Le perchoir : un tremplin pour Braun-Pivet ?

Capture d’écran
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Avec la mise en majorité relative des partis de gouvernement et une opposition en majorité absolue, l’Assemblée nationale est redevenue un haut lieu stratégique du pouvoir après avoir été, pendant des décennies, une banale chambre d’enregistrement. Traditionnellement assimilé à un poste à la fois prestigieux et sans issue, le perchoir sis au milieu de l’arène du palais Bourbon est à nouveau au centre de l’ambition politique. Et sa présidente catapultée parmi les plus puissants personnage de l’État… avec, paradoxalement, une marge de manœuvre politique inédite. « Elle fait beaucoup de médias, on voit qu’elle a la dalle », maugréait un cadre de la majorité dans les colonnes du Parisien. Et surtout une belle carte à jouer.
 
Yaël Braun-Pivet : une ambition à peine cachée

Elle détonne par son style. Dans un long et passionnant récit, le journaliste du Figaro Loris Boichot dresse un portrait intéressant de celle qui préside au palais Bourbon. La novice en politique (elle y a fait son entrée en 2017) de 52 ans a fait ses armes en présidant la commission des lois pendant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Le poste lui a valu les foudres de l’opposition puisqu’elle a été à la manœuvre pour sauver l’exécutif pendant l’affaire Benalla. Un épisode qui lui a valu des inimitiés dans l’opinion mais qui lui a, à coup sûr, tanné le cuir. En tout cas, elle ne cache pas son ambition pour 2027. De quoi faire enrager à l’Élysée, qui voit d’un mauvais œil cette émancipation progressive d’une Braun-Pivet qui parvient assez finement à afficher sa loyauté tout en mettant en scène une vraie indépendance politique. « Elle joue la carte de la femme libre et non partisane avec beaucoup de finesse », analyse un spécialiste de la communication politique. « Ses petites démonstrations d’autorité en sanctionnant tel ou tel député lui permettent d’asseoir sa légitimité. » Sa relation avec le RN est d’ailleurs symptomatique de ce style personnel. N’hésitant pas à sanctionner les députés Grégoire de Fournas et Alexandre Loubet avec une sévérité qui ferait passer l’arbitre de football Collina pour un hippie, elle tresse quelques jours plus tard les louanges de son vice-président Sébastien Chenu (RN) dans Le Figaro. Dans le portrait de Loris Boichot, elle enfonce le clou : pour la présidente de l’Assemblée nationale, les députés RN de Marine Le Pen « nous montrent qu’ils travaillent, qu’ils sont présents, avec un leadership clair. Ils sont redoutables. À l’avenir, le combat contre le RN doit être mené sur le fond, pied à pied. »

Un positionnement qui rompt avec la diabolisation dont Emmanuel Macron a usé et abusé.

Le perchoir : l’ultime heurtoir ?

Ils sont nombreux à s’y être cassé les dents. Si le perchoir permet de dominer, il fait aussi de vous une cible privilégiée. Ainsi, que ce soit Bernard Accoyer à l’époque de Nicolas Sarkozy, Claude Bartolone à l’ère Hollande puis, encore plus symptomatique, François de Rugy et Richard Ferrand sous l’ère Macron, tous ont tiré, avec la présidence de l’Assemblée nationale, un trait sur leur carrière politique. Si François de Rugy en a fait un bref tremplin ministériel dont un homard aura suffi à l’écarter, Richard Ferrand a donné à ce poste les atours d’une sorte d’enregistreur en chef, usant de son pouvoir pour piétiner l’opposition. Une attitude régulièrement dénoncée comme pleine de morgue par ses opposants qui, alliée à la multiplication des affaires, lui a coûté une défaite aux élections législatives de 2022 et l’a condamné à hanter Le Bourbon (la brasserie en face, autre lieu stratégique de pouvoir) plutôt que le palais du même nom.

La pluralité des groupes à l’Assemblée nationale a des allures de cauchemar pour la majorité mais pas pour la présidente. Certains construisent un barrage républicain pour repousser l’opposition, elle en fait un tremplin pour se hisser au-dessus de la mêlée. Comme souvent, la route vers le pouvoir est une affaire de volonté, parfois de violence, mais elle est surtout un savant mélange de dosage et de chance.

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

Vos commentaires

20 commentaires

  1. Dans la Macronie elles sont nombreuses à rechercher une place dans la pyramide. Cette présidente de 52 ans a réussi grâce à Jupiter. tant mieux pour elle parce qu’en 2027 son maitre ne sera plus en place pour distribuer les places. Elle a une chance peut-être au RN puisqu’elle reconnait le bon travail de ce groupe. En politique la trahison a fait le bonheur de certains LR/PS.

  2. Comme d’autres, dès qu’ils arrivent à gravir un échelon en politique, d’un seul coup leurs chevilles se mettent à enfler et la tête aussi….et comme cette dame est un tantinet psychorigide, elle ne tiendra pas la route très longtemps

  3. Certes, mais concernant Richard Ferrand, cela n'(empêche pas qu’il a reçu un magnifique lot de consolation en étant nommé à la tête du port de Marseille (avec quelle compétence pour cela ?), et fait chevalier de la Légion d’Honneur (avec quel mérite ?). Macron ne se gêne pas pour faire du favoritisme.

    • La Légion d’Honneur, je n’en voudrais même pas, pour ce qu’elle représente aujourd’hui…la Légion d’Horreur… À refuser!

  4. Elle se fait plus remarquer par son rôle de maîtresse d’école que par sa hauteur de vue et une autorité naturelle qui inspirerait le respect.
    Comme ses maîtres, elle navigue à vue et ses zig zag sont parfois désopilants !

  5. Elle a un atout remarquable (comme Elisabeth Borne) , être une femme. Elle est avocate, ce qui est sans doute un atout pour une présidente de l’Assemblée nationale davantage que pour un garde des Sceaux. Elle est issue d’une famille juive d’Europe de l’es (comme Elisabeth Borne) ce qui la met à l’abri d’accusations d’antisémitisme et la rend compatible avec les réformes sociétales critiquées par l’Eglise Catholique et chères à Macron. Son mari travaille à l’Oréal, pas dans les éoliennes ou un laboratoire pharmaceutique. Peut-être qu’elle n’aime pas le homard ! Elle a su montrer son hostilité au Rassemblement National, mais sans doute est-elle un peu trop indépendante pour la macronie. A suivre … quo non ascendat ?

  6. Elle a un comportement de gamine quand elle est dans un bureau de vote (où incidemment je vote également). Et s’il venait l’idée à un journaliste de trouver un sujet susceptible de ternir un peu sa réputation, qu’il aille enquêter autour d’un permis de construire qu’elle a semble t-il obtenu étrangement pour sa résidence principale. J’dis ça, j’dis rien…..

  7. En clair, une bonne macronienne qui, comme son mentor, souffle le chaud et le froid en même temps. Pas vraiment la bonne technique pour réussir à fédérer les Français semble t-il.

  8. Aucune autorité naturelle. Ce n’est pas une « CHEF ». Une petite crise d’autorité de temps en temps, c’est tout ce que je vois !

  9. L’assemblée nationale n’est pas comme le bon vin avec l’âge elle ne se bonifié pas bien au contraire. Dans le temps les députés élus étaient des vrais politiciens pas des arrivistes de la dernière heure au profit d’un gagnant qui favorise l’embauche. Cette assemblée est factice face à un gouvernement qui agit sur les grands sujets qu’à coup de 49/3 démontrant ainsi sa faiblesse à débattre pour s’imposer systématiquement telle une dictature. Où est la démocratie là dedans ? C’est devenu une machine inutile, une simple chambre d’enregistrement.

  10. Bof cette dame ne m’impressionne pas .Elle prend partie ce qui n’est pas dans son rôle et on voit que ses dents rayent le parquet.

  11. Voilà ce qu’est un bon politicard, faire tout et son contraire. En somme leur sincérité ressemble au crotale.

  12. Moins d’intérêt personnel et plus d’attention au peuple, ça ne serait pas mal non plus. Pour ce qui est de la « punition » infligée à G. de Fournas, elle ne l’honore pas.

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