La vraie vie en distanciel…

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Sous un arbre, nous attendons Godot. Le maître d’école, à l’accent chantant, avec toute l’équipe pédagogique, s’est adressé, jeudi dernier, aux écoliers français de 7 à 77 ans. Sans le professeur Salomon, il est vrai, gardé au secret. Mais avec tous les chiffres, on a bien compris — pas fiers du tout — que l’addition, voire la multiplication - ou la soustraction - des morts était entre nos mains. Le chiffre des victimes du soir était impressionnant.

Qui c’est, Godot ? Ce que vous voulez : des godasses, le vaccin. Les Dupondt en costume bateau qui annoncent des vagues avec des pics, des gouffres, des embardées. Une éventuelle embellie. Ce n’est pas Dieu, en tout cas : Lui, il est en distanciel. Comme le coiffeur. M. Poisson a raison : si ça continue, les parvis vont devenir des ronds-points. Ivan Rioufol, aussi, a raison : la dictature sanitaire du politiquement correct, avec ses courbes en cloche, ses plateaux télé bourrés d’épidémiologistes, c’est à entrer en résistance. Il faut « s’armer de patience » : image promise à un bel avenir. Contre quoi, en revanche, on se le demande puisqu’on est promis au stop and go. Il est vrai que, quand les commerçants auront quitté les rues, on y verra plus clair.

Lors de la peste de Marseille, l’évêque Belsunce allait soigner les malades dans les rues. Le temps va-t-il venir où le docteur Pelloux réquisitionnera l’archevêque de Paris pour soigner et bénir en même temps ? Des petits malins, philosophes et journalistes, fort mal vus, disent : on meurt, et alors ? La vie est un risque. En attendant, ici et là, c’est le passage discret, pour le travail, du in au off.

Résumons. Si les Françaises et les Français sont disciplinés, M. Castex, vêtu de pourpre neigeuse, descendra soi-même, par la cheminée, nous souhaiter « un bon Noël », assorti de la menace, si nous ne gardons pas la distanciation, lors de la messe de minuit en distanciel, d’être privés du réveillon, pour de vrai, de la Saint-Sylvestre. Qui aime bien châtie bien.

En attendant, les sorcières Amazon and Cie caracolent. Sait-on pourquoi une Parisienne peut acheter son rouge à lèvres KissKiss et non des fleurs ? Hier soir, délicieux marché noir devant ma librairie : porte entrouverte, bouteille d’alcool sur une table, on donne le pognon en douce, on rafle son livre. Enfin, la vraie guerre. Comme mon Ausweis a droit à un quart d’heure, détour par le Monoprix, toujours ouvert, lui, acheter des pommes et une tisane au thym des garrigues. Retour sans surprise comme hier et comme demain. C’est agréable, cette vie essentielle, sans surprise, avec mes semblables muselés. Devant le café, fermé, de l’Écritoire, je me demande ce qu’est devenu le professeur au cartable que j’y voyais depuis vingt ans. Faut-il, décidément, se résigner au télétravail et au distanciel ? Cela dispenserait, il est vrai, l’État, de dépenses non essentielles, comme l’entretien d’églises.

Marie-Hélène Verdier
Marie-Hélène Verdier
Agrégée de Lettres Classiques

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