Les cartes des résultats électoraux de ce premier tour de la présidentielle traduisent, de manière spectaculaire, le clivage entre les « mondialisés », les ruraux et les habitants des banlieues. Plusieurs éditorialistes et commentateurs de la vie politique y voient le début du « face-à-face » que craignait Gérard Collomb. Les ruraux votent massivement pour Marine Le Pen et Éric Zemmour, les banlieues pour Jean-Luc Mélenchon et les villes pour Emmanuel Macron.

Les électorats ne se croisent presque plus et se méprisent souvent. Certains journaux, comme Le Parisien, recensent les communes où « l’extrême droite » obtient plus de 50 % des voix au premier tour. Le quotidien rapporte également que la candidate du Rassemblement national arrive en tête dans plus de 20.000 communes en France, soit presque 1.000 de plus qu’en 2017. Les régions où elle est en tête sont les mêmes qu’en 2017 : une grande partie du nord de la France, dans les Hauts-de-France, dans le Grand Est et en Bourgogne. Marine Le Pen prend aussi de l’avance en Corse, le long de la Méditerranée et notamment dans le Var où quasiment tout le département lui est acquis (30,6 %).

Mais, mis à part quelques exceptions comme Toulon, les 20.000 communes où elle arrive en tête sont très majoritairement des communes avec peu d’habitants.

« Nous sommes les oubliés de la mondialisation et de la politique publique »

Boulevard Voltaire a interrogé François, agriculteur dans l’Yonne, pour essayer de comprendre pourquoi la France rurale vote majoritairement pour le Rassemblement national ou pour Éric Zemmour. Il y a pour lui deux raisons. La première, c’est que « les petits gars de la campagne sont attachés charnellement à leur terre, explique François. Leur pays, c’est le travail de leurs parents, leur travail, ils y mettent toute leur énergie et leur argent. Il n’y a pas de pays sans paysan, ajoute-t-il. Plus on travaille dans un endroit, plus on s’y attache, viscéralement. » C’est ce qui explique l’opposition à la gauche déconstructrice et bobo écolo qui vient, à l’instar d’Hugo Clément, faire la morale à ceux qui travaillent dur pour nourrir le pays.

La deuxième raison, nous explique François, est que « d’un point de vue économique et d’un point de vue des services, il y a chez nous un sentiment d’abandon très fort ». Les exemples sont nombreux, et certains très parlants : « Pour acheter des chaussures, il faut faire une heure de route pour aller à Auxerre, raconte notre agriculteur. Pour aller accoucher, il faut faire 50 kilomètres de voiture : les accouchements au bord de la route arrivent plusieurs fois par an. Dans le département voisin, la Nièvre, la dernière maternité a fermé parce qu’il n’y avait plus assez de sages-femmes. Ces cinq dernières années, les horaires de la poste ont diminué de moitié », poursuit-il. « Nous sommes les oubliés de la mondialisation et de la politique publique, estime cet agriculteur. Nous payons nos impôts, mais nous n’avons pas de services. Ça me révolte ! On a l’impression d’être des sous-citoyens. Quand un Éric Zemmour dit qu’il veut prendre soin des campagnes, ça nous parle. On se sent beaucoup plus considérés par Marine Le Pen que par Emmanuel Macron. »

Qualifier cette France d'« extrême droite » est emblématique de la scission électorale de notre pays. Une preuve de l’ignorance et du mépris des élites mondialisées qui, pétries d’une idéologie bien-pensante, s’accordent le droit de disqualifier par un quolibet la souffrance d’une grande partie du peuple français.

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13 avril 2022 à 20:22

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43 commentaires

  1. les campagnes ne sont pas les oubliés de la mondialisation, elles en sont les victimes : la diminution des services est tout à fait organisée (il n’y a qu’à regarder la réforme de l’éducation nationale qui ne peut que faire fermer les écoles de village) . il y a une volonté de pousser les habitants à quitter les villages (que l’on pousse par ailleurs à ser regrouper en grosses communes) pour les villes.la fermeture des hôpitaux de proximité est une volonté de nuire

    1. A ce sujet le programme d’Eric Zemmour allait totalement vers la résurrection des petites villes et villages.

  2. Le témoignage de cet agriculteur est criant de vérité. Merci Mr Chevallier.

  3. Je peux témoigner que ce clivage ne date pas d’aujourd’hui , simplement vous ne vous en étiez même pas aperçu !

  4. Pas qu’une question de scission électorale: il s’agit de la volonté d’une partie de réduire l’autre au silence, de l’éradiquer du champ politique. Ce ne sont pas seulement des gagnants de la mondialisation: ils sont aussi – la plupart à leur corps défendant – des soutiens du mondialisme qui relève du politique et pas seulement du développement des échanges. Ce mondialisme promeut la disparition des Etats nations et celle de la classe moyenne, le contrôle de la population massée dans les villes..

