L’Inde est la plus grande démocratie au monde (1.340.000.000 habitants). Elle est en proie à de violentes émeutes suite à l’adoption, par le Parlement, d’une loi facilitant la naturalisation des immigrants hindous, sikhs (religion syncrétiste entre l’islam et l’hindouisme), parsis (adeptes de l’ancienne religion de l’Iran), chrétiens, bouddhistes, et jaïns (leur culte, présent surtout dans le Deccan, pratique un véganisme total) victimes de persécutions dans trois pays voisins de l’Inde : le Pakistan, le Bangladesh et l’Afghanistan. Les réfugiés musulmans sont exclus des bénéfices de cette loi.

Jusqu’en 1987, l’Inde pratiquait le droit du sol comme actuellement en France. En 2004, les conditions ont été durcies : ne pouvaient désormais obtenir la nationalité indienne que ceux dont les parents étaient eux-mêmes indiens, ou ceux qui étaient nés sur le sol indien et dont l’un des deux parents était indien et l’autre un immigré non clandestin. La nouvelle loi permet donc d’assouplir ces conditions, pour les non-musulmans uniquement.

La question de la nationalité est cruciale en Inde, principalement dans les régions frontalières du Bangladesh. Ce pays est accusé de persécuter ses minorités hindoues (25 % en 1971, 9,7 % en 2019), chrétiennes et bouddhistes. Dacca dément ces discriminations, mais en 2012, le Bangladesh a connu de violentes émeutes antibouddhistes organisées par de jeunes musulmans ; de plus, les autochtones jummas (bouddhistes) ont été, selon leurs organisations de défense, victimes d’un génocide dans les années 1990 et expulsés de leurs terres ancestrales. Les États indiens de l’Assam et du Bengale accueillent plusieurs millions de réfugiés qui prétendent fuir les persécutions bangladaises. Le gouvernement régional de l’Assam a entrepris de vérifier la nationalité de tous ses résidents à partir de 2015. 1.900.000 habitants (principalement musulmans) de l’Assam n’ont pu prouver qu’eux ou leurs ancêtres habitaient cet État avant 1971 (date de l’indépendance du Bangladesh). Il s’agit,le plus souvent, de personnes aux faibles revenus, qui n’ont pas pu retrouver les papiers nécessaires. Les procédures d’appel ne sont pas terminées, mais près de 2 millions de personnes risquent d’être déclarées apatrides avant d’être expulsées vers le Bangladesh. Le BJP au pouvoir à New Dehli envisage d’étendre ce recensement à l’ensemble de l’Inde. En attendant, la loi récemment adoptée pour faciliter la naturalisation a été conçue en réponse à ce problème, mais uniquement en faveur des non-musulmans.

Cette loi, considérée comme raciste et injuste, a provoqué un tollé chez les musulmans et les défenseurs des droits de l’homme. Les heurts ont fait 6 morts et 200 blessés. La communauté musulmane de l’Inde est forte de 170 millions de membres (13 % de la population), contre 9 % lors de l’indépendance en 1947. Une partie des Hindous ont peur d’une submersion démographique et le parti au pouvoir le BJP joue sur ces craintes.

Les tribus locales de l’Assam refusent également que les réfugiés hindous venus du Bangladesh soient naturalisés. De violentes émeutes ont, pour cette raison, secoué le nord-ouest de l’Inde. Cette crise identitaire est profonde, multiforme et ne s’apaisera pas facilement.

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19 décembre 2019 à 8:35

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