Laurent Wauquiez se sent-il plus proche de Manuel Valls que de Sens commun ?

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Il y a, dans la vie politique, quelque chose des contes des Mille et Une Nuits : les histoires s’emboîtent les unes dans les autres, tandis que les politiciens exécutent, chaque matin, les idées qu’ils avaient épousées la veille. Dernier exemple : Laurent Wauquiez, qui veut "faire renaître l'espoir à droite". Souvenez-vous : en lançant sa campagne, au début du mois de septembre, il déclarait : "C’est fini de baisser la tête, c’est fini de se taire." On allait voir ce qu’on allait voir : la droite retrouverait ses valeurs ! 

On voit ! Au fur et à mesure que l’échéance approche, dans son ivresse de rassemblement, il se détache de ses convictions antérieures. Lui qui, en 2013, défilait aux premiers rangs de la Manif pour tous, réclamait à tue-tête l’abrogation de la loi Taubira, n’a plus pour ambition que d’empêcher toute remise en cause de la filiation et toute marchandisation du ventre des femmes. C’est déjà pas mal, direz-vous : mais pourquoi a-t-il tardé à adopter cette position ? Il n’est pas fragile des méninges, pourtant, ce cacique de plusieurs concours prestigieux. Serait-il atteint, lui aussi, de "girouettisme" ?

Ne voilà-t-il pas qu’il se démarque de Sens commun, dont le président est coupable – quel crime abominable ! – d’avoir fait un appel du pied à Marion Maréchal-Le Pen ? Une telle accointance mérite, à coup sûr, à défaut d’un divorce, qu’il mette les points sur les i. D’ailleurs, Christian Estrosi, dont chacun connaît l’irréprochable constance, vient de demander à Bernard Accoyer, secrétaire général des Républicains, d’exclure Sens commun et tous ceux qui affichent une proximité avec des mouvements fleuretant avec les idées d’extrême droite.

Non content de céder au chantage, Laurent Wauquiez aurait, selon Paris Match, envoyé un SMS d’encouragement à Manuel Valls après la parution d'un entretien au Figaro Magazine intitulé "L'islamisme, voilà l'ennemi". Ce qui est apparemment moins risqué que de s’afficher avec Sens commun, même si cette affirmation n’a pas l’heur de plaire à Jean-Luc Mélenchon : d’après des propos rapportés par Le Canard enchaîné, il aurait traité l’ancien Premier ministre d’"ordure", de "pauvre type", peut-être même de "nazi".

Il est vrai que, lorsqu’on compte dans ses rangs une députée qui estime qu’un agent de la RATP refusant de conduire un bus après une femme n'est pas forcément radicalisé, on peut se permettre de donner des leçons.

Pour en revenir à Laurent Wauquiez, il tombe dans le piège tendu à la droite depuis plus de vingt ans : si vous vous frottez au Front national, vous serez contaminé et mis en quarantaine. Sans doute pense-t-il que c’est son intérêt immédiat, mais on ne peut pas jouer longtemps sur les deux tableaux : se faire élire en séduisant une partie de l’électorat frontiste et cracher sur le parti de Marine Le Pen.

Il n’est pas sûr que le Front national soit plus sage, en ne mettant guère d’entrain à se rapprocher de l’électorat de droite. Tout seul, changeât-il de nom, il a peu de chances d’arriver un jour au pouvoir. La droite – la vraie droite, non pas celle qui ne reproche à Macron que de gouverner à sa place – pourra-t-elle triompher sans l’aide du Front national ? Inversement, le Front national ne peut l’emporter qu’en s’unissant à cette droite représentée par Nicolas Dupont-Aignan, Philippe de Villiers et une partie de l’électorat LR. Ce qui suppose l’acceptation de compromis.

Lorsqu’il était ministre, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, ses proches disaient de Laurent Wauquiez qu’il avait les dents longues. Il devrait prendre garde, dans son féroce appétit, de tomber sur un os.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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