  5. Cette fracture de la France, les politiques s’en moquent dès lors qu’ils occupent leurs sièges électoraux !!! Quelques mouvement de grève et ils reprennent leur confortable place.
    Et l’état enfle, c’est cet énorme millefeuille tout comme le modèle social devenu ruineux. Même si notre président représente bien l’ancien monde, le nouveau monde est bien loin encore; A moins de nous infuser la mondialisation, la société multiculturelle et multiraciale. Bien des français s’y oppose par leur vote

  6. Cela montre l’égoïsme des citadins,pourvu que leur petit train de vie marche bien,ils se foutent bien de la provenance de leur nourriture,de leur bien être.Pauvre France.

  7. Et nous le devons avant tout aux médias et à tous les assistés et rentiers de la République qui coulent des jours heureux en ville sur le dos des contribuables. Alors que dans ces mêmes campagnes, plus de services publics ni services de santé et plus grave pour un AVC il faut parfois faire près de 100 Km pour trouver un Hospital ! trop tard .. Faire + 50 km en voiture pour travailler, les emmerdé qui payent lourd pour gaver tous les fainéants et la grande vie de la République et des Villes.

  8. Des trois parties de la nation selon l’article, celle qui nourrit les deux autres est la moins bien rémunérée, la plus nationale et la plus vraie (aurait dit le Maréchal).

  9. Ben voyons, il faut bien stigmatiser ces « campagnards » s’ils ne veulent obéir au politiquement correct de cette classe politique de copains coquins, hue les baudets, fermez vos gueules et dans les rang s’il vous plaît de cette république des corrompus.

  10. Ainsi est traitée la ruralité qui nourrit les bons à rien des hautes administrations. Ils sont souvent d’autant plus stupides qu’on leur a appris (à l’ENA) qu’il étaient les plus intelligents, puisqu’ils ont le concours, et avaient de ce fait le droit de commander des gens  »qui ne sont rien ».

    1. le « concours », souvent « pistonnés ou recommandés » ! J. DELORS l’a bien sous-entendu dans son bouquin « changer »

  11. Dans ma ville (approximativement 10000 âmes), Marine arrive en tête avec plus de 28 %. C’est du jamais vu ici en haute-Garonne ! Le maire (gauche) en a même « oublié » de publier les résultats !

  12. Et cela ne risque pas de s’arranger si Macron est réélu ! Car il fera payer encore plus à la France rurale son vote contre lui. Je confirme que dans nos petits villages, Marine Le Pen arrive en tête, comme il y a 5 ans ! Sans que rien ne change, ou plutôt alors que tout empire ! Prix de l’essence pour la moindre course, connexion internet lamentable avec Orange qui n’entretient plus ses lignes (le moindre appel est coupé plusieurs fois), plus de médecin, plus de kiné, plus de petits commerces !

    1. En 2021 nous sommes restés du 13 Juillet au 26 août sans aucune connexion (un camion avait arraché 2 poteaux. Après les dizaines de réclamations nous sommes passé en WiFi mais les câbles ne sont toujours pas reconnectés. et le serveur exigeait une sommes avoisinant 200€ (abonnement retard etc.).

    2. La France rurale est la première victime, mais les villes suivent puisque le désir de notre Président est de détruire la France, il vend les fleurons de notre industrie et nos « savoir-faire », il détruit le système de santé, la police (quand il ne la dresse pas carrément contre la population, sauf évidemment dans les quartiers de non-droit), en fait, une véritable catastrophe et on en redemande.

  13. On ne peut pas garder une poste ouverte pour 5 clients par jour surtout dans un contexte de dettes publiques. La solution est de repeupler les campagnes. Changer de mode de développement. La télé travail est une des pistes mais c’est insuffisant.

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