La vérité, toute nue ? C’est qu’ils n’ont pas la majorité : la preuve…

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L’information est passée relativement inaperçue, comme reléguée au second plan avec la polémique sur la proposition de loi du groupe LIOT pour abroger la loi repoussant l’âge de départ à la retraite : Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, a été dans l’obligation de signer, ce 5 juin 2023, le constat que « l’Assemblée nationale n’a pas adopté en première lecture, après engagement de la procédure accélérée, le projet de loi » de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022. Un nouveau revers pour le gouvernement et la « minorité présidentielle », comme Charles de Courson se plaît à qualifier le camp macroniste au palais Bourbon. Vous allez me dire : et alors, ça va changer quoi ? Et d’ailleurs, qu’est-ce que cela signifie, cette approbation des comptes ?

Pour bien comprendre, rappelons, au risque d’être rébarbatif, que le budget de l’État trouve sa légitimité dans la loi de finances votée par le Parlement chaque année pour l’année suivante. Cette loi détermine pour l’année civile la nature et le montant des ressources et des charges de l’État ainsi que l’équilibre budgétaire et financier qui en découle. C’est un des fondements de notre démocratie : il appartient au Parlement seul, détenteur de la souveraineté populaire, de décider quelles doivent être les dépenses de l’État. Selon les mêmes principes, il appartient à ce même Parlement de contrôler a posteriori l’emploi des ressources financières qu’il a consenties à l’exécutif pour conduire la politique de la nation. C’est le b.a.-ba de la démocratie, comme d'ailleurs de toute entreprise moderne. Couronnant le tout, un principe fondamental - et pourtant depuis longtemps masqué dans un brouillard incompréhensible pour les « citoyens lambda » que nous sommes - : celui du libre consentement à l’impôt. Un principe qui ne remonte pas à la Révolution française mais à la Grande Charte imposée par les barons anglais au roi Jean sans Terre en… 1215.

Au nom de ce beau principe, une loi organique, votée en 2001 et modifiée en 2021, relative aux lois de finances (LOLF) a consacré ce rôle central du Parlement dans l’examen et le contrôle des finances publiques (c’est-à-dire votre argent !). L’idée ? Instituer une sorte de contrôle de gestion à l’échelon étatique dès le premier euro engagé. On ne peut qu’être d’accord ! Dans ce cadre et dans le but d’exercer un contrôle a posteriori, existe donc cette « loi de règlement », annuelle, qui, depuis 2021, porte un nouveau nom on ne peut plus clair : « loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année » (LRGACA). Pour l’exercice 2022, le projet de loi a été présenté le 13 avril en Conseil des ministres par Bruno Le Maire et Gabriel Attal et déposé à l’Assemblée nationale le même jour. Et, donc, ce 5 juin, l’Assemblée nationale n’a pas adopté ce projet de loi. En clair, elle a rejeté les comptes présentés par nos grands argentiers.

Bien évidemment, la Macronie tente de relativiser l’événement. Comme Gabriel Attal, marchand de cravates en chef du gouvernement : selon lui, il s’agit simplement, pour le Parlement, de « prendre acte de la photographie budgétaire de l’année précédente », et en aucun cas de « faire des choix de politique budgétaire et fiscale ». En gros, c'est technique ! On se demande alors à quoi sert d’avoir un Parlement… et des ministres. Des comptables devraient suffire. Sauf qu’il s’agit bien d’approuver (ou pas), selon les termes de la loi LRGACA. « Approbation des comptes » ne signifie pas « enregistrer les comptes ». Ces gens-là ont au minimum un problème de compréhension de notre vocabulaire !

L’an passé, pour les comptes de 2021, il en avait été de même. Mais les comptes avaient été rejetés aussi par le Sénat. Comme le soulignait, mardi, sur l’antenne de RTL, Charles de Courson, une première depuis… 1833 ! Le rapporteur général du Budget à l’Assemblée, le député macroniste du Gers Jean-René Cazeneuve, avait alors essayé de minimiser ce rejet dans son rapport : « Ainsi, le Sénat rejette, pour la quatrième année consécutive, le projet de loi de règlement. Pourtant, la nature même de ce texte ne prête pas à l’expression d’un désaccord politique : il s’agit d’approuver les comptes de l’exercice passé. » Ah bon ! Comme si approuver ou désapprouver des comptes ne traduisait pas un accord ou désaccord politique. Comme si le budget de l’État n’était pas la traduction en chiffres de la politique de la nation conduite par le gouvernement. La vérité, en clair, toute nue est qu’ils n’ont pas la majorité. Alors, ça va changer quoi ? Rien. Le gouvernement ne tombera pas pour cela. Enfin, pas tout de suite...

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

25 commentaires

  1. Quatre années consécutives, ça commence à faire… Si le Parlement n’approuve pas les comptes de l’exercice passé, c’est qu’il y a un loup.

  2. Merci pour cette petite leçon qui nous fait mieux comprendre le fonctionnement de l’état et le rôle du parlement . J’ai bien compris que le gouvernement présente tous les ans au parlement sa loi sur les finances pour l’années suivante , le budget est voté ppar le parlement mais, une autre loi qui résultes du bilan des comptes de l’exercice concerné approuve ou rejette le bilan comptable de l’année écoulée ceci à postériori . Pour ce qui concerne celui de 2022 , le parlement l’a rejeté car le gouvernement ne s’est pas tenu au budget prévu . Donc , si j’ai bien compris c’est un désaveu par une majorité du parlement , sur une compétence qui serait le point fort du Mozart de l’économie en la personne de Jupiter , lui même . Dont acte!

  3. Enfin, pas tout de suite… Là est la question. Chaque jour qui passe fera que plus dure sera la chute. Pour Macron, pour les gouvernement, mais surtout pour la France et les Français.

  4. …« Ainsi, le Sénat rejette, pour la quatrième année consécutive », cela est gravissime ! Y aurait-il comme un parfum de destitution ?

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