Le livre est un outil de liberté
Parmi les révolutions de l’humanité, de l’alphabet à l’imprimerie à Internet, de la charrue au vaccin, il en est une, oubliée, qui a bouleversé notre vie quotidienne : celle de l’édition. En février 1953, Henri Filipacchi, secrétaire de la librairie Hachette, lance, sur le marché, un livre au petit format, à petit prix : le livre de poche. Quel séisme ! Désormais, une aristocratie de lecteurs mène le monde. Un Balzac en poche, Baudelaire, Shakespeare, Dante pour sept euros ! Mesurons-nous, à son juste prix, notre bonheur d’être en relation avec les plus grands esprits de tous les temps, chez soi, dans le train, dans un aéroport, dans le métro ? Un livre en poche ? Le bonheur !
Selon une étude d’Ipsos pour le CNL (Centre national du livre), 86 % des Français ont lu au moins un livre en 2020, estimant que « la lecture leur permet d’être heureux et de s’épanouir dans leur vie ». La lecture : ce plaisir dans lequel nous nous réfugions dans nos petits malheurs. Le seul vice qui donne l’illusion de la vertu. Comme le dit joliment l’écrivain Valéry Larbeau : « Ce vice impuni, la lecture. »
On dira que, dans le métro, on ne voit guère de visages plongés dans Les Hauts de Hurlevent mais plutôt scotchés sur des écrans où défilent des mangas. Mais si les Français remplissent « leur panier » électronique, nombreux vont toujours chez leur libraire préféré. L’écran numérique n’a jamais vraiment concurrencé le support sobre, non fatigant, incitant à la réflexion et au rêve, qu’est le livre tenu en main, que l’on feuillette, écorne, commente, abandonne et reprend. Certes, la diminution du temps de transport a joué, en 2020, en défaveur du livre. Certes, le cannibalisme de l’image fait concurrence au livre. Certes, on n’empêchera jamais quelqu’un de se priver du profit et du bonheur de lire, mais ce qui importe, en ces temps sanitaires, est que la baisse de fréquentation du livre reste sur « un plateau » sans infléchir sa courbe. Même si un livre par an n’est pas suffisant !
À la différence de la culture sinistrée, le libraire a donc tiré son épingle du jeu. Il s’en est fallu de peu ! Mais enfin, on peut de nouveau toucher les livres, les prendre en main, lire la quatrième de couverture, céder à l’invitation de la première qui vous dit : « Prends-moi, je suis à toi ! » Et il y en a pour tous les goûts : actualité, roman, histoire, essai ! Sans oublier la poésie, idéale dans la poche. Une surprise de cette enquête ? Le marché de la BD, en recul. Sans surprise : les grands lecteurs demeurent des femmes.
Le livre est un bien essentiel. Dans un roman de Chrétien de Troyes, le chevalier voit une dame lisant à la fenêtre de son château. Les gisants de Fontevraud montrent Aliénor d’Aquitaine tenant un livre ouvert dans les mains. Les femmes qui lisent sont dangereuses, dit un titre de livre célèbre (Laure Adler et Stefan Bollmann). Pas seulement les femmes, mais tout lecteur. Car un livre est un outil de liberté.
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