Le 26 mars 1962 : 60e anniversaire du massacre de la rue d’Isly

Rue d'Isly

Attachons-nous à un moment fatidique de l’Histoire de France daté du 26 mars 1962 : le massacre de la rue d’Isly. Non pour sombrer dans le pathos classique, mais pour savoir ce qui s’est passé réellement et immédiatement après l’indépendance de l’Algérie entérinée par la signature des accords d’Évian et le « cessez-le-feu » qui s’en est suivi entre le gouvernement français et ses adversaires du FLN une semaine auparavant, le 19 mars.

Après les multiples déclarations pro-Algérie française du général de Gaulle depuis son accession au pouvoir en 1958 (« Je vous ai compris ! », 4 juin 1958 ; et une des plus révélatrices du double jeu gaulliste, parmi d’autres : « Moi vivant, jamais le drapeau du FLN ne flottera sur Alger », 27-31 août 1958, suivie quinze jours plus tard, de façon abjecte, le 16 septembre, par le référendum sur le droit des Algériens à l'autodétermination), il décide de régler le problème algérien dans un sens inverse de celui qu’il a promis. Considéré comme un traître, notamment parmi les Français d’Algérie, par une bonne partie de l’armée et des harkis, de Gaulle n’a pas réussi à faire oublier que la guerre avait été gagnée militairement par la France mais perdue politiquement par sa faute et celle de son état-major. L’Organisation de l’armée secrète (OAS) veille à organiser la résistance face à la duplicité et au parjure gaullistes.

C’est ainsi que le 22 mars 1962, onze soldats sont tués dans un attentat de l’OAS. L’armé rétorque à l’arme lourde dans le quartier de Bab El Oued, où se sont regroupés les activistes, en occasionnant plusieurs dizaines de victimes. Quatre jours plus tard, le 26 mars, une foule pacifique d’Européens, y compris des femmes et des enfants, se rend à Bab El Oued pour protester contre son bouclage par l’armée française. Dans la rue d’Isly, devant la Grande Poste, des tirailleurs algériens de cette même armée, sous le commandement d’un jeune lieutenant kabyle, se trouvent face aux manifestants. Éreintés par la fatigue et la fébrilité, ils ne savent plus à quel drapeau il faut obéir ? Un tirailleur lâche une première rafale. C’est alors le carnage qui commence et dure 12 minutes. Un homme crie, suppliant : « Halte au feu, mon lieutenant, un peu d’énergie, halte au feu… Mon lieutenant, criez je vous prie ! » Et d’entendre d’autres voix s’exclamer : « Halte au feu… » Malgré cette scène déchirante, on déplore plus de cinquante morts, dont deux fillettes de dix ans, et deux cents blessés. S’exprimant à la télévision le soir-même, le général de Gaulle ne parlera à aucun moment de ce drame, bien qu’il soit arrivé au pouvoir par eux et pour les servir.

Les départs de la grande majorité des Algériens de souche européenne, au nombre d’un million, font un choix qui n’en n’est pas un – « la valise ou le cercueil », selon l’ultimatum promis par le FLN - de s’expatrier en métropole. D’autres vont les suivre après le massacre d’Oran, le 5 juillet 1962.

Une date historique à retenir, le 26 mars 1962 : pour la première fois, des Français tirent sur d’autres Français.

S’il peut être salvateur de procéder à un droit d’inventaire historique, c’est-à-dire d’émettre une dilection particulière pour telles ou telles époques, périodes ou civilisations passées qui nous renseignent sur la vision du monde et la réalité événementielle qu’elles recouvrent, il faut récuser toute forme de concurrence des mémoires, de toutes les mémoires qui empêchent une nécessaire résilience pour le pays ! Oui à la provenance objective, non à la repentance sélective ! Raison pour laquelle la communication et le « pardon » de M. Macron concernant la fusillade de la rue d’Isly paraissent complètement bidon. Rappelons-nous le sens des nuances de ce dernier lorsqu’il évoquait « la colonisation comme un crime contre l’humanité ».

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Arnaud Guyot-Jeannin
Journaliste et essayiste

Vos commentaires

39 commentaires

  1. Bonjour à tous,
    Je me suis inscrit à cause de cette tribune, et je souhaiterais témoigner aujourd’hui de ce qui me déchire le coeur.
    Je suis Français, avec un géniteur Algérien. Je suis suffisamment patriote pour m’être engagé dans l’armée , chez les para.
    Je constate aujourd’hui que la république à souvent joué contre les intérets du peuple.
    Avez vous des livres à me conseiller pour mieux comprendre les enjeux d’antan car je ne sais toujours pas d’ou je viens et donc, qui je suis….

  2. En sommes nous encore à rabâcher tous les ans ces bien tristes événements, eh bien oui et fort heureusement, ne pas oublier, transmettre à nos jeunes que notre France n’a pas toujours été fortement arabisée comme elle aujourd’hui et que nos politiciens sont très loin d’être des gens de pleine confiance.

  3. Tout à fait d’accord avec « Dinausore », il convient de revoir le titre de l’article qui est de nature à faire diverger l’intérêt du récit .
    La sémantique pourrait allonger la liste !

  4. On ne peut pas dire que les médias font un tapage sur ce tragique événement, c’est vrai qu’il ne s’agissait que des manifestants pieds noir mais ce n’est pas la seule fois, il y a aussi la rafle par des algeriens des français le 5 juillet à Oran ((( on en reparlera certainement à cette date ))) ou la aussi l’armée Française n a pas bougé le petit doigt pour intervenir voilà c’était pour nous, la trahison sur trahison

  5. Je me souviens très bien de ce drame, j’avais 15 ans et on habitait sur les hauts d’Alger. Je voulais «  »aller à la manif » » et me disputais avec ma mère qui trouvait ça dangereux… le bruit des mitrailleuses a clôturé la dispute…

  6. Ce n’était pas, hélas la première fois que des Français tiraient sur d’autres Français! Il y avait eu avant, durant l’occupation, les miliciens de Darnand luttant contre les Résistants et se livrant à des exactions, pillages, meurtres contre la population civile! D’ailleurs l’ancien remplaçant de Jean Moulin à la tête du Conseil National de la résistance, Georges Bidault, avait rejoint les rangs de l’OAS. Il avait intitulé son livre de souvenirs paru en 1965 « D’une résistance à l’autre »!

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