Bertolt Brecht a dit, dans son poème La Solution (Die Lösung): « Après l’insurrection du 17 juin, le secrétaire de l’Union des écrivains fit distribuer des tracts dans la Stalinallee. Le peuple, y lisait-on, a par sa faute perdu la confiance du gouvernement et ce n’est qu’en redoublant d’efforts qu’il peut la regagner. Ne serait-il pas plus simple alors pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d’en élire un autre ? »

Adieu, Berlin-Est, bonjour Capitole ! Nous assistons, depuis quelques jours, à l’amorce d’une excommunication massive du peuple trumpiste. Pourquoi ? Parce que le trumpisme était beaucoup trop grand pour Trump. Par une sorte d’acte manqué, obsédé par sa personne, ce dernier a inconsciemment ou consciemment sabordé, ce 6 janvier, le futur de son propre mouvement, ne supportant pas d’avoir été sorti du jeu. L’éviction de Donald Trump confirme aussi, contrairement à Xi Jinping ou Poutine, qu’il n’est pas un homme d’État.

Trump s’est contenté de compter sur le peuple pour surmonter quatre années de coup d’État rampant. Les leaders russe et chinois ne se seraient pas laissés surprendre à l’issue de crises identiques : ils auraient renforcé leur pouvoir. Car, comme me le disait récemment un ami philosophe, le pouvoir des temps moderne n’est plus dans le peuple. Le pouvoir, c’est la synergie des courroies de transmission, des satellites, du front de classes assis sur une idéologie claire, d’une équipe solidaire en nombre suffisant, avec une caste implacablement prête à prendre le pouvoir. Avis aux amateurs !

Trump, Spartacus admirateur de la richesse, s’est fait avoir par la ploutocratie, qu’il a effectivement et efficacement terrorisée, détruisant un édifice patiemment mis en place de Bill Clinton à Barack Obama ayant pour résultat l’enrichissement des riches assorti de la prolétarisation des classes moyennes occidentales, sans ménagement aucun. Instinctif, il a su capter ce phénomène, et surtout le désocculter, le désenvoûter, créant un immense espoir parmi les desperados qui se sentaient soudain en droit d’exister sans honte.

Qui a vécu par Twitter périra par Twitter ! Trump a dû sa première élection aux médias sociaux ; sa carrière et celle des trumpistes seront anéanties, ostracisées, effacées par ces mêmes réseaux sociaux. Cela vaudra non seulement pour des positions publiques, mais pour des emplois privés. Il n’est pas de jour sans que les grands médias ne parlent de rééducation, de sortir des canaux les chaînes de télévision ou de radio suspectes. Peu à peu s’instaure un débat sur la mise en place d’un système de crédits sociaux à la chinoise.

Et si le peuple devra « regagner la confiance du gouvernement », Trump sera civiquement mis à mort, financièrement ruiné à payer des avocats pour éviter d’être incarcéré par une prochaine cascade d’inculpations à répétition. Une excommunication sans Canossa possible. Car non, ce n’est pas « la gauche » qui a battu Donald Trump, c’est la ploutocratie technétronique hypnotisée par la Chine. Un cartel soutenu à la fois par la droite et la gauche, par Wall Street, par la bureaucratie, par les troupes de choc dites « révolutionnaires » qui font le jeu de la superclasse mondiale, bref, c’est l’übercapitalisme qui a terrassé Trump. Il serait temps de réaliser que nous sommes au 21e siècle, celui de la fusion du capitalisme avec le marxisme. Il n’y a, désormais, plus de gauche ni de droite, il y a « ceux d’en haut » et « ceux d’en bas »...

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20 janvier 2021 à 9:03

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