannabis par l’adolescent peut être à l’origine de cancers, d’affections psychiatriques, de troubles cognitifs…

Quand les médias sauront qu’un certain nombre de leurs lecteurs sont informés des effets épigénétiques du cannabis, qu’ils en parlent autour d’eux en s’étonnant de leur mutisme, il faudra qu’enfin ils les fassent connaître à un large public. Une course de vitesse est engagée entre la diffusion de ces informations majeures et la légalisation du cannabis. Dans un esprit de salubrité publique, nous devons nous mobiliser pour gagner cette course afin d’empêcher une légalisation dont on sait qu’à terme, elle serait catastrophique !

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21 juillet 2020 à 16:26

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