C’est un fait désormais indiscutable. La délinquance, après avoir envahi nos villes dès le début des années 1970, s’empare maintenant de nos campagnes. Et les tendances observées, ces toutes dernières années, n’ont rien de conjoncturel. Elles sont lourdes et sans appel. Ainsi l’année 2020 sonne-t-elle définitivement le glas de l’idée reçue selon laquelle nos villages seraient épargnés par la violence et le crime. Force est donc de constater que l’arrivée de la délinquance de masse en milieu rural fait basculer la France dans une criminalité endémique, c’est-à-dire forte, durable et omniprésente.

C’est en zone gendarmerie que les augmentations les plus significatives sont observées. Avec plus 8 % de hausse des violences, toutes catégories confondues, alors qu’une diminution de 5 % a été enregistrée en zone police, le milieu rural se révèle tel qu’il est en train de devenir. Un espace où la sécurité échappe peu à peu à tout contrôle. Et les augmentations, dans certains départements, se révèlent particulièrement spectaculaires. Il en est ainsi en Ille-et-Vilaine, où les violences progressent de 20 %. Ou encore en Gironde, où leur progression est de l’ordre de 15 %.

Corrélativement, les professionnels observent, dans notre pays, une baisse généralisée des atteintes aux biens mais une hausse tout aussi généralisée des atteintes aux personnes. Ainsi, entre 1984 et 2000, les condamnations pour vols et recels ont baissé de 33 %, alors que celles pour coups et blessures volontaires ont augmenté de 37 %. Bien plus, ces mêmes condamnations pour violences sexuelles (toutes catégories confondues) ont progressé de 84 % !

Ces chiffres, déjà fort inquiétants, sont pourtant loin d’être le reflet de la réalité. Dans une société où les habitants se résignent à vivre dans l’insécurité, les dépôts de plaintes pour les délits mineurs, et en particulier les petites atteintes aux biens, sont de moins en moins nombreux. Il faut bien reconnaître que se déplacer pour dénoncer une infraction dont on sait qu’on ne retrouvera jamais les auteurs n’incite guère à faire une démarche qui, loin d’apaiser un traumatisme, va au contraire l’aggraver. Par ailleurs, les services de police et de gendarmerie, dépassés par le nombre des affaires et des procédures de plus en plus lourdes et complexes, n’ont plus le temps de se consacrer à ce genre de délits. C’est donc le champ libre qui est laissé aux malfrats qui savent pertinemment qu’ils ne risquent quasiment plus rien.

Le gros des efforts des forces de l’ordre s’est donc tourné vers la lutte contre les violences. Il est vrai que les éléments permettant d’identifier les coupables sont, en général, plus faciles à rassembler. En effet, des liens entre les protagonistes sont souvent avérés et permettent ainsi une répression plus efficace. Par ailleurs, la Justice est plus encline à poursuivre ce genre d’infractions plutôt que celles dont on sait qu’elles ne déboucheront que sur des sanctions dérisoires.

Cette installation durable de la criminalité en France procède également de la disparition progressive des commissariats et des brigades de gendarmerie du cœur de nos campagnes. Pour renforcer les zones urbaines et périurbaines, nos gouvernements successifs qui, parallèlement, diminuaient le nombre des policiers et des gendarmes ont démuni toute une partie du territoire, le livrant de ce fait à des délinquants qui ont vite compris tous les bénéfices qu’ils pouvaient en retirer.

La reconquête sécuritaire de notre territoire national nécessite, par conséquent, aujourd’hui, un traitement de choc. Ce traitement doit passer inévitablement par la réinstallation, là où c’est nécessaire, de policiers et de gendarmes. Cela passe également par le retour à des sanctions dissuasives et la réhabilitation de la peine de prison comme sanction centrale de notre système pénal. Il est, en effet, intolérable qu’un individu puisse comparaître des dizaines de fois devant un juge sans jamais passer par la case prison. Il faut également favoriser l’implication des polices municipales dans la lutte contre l’insécurité. Ainsi, armement généralisé et compétences judiciaires élargies doivent être étudiés sans attendre. Enfin, les modes de coordination et de coopération entre les différentes composantes de la sécurité intérieure doivent évoluer pour être adaptés à ces nouveaux enjeux sécuritaires. Sans ces mesures d’urgence, ce ne sont pas quelques dizaines de quartiers qui échapperont aux lois de la république mais bien notre pays tout entier.

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20 janvier 2021 à 8:29

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