Laurence Trochu, vous êtes présidente du Mouvement conservateur. Dimanche 26 septembre se tient, à Asnières, la Journée du conservatisme avec, à l’affiche, de nombreuses personnalités du monde médiatique et politique (Éric Zemmour, Mathieu Bock-Côté, Christine Kelly...), réunies autour de plusieurs tables rondes. Qu’attendez-vous de cette rencontre ? 

Cette rencontre est assez unique en son genre puisqu’elle réunit une trentaine d’intervenants de premier plan du monde médiatique, intellectuel et politique. Elle est le signe que la pensée conservatrice est en train de redessiner le paysage politique français. Le Mouvement conservateur est précurseur, depuis maintenant plusieurs années, pour convertir ce débat d’idées en réalité politique. Aujourd’hui, il est clair que l'élection présidentielle se jouera sur des thématiques conservatrices. Quand la menace sanitaire, économique, sécuritaire est omniprésente, chacun réalise ce à quoi il tient, ce qu’il veut conserver et transmettre.

Au-delà de la bioéthique, le clivage conservatisme/progressisme serait donc, selon vous, une grille de lecture pertinente pour aborder tous les grands sujets - sécurité, souveraineté, identité, écologie, santé, pouvoir d’achat… - de la campagne électorale ?

Certains se perdent et perdent du temps dans des castings et des compétitions d’ego. Le Mouvement conservateur s’est placé sur le débat des idées : nous avons déterminé des lignes claires qui fondent le socle conservateur. Elles s’inspirent d’une vision de l’homme et de la société qui sont à l’opposé du progressisme qui liquide et détruit au motif que ce qui est nouveau serait nécessairement un progrès. Mais notre rôle n’est pas d’être un think tank, nous sommes un parti politique. Nous avons décliné, l’année dernière, notre vision politique en propositions politiques très concrètes. Ce n’est pas une énumération de mesures exhaustives. Face à l’urgence à laquelle la France est confrontée, nous raisonnons en termes de priorités.

Nous avons ouvert la voie du conservatisme politique, qui en appelle au bon sens, à ce qui unit à la fois la bourgeoisie et les classes populaires : l’amour de notre pays, l’attachement à notre civilisation, la volonté de retrouver la confiance en l’avenir pour reconstruire ce qui a été détruit. Je pense particulièrement à l’école, la souveraineté juridique et politique, la famille, tout ce qui est à même d’apporter de la stabilité dans un monde qui danse sur un volcan !

Le conservatisme est pétri de réalisme quand le progressisme est un rêve béat pétri d’une croyance mortifère dans le changement pour le changement : réalisme face au risque que représente l’immigration, réalisme face au carcan que représente l’actuelle Europe pour notre souveraineté, réalisme face au fait que le travail et l’éducation ne sont plus au niveau pour reconquérir notre souveraineté économique.

Julien Aubert a suggéré, il y a quelques semaines, à la cantonade - ou pas -, qu’Éric Zemmour se présente à la primaire de la droite. Une galéjade ou une bonne idée ? Plus largement, quel est votre avis sur cette primaire ?

La primaire ou le congrès : du bruit dans la cuisine et un soufflé qui retombe ! Nous n’avons plus le temps de disserter sur le « comment », et ça n’intéresse pas les Français qui attendent depuis trop longtemps qu’un candidat de droite affirme une différence de nature avec le progressisme d’En Marche ! La question de cette présidentielle n’est pas tant de savoir ce qu’il faut inventer de nouveau que de savoir ce qui mérite d’être conservé ou restauré.

Quand vous entendez les discours des différents candidats, la rhétorique conservatrice est bien installée. Mais nous les interrogeons sur les moyens politiques qu’ils comptent mettre en place pour passer des paroles aux actes.

Comment comptent-ils arrêter le flux de l’immigration incontrôlée et les menaces que cela génère sans remettre en cause le droit du sol ? Comment comptent-ils retrouver notre souveraineté en gardant le statu quo par rapport à l’Europe ? Comment peuvent-ils faire des choix crédibles de protection de la nature en laissant détruire l'espèce humaine avec des projets transhumanistes ?

Éric Zemmour est un grand conservateur. Il a pris le temps de l’analyse et du diagnostic et cela lui donne l’audace de déployer des solutions qui s’attaquent aux racines des problèmes que nous avons sous les yeux. Je crois que sa force, comme ce fut le cas d’Emmanuel Macron, est de transcender les partis. Mais En Marche ! est une coquille vide, car Emmanuel Macron n’a pas su transformer l’essai et penser l’après-élection. Gagner ou perdre l’élection présidentielle n’est pas le seul objectif. Il faut ensuite avoir les moyens de gouverner en cas de victoire ou de faire vivre, en cas d'échec, une opposition forte et efficace, dans les hémicycles et, donc, avec des parlementaires. C’est aussi ça, le réalisme politique.

Propos recueillis par Gabrielle Cluzel

 

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23 septembre 2021 à 12:46