Le pacte de Pap et ses briques : pactole ou piège à profs ?

professeur

Au commencement, il y a le mot. Le pacte. Et là encore, comme Georges Michel pour les « Cent-Jours », on se demande quel degré d'inculture règne dans les cabinets ministériels. Notre ministre est pourtant normalien et agrégé d'histoire mais il faut croire que celle-ci n'a commencé pour lui qu'à la décolonisation. Pacte ? Comme le pacte germano-soviétique ? Ou plus littéraire, mais guère plus rassurant, comme pacte avec le diable ? En effet, dans un pacte, on est deux : celui qui le propose, en général en position de force, et celui qui l'accepte, plus ou moins contraint. Ou dupé. En fait, on y est souvent trois : ceux qui seront tenus en dehors, et contre qui ledit pacte est conclu. Un syndicat peu soupçonnable de gauchisme ou de macronisme, le SNALC, titrait, il y a un mois, dans sa revue, La Quinzaine universitaire : « Le pacte des loups ».

De quoi s'agit-il donc ? Commençons par un peu de hors-sujet : à côté du « pacte » que chaque enseignant choisira de signer ou pas, il y a le « socle », inconditionnel, pour tous : un doublement de la prime ISOE (indemnité de suivi et d'orientation des élèves). C'était un minimum. Pour ceux qui pensent encore (mais il y en de moins en moins, comme il y a aussi de moins en moins de candidats aux concours, d'ailleurs...) que les enseignants sont des nantis : 1.250 euros bruts par an pour les réunions parents-professeurs, les conseils de classe, les appels et les rendez-vous avec les parents.

Certes, 3 milliards au total, dont 1,9 pour le doublement de la prime, ce n'est pas rien. Mais, au regard de la dégradation salariale continue depuis trente ans et de l'inflation qui bat son plein depuis deux, redisons-le : c'était un minimum.

Alors, le pacte ? Sa philosophie est celle de Nicolas Sarkozy : travailler plus pour gagner plus. À croire qu'Emmanuel Macron est bien en panne d'idées et qu'il ne se rend même plus compte que faire du Sarkozy aujourd'hui, c'est être très à contretemps, comme l'a montré sa réforme des retraites. Concrètement, les enseignants qui accepteront des missions supplémentaires (coordonnateur, référent culture ou informatique, etc.), en signant le pacte, bénéficieront de cette augmentation conditionnée.

Vous attendez la réponse à la question du sujet : alors, ce pacte, pacte ou pactole ? Pactole, certainement pas. Ce sera, au maximum, 3.750 euros bruts par an. Au maximum, c'est-à-dire pour qui aura accepté les trois briques (encore un mot bien choisi, des briques à 1.000 euros par an...), donc trois grosses missions supplémentaires.

Alors, le pacte serait-il un piège à profs ? En quelque sorte. En effet, pour le ministère, la priorité dans le secondaire, c'est la question des remplacements de courte durée : et ce sera la première brique du pacte, obligatoire à accepter pour qui le signera ! Selon Le Monde, « à partir de septembre, les chefs d’établissement disposeront d’un nouveau logiciel leur permettant de voir chaque jour quels enseignants sont disponibles pour remplacer un collègue absent », ceux qui auront signé ledit pacte ! Et ainsi, votre enfant se retrouvera avec tel ou tel professeur dans les « trous » de son emploi du temps. Voici l'explication du ministre, et la réaction du journaliste Jean-Sébastien Ferjou :

Le ministre Gilles de Robien avait tenté le coup, il y a vingt ans, avec le succès qu'on sait. Une fois de plus, la philosophie d'Emmanuel Macron, c'est l'image, et l'opinion des parents : « On doit avoir des résultats sur le remplacement […] On ne peut plus laisser les parents d’élèves avec des enfants qui ont des heures non remplacées », a-t-il dit, jeudi, lors de son déplacement dans un collège de l’Hérault. Belle intention. Mais si l'on creuse sous cet « absentéisme » des enseignants, on trouve (la Cour des comptes elle-même !) que les deux tiers de ces absences non remplacées dans le second degré viennent des convocations des professeurs par leur hiérarchie (formations, etc.) ! Un phénomène qui a explosé dans les lycées, cette année, avec le nouveau bac et ses épreuves de spécialité passées et corrigées en mars, ce qui a désorganisé tous les emplois du temps ! Emmanuel Macron essaie de réparer les dégâts causés par Emmanuel Macron.

Alors, oui, le pacte trouvera son public : 1.250 euros bruts par an pour la brique « remplacement » pour assurer 18 heures annuelles, beaucoup de collègues y seront contraints. D'autres, tout aussi contraints, pour continuer d'assurer leur brique 2. Et les chefs d'établissement héritent d'une nouvelle usine à gaz à gérer ! Sans compter les rivalités entre collègues. Décidément, l'Éducation nationale est fidèle à elle-même !

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

Vos commentaires

9 commentaires

  1. Le Pactole est une rivière turque qui charriait, paraît-il, des paillettes d’or. C’est aussi le nom du fils de Lolis et Leucothée qui avait abusé de sa sœur sans la reconnaître (un peu comme ce cher Emmanuel avec la France, en somme…) Quant aux pactes…Il y eut le pacte d’acier en 1938 entre Berlin et Rome, le pacte germano-soviétique, le pacte de Varsovie etc…etc…En revanche, la comparaison avec le « pacte des loups » ne tient pas : ce serait faire insulte à la bête du Gévaudan !

  2. Payer payer et. donner des primes …pour faire taire les gens et les contestations ..bientôt ils vont nous offrir des euros pour jeter nos casseroles ..pauvres gens qui nous prennent pour des imbeciles ..

  3. On est dans les derniers au classement Pisa, là, on va devenir la lanterne !!! Quelle honte ! Et encore Pap’ndaye annonce ces mesures avec sérieux…. Avant d être Ministre, il était spécialiste en vente de cacahuètes….

  4. Encore une usine à gaz qui va coûter un pognon de dingue en gestion plutôt que de profiter aux bénéficiaires de cette mesure d’opérette ! Mais nous sommes champion en la matière en France. On aimerait bien savoir combien coûte la gestion de la trentaine de régimes de retraites des privilégiés ? Combien d’économie pourrait-on faire si l’on réduisait à un seul régime de retraite, plus économe et, cerise sur le gâteau, plus juste ? On sait depuis longtemps que plus les mesures sont compliquées, plus elles sont vicieuses, plus il y a de possibilité de fraude, plus de parasites en profitent …. Et on se demande pourquoi in est le pays le plus imposé au monde et de loin pas le mieux loti en terme de services publics ….

  5. L’horizon du ministère de l’endoctrinement national s’assombrit de jour en jour, enterré sous des usines à gaz de plus en plus compliquées.

  6. La Macronie n’arrête pas de faire des progrès !
    Après 6 années de règne, elle peaufine sa perception des problèmes et sera bientôt prête à lancer un ambitieux plan d’actions.
    En attendant, les milliards sont distribués à tout va et le bénéfice de lé reforme des retraites est déjà bouffé.

    • Rassurez-vous braves gens, avec ce que l’on nous prépare encore pour (contre) la santé, il n’y aura plus de retraites à payer. Nous aurons tous été exterminés!

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