Le fiasco de Biden dans le Golfe

Joe Biden

Le néant. C’est ainsi que peut se résumer le bilan de la visite du président Biden dans le Golfe. Certes, il a rencontré tout le gotha : les dirigeants des six États du Golfe (Arabie saoudite, Qatar, Émirats arabes unis, Bahreïn, Koweït, Oman) ainsi que ceux de Jordanie, d’Égypte et d’Irak. Mais le but principal de cette tournée proche-orientale était d’obtenir une augmentation de la production de pétrole afin de faire baisser les cours. Or, aucun engagement n’a été pris par les producteurs, Arabie saoudite en tête.

Pourtant, Biden s’était tranquillement renié pour tenter d’aboutir à ses fins. Pendant sa campagne électorale, il avait fustigé Donald Trump et son refus de condamner Mohammed ben Salmane après le meurtre de l’opposant saoudien Khashoggi. Il s’était engagé à traiter en « paria » le prince héritier.

Mais la hausse des cours du pétrole a entraîné une envolée du prix de l’essence et le consommateur américain gronde. À quelques mois des élections de mi-mandat, les perspectives ne sont guère réjouissantes pour les démocrates. De plus, la sénilité de Biden est de plus en plus voyante et sa cote de popularité très mauvaise. La médiocrité de la vice-présidente ne permet pas de remonter le courant.

D’où l’idée de cette tournée proche-orientale à usage aussi bien interne qu’externe : montrer aux Américains que le président préside toujours, développer le projet d’alliance militaire « défensive » entre le Proche-Orient sunnite et Israël face à l’Iran, enfin faire baisser les cours du pétrole.

Sur l’idée d’alliance militaire, l’échec est total. L’Arabie saoudite a indiqué froidement ne pas être au courant d’un tel projet et les Émirats arabes unis ont été plus cinglants encore en affirmant ne pas avoir l’intention de faire partie d’une quelconque alliance militaire. Le Qatar et le Koweït, quant à eux, entretiennent des relations cordiales avec l’Iran et n’ont pas du tout projeté d’envenimer leurs relations avec la grande puissance chiite. Le rêve américano-israélien d’une sorte d’OTAN moyen-oriental a donc bien peu de chances de déboucher.

Biden n’a rien obtenu sur le pétrole non plus. L’Arabie saoudite a indiqué qu’une décision serait prise le 3 août à la réunion de l’OPEP+. Et qui dit OPEP+ dit participation de la Russie. Biden doit donc manger son chapeau et attendre cette rencontre où les Russes joueront un rôle majeur. Très critiquée aux États-Unis, la rencontre avec Mohammed ben Salmane n’a donc débouché sur rien. Autant dire que les répercussions internes en vue des élections risquent d’être nulles voire négatives.

En réalité, le fond de l’histoire, c’est qu’on assiste à un rééquilibrage géopolitique. L’Occident semble ne pas vouloir comprendre que la plupart des pays arabes n’ont pas l’intention de se ranger derrière lui dans sa croisade antirusse. La neutralité semble être leur doctrine et il est peu probable qu’un revirement ait lieu. Après avoir mis l’Arabie saoudite de côté, pensant qu’elle n’avait plus besoin de son pétrole, l’Amérique réalise aujourd’hui son erreur stratégique, mais c’est un peu tard et les dégâts sont importants.

De leur côté, les BRICS retrouvent une seconde jeunesse. Cette alliance regroupant le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud multiplie les contacts et l’Iran frappe à sa porte.

Décidemment, l’opération russe en Ukraine est en train de provoquer un vaste basculement géopolitique. En se rangeant aux ordres de l’Amérique l’Europe a, une fois de plus, montré son incurie et sa lâcheté. C’est plutôt elle qui est en état de mort cérébrale.

Antoine de Lacoste
Antoine de Lacoste
Conférencier spécialiste du Moyen-Orient

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