Présidentielle et Covid : les dessous de la polémique LREM-Martin Hirsch
La journée du 2 avril a été marquée par les suites de la polémique entre certains députés macronistes et Martin Hirsch, le directeur de l'AP-HP. Le principal sniper macroniste fut le député LREM Florian Bachelier. Il a accusé, mardi, le haut fonctionnaire d'agir « quasiment » comme un « directeur de campagne » du maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo, faisant sien un argument populaire plein de bon sens : « La seule chose qu'a prévue Martin Hirsch, depuis un an, c'est de ne rien prévoir. » Ce à quoi M. Hirsch a répondu : « La seule campagne que je mène n'est pas politique, elle est sur le front sanitaire, avec les soignants, pour les patients. »
De nombreux membres de la majorité suspectent, en effet, M. Hirsch d'avoir été à l'origine de la tribune des directeurs médicaux décrivant une situation dramatique. Accusation qu'il a également rejetée. La polémique s'est poursuivie dans un échange de courriers révélés par Le Parisien où le directeur de l'AP-HP se dit la « cible d'une campagne de calomnie » et qualifie d'« affabulation complète » le soupçon de rouler pour Anne Hidalgo à travers ses pressions critiques sur l'exécutif : « Pensez-vous que le gouvernement laisserait à la tête de l'AP-HP un type qui aurait la tête tournée ailleurs pendant une crise de cette nature ? »
En pleine recrudescence de l'épidémie et à l'heure où un Emmanuel Macron, dos au mur, a annoncé un nouveau confinement, cela fait tout de même un peu désordre. Un signe de fébrilité de la part de la majorité qui, sentant la situation lui échapper, cherche un bouc émissaire commode et, somme toute, assez crédible dans le rôle ? Une façon, pour chaque acteur, de prendre date pour l'avenir et d'échapper aux inévitables règlements de comptes de l'après-crise ? C'est surtout l'un des éléments de la stratégie populiste d'Emmanuel Macron : moi le sauveur contre ces technos qui n'ont rien fait et qui veulent vous confiner drastiquement.
Mais l'existence même de cette polémique est un nouveau signe que l'épidémie a d'ores et déjà imprimé sa marque sur la prochaine élection présidentielle. Elle en a déjà changé la donne sans que l'on sache encore dans quel sens, les plaques bougeant forcément sous la situation d'iceberg figé du duel Macron-Le Pen, qui nous est donnée comme l'horizon indépassable de l'affaire. En effet, plusieurs signes, parfois étonnants, indiquent déjà que la situation sera encore plus imprévisible que lors des campagnes précédentes.
D'abord, il y a les conditions mêmes de tenue de l'élection et de la campagne : les dates seraient-elles respectées si l'épidémie n'était pas terminée ? À voir les débats sur le report des municipales, l'an dernier, et ces jours-ci, encore, sur celui des départementales et des régionales, déjà repoussées en juin, les conditions mêmes de l'élection vont devenir un sujet très politique, ce qui est nouveau dans l'histoire politique récente. Et l'on sait aussi que la pression de l'épidémie sur ces élections a été considérable en termes de participation : une abstention historique a installé des municipalités de gauche dans les grandes villes et lourdement handicapé le RN.
Mais l'épidémie a aussi révélé des tendances plutôt étonnantes de la part de la population - et, donc, de l'électorat. D'abord une sidération devant les annonces rituelles des membres de l'exécutif : aucun Président récent n'a rassemblé, à autant de reprises, autant de téléspectateurs qu'Emmanuel Macron. Une sidération qui s'accompagne d'une obéissance massive : les Gaulois réfractaires et les 66 millions de procureurs ne se sont pas révoltés et la cote de popularité du Président se situe à un niveau relativement élevé.
L'opinion publique ne semble pas, pour le moment, vouloir sanctionner les responsables de la gestion de la crise. Mais visiblement, ces responsables sont tout de même soucieux de l'apparaître moins que le voisin ex-petit camarade, comme le montre cette polémique révélatrice contre Martin Hirsch. Il serait peut-être intéressant qu'un débat sérieux sur ces responsabilités ait pourtant lieu un jour. Pourquoi pas lors d'un débat d'entre-deux-tours ? Et pourquoi pas avec un seul de ces responsables : tendance Macron ou tendance Hirsch, qu'importe ? Et, en face, un des 66 millions de procureurs. Ou une procureur.
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