Guillaume Bernard : « Au lieu d’être le rassembleur de la droite, Zemmour pourrait apparaître, d’une certaine manière, comme en étant le fossoyeur »

Guillaume Bernard

Alors que la candidature d'Éric Zemmour semble se clarifier de jour en jour, de nouvelles questions se posent, aujourd'hui, aux électeurs de droite. Le potentiel nouveau candidat sera-t-il à même de rassembler un électorat, ne risque-t-il pas seulement de diviser les voix, retirant toute possibilité de victoire à la droite ?

Le politologue Guillaume Bernard propose son analyse sur le sujet.

 

Depuis plusieurs années, on annonçait cette campagne présidentielle comme une redite de 2017, un duel Macron-Le Pen sans grande surprise. Visiblement, la surprise est de taille puisque le mystère de la candidature d’Éric Zemmour se lève au fur et à mesure. Selon vous, la candidature d’Éric Zemmour à la présidentielle est-elle crédible ?

 

Je crois qu’elle est parfaitement crédible puisque c’est un intellectuel qui a, jusqu’à présent, démontré ses capacités de débatteur à la télévision. Par conséquent, il a un public de lecteurs et il n’y a pas de raison de penser qu’il ne puisse être un candidat crédible intellectuellement dans la campagne. Naturellement, on ne sait pas encore ce qu’il sera capable de faire en meeting. Ce n’est peut-être pas l’exercice qui lui sera le plus naturel.
Incontestablement, il incarne un courant politique important en France. Il incarne la possibilité d’être hors parti et, donc, de décloisonner. Dans ces conditions-là, cette candidature est tout à fait crédible.

 

Éric Zemmour n’est pas officiellement candidat, mais n’est pour l’instant qu’en promotion de son dernier ouvrage La France n’a pas dit son dernier mot. Éric Zemmour, c’est aussi ce grain de sel qui est en train de dicter l’agenda de la campagne. En quelque sorte, il bloque les angles…

 

À partir du moment où Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau ont jeté l’éponge de ne pas participer à la primaire de LR, ils ont libéré un espace politique dans lequel Éric Zemmour s’est engouffré, même s’il était sur ce créneau-là, avant qu’il n’y ait l’organisation de cette primaire.
D’autre part, je vous rappelle que je défends depuis des années l’idée que, désormais, la pression idéologique vient par la droite du spectre politique, ce que j’appelais le mouvement dextrogyre, et la visibilité et l’audience qu’Éric Zemmour a aujourd’hui, c’est une des illustrations du mouvement. Éric Zemmour est susceptible d’être confronté à des difficultés. Il va lui falloir une organisation et recueillir des parrainages pour être candidat à la présidentielle.
Les principaux obstacles me semblent être les suivants. Le premier obstacle, c’est qu’il apparaisse auprès de l’électorat populaire du Rassemblement national comme étant le supplétif de LR. Si c’est le cas, il aura des difficultés à capter cet électorat. Cela sera, évidemment, un handicap. Il faut à tout prix que son équipe et lui ne raisonnent pas en termes segments électoraux que l’on additionne mais en termes de dynamique.
Le deuxième obstacle, c’est le fait de monter dans les sondages, de grignoter Marine Le Pen, mais de ne pas atteindre un score suffisamment important pour être au second tour, tout en empêchant Marine Le Pen, peut-être, d’être elle-même au second tour. Au lieu d’être le rassembleur de la droite, il pourrait apparaître, d’une certaine manière, comme en étant le fossoyeur. Pour progresser encore plus, il me semble qu’il doit se présenter comme étant le candidat du décloisonnement, le candidat de celui qui va recomposer le spectre politique, parce qu’il est justement hors parti et qu’il est en dehors des logiques boutiquières.

 

 

Le risque, avec Éric Zemmour qui grimpe et Marine Le Pen qui baisse, c’est de voir les deux candidats à 15 % et de voir un second tour avec Xavier Bertrand-Macron, Valérie Pécresse-Macron ou Anne Hidalgo-Macron.

 

En politique, tout est possible. Si l’électorat était cohérent avec ses propres convictions, on peut même imaginer que l’on ait un second tour Marine Le Pen-Zemmour ! Car ces idées sur la préférence nationale, sur la lutte contre l’immigration, sur le protectionnisme, sur la défense des libertés économiques et sociales sont des idées très largement majoritaires en France. Elles ne deviennent minoritaires que si elles sont étiquetées d’un parti politique. C’est sans doute en cela qu'avec la candidature et la campagne d’Éric Zemmour, si elle est doctrinalement cohérente, il n’y a aucune raison de penser que l’on n'aurait pas un raz de marée pour les candidats véritablement de droite.

Guillaume Bernard
Guillaume Bernard
Politologue et maître de conférences (HDR) de l’ICES

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois